L’utilisation d’Internet est désormais rentrée dans les habitudes quotidiennes des Camerounais des zones urbaines. Mais les “ nouveaux lettrés ” se plaignent de la lenteur de la connexion. Enquête sur l’orignine de ce désagrément.
Avril 2005. Le mois est à son début. Dans une salle climatisée remplie d’ordinateurs et de câbles disposés le long des murs, l’usager qui vient de pousser la porte est aussitôt attiré par des affiches sur lesquelles on peut lire : “ net Phone ”, “ initiation à l’Internet ” ou encore “ créez votre e-mail ici. ” Nous sommes dans un cybercafé au quartier dit Cité des palmiers, une banlieue de Douala. Le gérant, un peu gêné, tente de donner des explications à un client qui ne supporte plus la lenteur de la connexion. Peine perdue. L’homme ne veut rien entendre ; il se fait finalement rembourser et s’en va. “ Je trouverai facilement un autre espace qui fonctionne bien ”, lance-t-il.
Son assurance n’est peut-être pas aussi béate que l’on peut le croire. Dans le même quartier, à une distance d’environ 2 km, on peut dénombrer 5 cybercafés. Ces salles où les populations peuvent avoir accès à Internet essaiment à Douala. Elles sont si nombreuses qu’on croirait qu’il en existe au moins un demi-millier dans la capitale éconimique. Dans chaque quartier, chaque carrefour, ces nouveaux lieux de rencart répondent présent. Mais l’enthousiame et l’affluence des “ nouveaux lettrés ” ne saurait éclipser les difficultés d’accès à la toile. Les conditions d’un travail confortable ne sont pas toujours réunies. Sans climatiseur et parfois sans ventilateur, les salles sont généralement surchauffées. Par ailleurs, les salles sont étroites, les machines désuetes.
Le fournisseur envoie un débit faible
Au-delà de ces questions de structure, la lenteur de la connexion ou son absence totale restent, incontestablement, le souci majeur des consommateurs. Et les “ perturbations ” peuvent durer plusieurs jours voire des semaines. “ C’est une situation qui est régulière ”, affirme Eric Nguelefack, propriétaire d’un cybercafé au carrefour Ange Raphaël près de l’Université de Douala. Cette situation entraîne une perte de crédibilité que ces cybers ont du mal à gérer. Très souvent, pour se justifier auprès du consommateur, les gérants indexent les fournisseurs d’accès Internet.
Pour Guy Nganga, le gérant de Net/Com, un revendeur de services Internet situé à Ndokoti, la connexion ne peut pas être stable à tout moment. “ Elle dépend beaucoup plus du fournisseur d’accès ”, soutient-il avant de préciser que “ les fournisseurs ne respectent pas toujours les termes du contrat. Il arrive parfois qu’ils vous envoient un débit plus faible que celui qui est prévu dans le contrat. ” Martin Essombey, le gérant de Dot.Com, un cybercafé d’Akwa, semble plus prudent. Il ne se plaint pas systématiquement de son fournisseur. “ Quand la connexion est lente, nous scannons nos machines pour voir si le problème ne découle pas d’un défaut de fonctionnement ou d’un virus qui aurait infecté notre réseau ”, explique-t-il. Lorsque c’est le cas, leur équipe de trois techniciens se charge de surmonter la difficulté. Le fournisseur est contacté lorsque le scanner n’a décelé aucune anomalie dans les machines. Mais très peu de revendeurs de services Internet suivent ce processus.
Les cyber gèrent mal leur abonnement
Les fournisseurs d’accès qu’on accuse d’être à l’origine de la lenteur de la connexion dans les cybercafés ne se défendent pas mal. Simone Mougou, chargée de la communication à GlobalNet, un provider installé depuis 5 ans à Douala, reconnaît que le fournisseur peut avoir des problèmes techniques qui l’empêchent, pendant un certain temps, d’effectuer une bonne distribution. “ Mais la principale cause de la mauvaise connexion est la mauvaise foi de certains de nos clients ”, sérine-t-elle. Malgré les conseils, ces cybercafés utilisent plus de machines que ne le leur permet le débit pour lequel ils ont souscrit un abonnement.
Par exemple, avec un débit de 64 kilosbits par seconde (Kbps), il faut au maximum 12 machines pour que la connexion soit toujours rapide. Mais très souvent, les abonnés connectent à leur réseau 15, 20 voire 30 machines. Toutefois, les fournisseurs d’accès ont souvent des difficultés “ lorsqu’il y a beaucoup de clients alors que la bande passante est petite ”, ainsi que l’explique Dimitri Ndzana, le responsable commercial de Cyberix à Akwa. En dehors de cette mauvaise gestion de l’abonnement, on recense d’autres causes, naturelles celles-là. Les spécialistes expliquent que les conditions climatiques (vents, pluies, tonnerre, etc.), un relief accidenté ou alors la situation géographique du client (dans une zone où le signal arrive difficilementà peut être à l’origine de la lenteur.
