Marcel Ebene présente ses propositions sur le système de sécurité sociale
Dans le cadre de ma chronique hebdomadaire de propositions pour le Cameroun, je présente aujourd’hui mes propositions sur les moyens de construire un véritable système de sécurité sociale au Cameroun.
Le domaine abordé ici sera celui de la santé et de l'économie. Je présenterai d'abord ce que j'appelle les symptômes du problème, ce qui ne marche pas dans la situation actuelle. Puis je proposerai un diagnostic et des solutions à envisager.
Symptômes constatés
Nadège a fait ses études à Yaoundé. Elle obtient la possibilité de poursuivre ses études à Ngaoundéré. Parallèlement à ces études, elle a la possibilité de diriger des TD pour les promotions les plus jeunes. Ça permet tant bien que mal de finir les fins de mois. Les siennes et à celles de son fils car Nadège a un fils. Un soir, elle rentre des cours et trouve son fils gravement malade. Elle l’emmène à l’hôpital. La facture pour les soins (à venir) tombe : 15000 FCFA. C’est la panique car elle ne les a pas, et ne sait vraiment pas comment elle les aura. Sa famille est aussi pauvre qu’elle et à Ngaoundéré elle ne connait personne. L’angoisse…
Nadège n’est malheureusement pas seule. Tous les jours, des milliers de personnes sont dans cette situation. En effet au Cameroun, quand on est malade, si on ne dispose pas de la somme nécessaire, on peut oublier l’hôpital. Il ne soigne pas à crédit. Seuls quelques heureux de la fonction publique et des salariés des plus grandes entreprises privées bénéficient d’un système de remboursement (ou de prise en charge) des soins. Sachant ces catégories ne représentent qu’une infime minorité de la population, c’est ainsi que certains, perdant le peu de dignité qu’il leur restait pour quémander ces sommes imprévues auprès de leurs connaissances. Et parfois malgré cela, ils ne trouvent pas.
Nous pensons que cette situation n’est plus acceptable.
Diagnostic et objectifs de la solution
Historiquement, rien n’a été fait. Et la complexité de la tâche si on entreprenait de bâtir un système à l’identique des meilleurs occidentaux, a probablement ralenti toute initiative.
Notre proposition se devra donc d’être réaliste, c'est-à-dire tenir compte du financement, de la nature des remboursements et des réalités de la société camerounaise.
Proposition de solution
1) Estimation des revenus des citoyens :
Nous ferons en sorte d’estimer au plus près les revenus des citoyens. Nous pensons qu’en liberté, responsabilité et solidarité, la solidarité est cela qui nous fait construire ce système de sécurité sociale. Mais en responsabilité, les citoyens doivent avoir conscience du coût de leurs traitements. C’est pour cela que dans notre système, le citoyen assumera toujours une part fonction de ses revenus du coût total de ses revenus. La manière de vérifier les revenus des citoyens est l’objet de la proposition numéro 13.
2) Illustration de l’utilisation des revenus :
Dans la part que le citoyen devra assumer, rentreront en comptes deux facteurs. Premièrement la hauteur des revenus. Pour un soin coûtant 50 000 FCFA, celui qui a un salaire de 100 000 FCFA assumera par exemple 10 000FCFA alors que celui qui a un salaire de 500 000 FCFA assumera 40 000FCFA. Le système pourra même configuré de telle sorte que celui qui gagne 4 000 000 FCFA assume 60 000 FCFA, de manière à constituer des réserves pour les plus pauvres (solidarité).
Le second facteur sera la hauteur des soins. On a compris que le premier facteur sera un pourcentage du soin fonction des revenus, mais il est évident que plus le soin sera élevé, plus il faudra établir une limite. Illustrons par un exemple où pour le soin de tout à l’heure valant 1000 FCFA, tout le monde paie 1000FCFA. Si le soin vaut 400 000FCFA, celui qui a un salaire de 100 000 FCFA assumera au maximum 50 000 FCFA, celui qui gagne le demi-million assumera au maximum 250 000 et celui qui gagne les quatre millions assumera la totalité. Bref les règles de calcul prendront en compte ces deux critères.
En résumé,
- la part de remboursement ne sera jamais de 100% pour que chacun prenne conscience du coût de la mesure
- Le remboursement sera fonction du revenu et du coût du médicament
3) Qui est remboursé?
Les personnes les plus fragiles dans toute société sont les enfants et les personnes du troisième âge. Ce sont eux qui sont le plus souvent malades, ce sont eux dont les soins coûtent le plus cher aux citoyens. C’est donc en priorité à ces populations que s’adressera notre plan. Tous leurs soins seront soumis aux propositions ci-dessus. Les enfants seront rattachés aux revenus fiscaux de leurs parents.
Les adultes malades ne se verront rembourser (selon les critères définis au point 2) que les soins les plus onéreux (limite à calculer).
4) Quels soins sont remboursés?
Ces propositions sont valables pour les soins disponibles dans les hôpitaux, publics et privés du Cameroun. Notre objectif (voir proposition sur l’augmentation de l’offre médicale) étant d’avoir le plus de soins localement, nous remettrons donc en question la politique d’évacuation sanitaire actuellement en place. Elle consiste en l’évacuation de certains grands malades hors du Cameroun, aux frais du contribuable. Grands malades dans tous les sens du terme dans la mesure où ce sont des maladies non soignées au Cameroun et d’autre part où l’éligibilité à ce programme n’est pas objective, étant littéralement le fait du prince. Ainsi nous retrouvons, des ministres, des membres du parti au pouvoir (ou de la simili-opposition) ainsi que des hauts fonctionnaires (retraités ou pas) ayant les bonnes relations. Ces évacuations sont coûteuses, et inacceptables sur le plan de l’équité. C’est pourquoi nous voulons abolir ces pratiques, en réaffectant cet argent à l’augmentation de l’offre locale. En attendant, nous rendrons objectives les modalités d’éligibilité à ces programmes, en l’ouvrant à l’ensemble de la population, en tenant compte de la gravité de la maladie et des ressources du malade (voir point 2).
5) exceptions au remboursement
Dans un souci de responsabilité, certaines maladies, même si le traitement existe au Cameroun, ne seront pas incluses dans les remboursements. Ce sont les maladies dont la responsabilité du malade est clairement engagée. Nous pensons que dans un pays libre, chacun a le droit d’adopter le style de vie qu’il souhaite, avec les risques que cela comporte, mais chacun, dans une société responsable doit pouvoir assumer ses choix de vie. Je prendrais deux exemples pour illustrer mes propos. Le premier d’un citoyen décidant de se procurer des sensation fortes en faisant des sauts en élastique sans élastique, se fracturant ainsi régulièrement la clavicule. Dès que cela aura été identifié, la sécurité sociale ne prendra plus en compte ses soins. Le second exemple est celui du fumeur. Il est assez mondialement reconnu (et si cela ne suffit pas, nous intensifierons la communication) que le tabac entraine des maladies graves. Certains choisissent néanmoins de continuer à fumer. Une fois que la caractérisation (scientifique) d’un fumeur sera établie, et que celui-ci ne s’engagera pas dans un processus d’arrêt, il sera exclu des maladies entrainées par le tabac pour ce qui est de notre proposition.
6) Financement :
Nous avons dit que selon notre proposition, une partie du financement de la mesure viendra directement des malades, selon les revenus. L’autre partie proviendra des impôts des particuliers dont une partie sera affectée spécifiquement à ce point. Les entreprises aussi seront mises à contribution, et dans le volet fiscal de nos propositions, nous verrons que la valeur absolue de leur contribution ne sera pas en augmentation, mais plutôt en baisse.
Eventuels effets de bord
- Meilleure prise en charge de l’ensemble des citoyens
- Réduction des inégalités
- Attention à porter sur les propositions fiscales pour assurer le financement de la mesure.
La semaine prochaine, j'aborderai la thématique de la prévention des coups d'État.
Vous pouvez relire les précédentes chroniques ici :
- chronique sur la lutte contre l'insécurité routière
- chronique sur l'administration et la prime au mérite
- chronique sur la culture et la lutte contre la piraterie
- chronique sur l'agriculture et l'autosuffisance alimentaire
- la chronique sur les règles d'attribution des marchés publics
- la chronique sur les règles de candidature à l'élection présidentielle
- la chronique sur l'équilibre régional
- la chronique d'introduction
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