Quoi qu’il en soit, la lenteur de la connexion crée des désagréments parfois domageables chez les clients. Non seulement ils paient beaucoup plus d’argent, mais surtout, ils perdent un temps qu’ils auraient pu utiliser à faire autre chose. Mais entre les fournisseurs d’accès et leurs clients (cybers), personne ne semble vouloir endosser la responsabilité. Tous sont cependant unanimes sur le fait qu’un minimum est requis en termes de moyens techniques et technologiques pour avoir accès à une connexion de bonne qualité. Il est probablement temps que les comités installés au ministère de la Communication, au ministère des Postes et télécoms, à l’agence nationale des Ntic, sortent de leurs bureaux pour entreprendre, avec les associations de consommateurs, une démarche pour amener les fournisseurs d’accès et propriétaires de cybercafés à s’entendre pour satisfaire au mieux la clientèle, désormais passionnée du net.
Des prix toujours en Hausse
Malgre la baisse des prix, Internet toujours cher. Que ce soit la connexion à travers le téléphone, le câble à fibre optique ou par satellite, le coût d’Internet reste élevé pour le Camerounais moyen.
Il existe aujourd’hui trois types d’accès internet sur le marché camerounais. Le premier c’est le réseau téléphonique commuté (Rtc) ou Dial-Up. “ Le Rtc nécessite obligatoirement une ligne de téléphonie fixe ”, explique-t-on au centre commercial de la Cameroon Telecom-munications (Camtel) de Bonanjo. En plus, l’abonné doit disposer d’un Modem (modulateur-démodulateur) et bien entendu d’un ordinateur. La formule est simple et indiquée pour les ménages ou les petits utilisateurs car la faiblesse du débit ne permet pas le transfert des fichiers très lourds.
Par contre, le deuxième type d’accès, le satellite, est plus efficace mais il nécessite un déploiement technologique plus important. De manière générale, pour le Wireless (sans fil) qui donne un service à haut débit (connexion théoriquement rapide), il faut entre autres une antenne pour capter les ondes radio, des équipements radio et de partage de réseau à l’intérieur. Ici, on n’a pas besoin d’un modem ; mais “ le client doit installer une carte réseau dans ses machines ”, précise Dimitri Ndzana de Cybérix.
Le troisième type d’accès c’est le câble à fibre optique dont le Cameroun dispose via Camtel depuis environ deux ans. Son utilisation n’est pas encore répandue : d’abord parce qu’il coûte plus cher que les autres, ensuite parce que cette technologie ne semble pas encore bien maîtrisée au Cameroun, et enfin parce qu’il n’y a pas un marketing adéquat pour le vendre auprès de potentiels consommateurs. Mais les spécialistes affirment que ce type d’accès autorise un impressionnant flux de données et illustre bien ce que certains appellent les “ autoroutes de l’information ” ou “ les inforoutes ”.
Entre 650.000 et 1.000.000 Fcfa par mois
Le Wireless est le service le plus demandé actuellement. A Douala, plusieurs providers qui fournissent ce service sont installés depuis cinq à six ans. IccNet, GlobalNet, Douala One, Creo Link, Camtel et bien d’autres se disputent le marché. La concurrence est rude et les prix, même s’ils restent élevés, baissent tout de même. Pour le Rtc par exemple, les frais d’abonnement mensuel varient entre 20.000 Fcfa et 50.000 Fcfa pour les ménages et environ 250.000 Fcfa pour les entreprises. L’abonnement au Wireless, lui, se situe aux environs de 650.000 Fcfa pour les ménages et un peu plus d’1 million pour les entreprises. Excepté à la Camtel, les clients (ménages, entreprises ou cybercafés) paient leurs consommations selon la formule “ Pre-payment ” avec des taux qui varient entre 600 Fcfa et 1200 Fcfa l’heure.
Ces prix semblent témoigner de la volonté des fournisseurs à faciliter l’accès Internet. Mais pour les populations, le prix reste bien élevé. Selon une étude de la Banque mondiale, peu de Camerounais vivent avec plus de 550 Fcfa par jour. Or l’heure de connexion, pour le consommateur final, va de 300 Fcfa à 1000 Fcfa. Tout dépend du quartier dans lequel est situé le cybercafé. A ce niveau, on se rend compte que pour surfer tous les jours, le citoyen est obligé de choisir entre son bout de pain et quelques minutes devant un terminal du réseau. Pour certains, le plus important n’est pas toujours le coût. Joseph Kemmi, chef d’une famille de 5 enfants, pense que “ si nous payons cher pour être connectés tous les jours sans difficultés, personne ne se plaindrait de quoi que ce soit. ”
Mais en tout état de cause, Internet que le président Biya a lui-même présenté comme une clé d’entrée au troisième millénaire devrait faire l’objet d’une politique publique active et dynamique visant à en faciliter l’accès au plus grand nombre. On peut simplement s’étonner que cette ambition politique ne soit pas concrètement traduite dans les faits.
Source: Le messager
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