A l’intérieur de l’immeuble siège, un désordre indescriptible fait de paperasses au sol et de tiroirs éventrés dans plusieurs bureaux attire l’attention du visiteur. Le désordre est encore plus frappant dans le bureau du M. Ngallé Bibéhé, le Pdg de la Socatur.
Des documents jetés çà et là, les tiroirs de son bureau enfoncés, des morceaux de métaux jonchant le sol. Le maître des lieux a du mal à contenir son émotion. “ Nous avons reçu cette nuit la visite de malfrats. Ils ont emporté des documents importants de la société, des chéquiers et surtout une somme avoisinant 80 millions de francs cfa. C’est un véritable coup de massue pour notre société qui traversait déjà une mauvaise passe financière… ”, explique-t-il d’une voix tremblante.
Désarmés et ligotés
Entre une réunion de crise avec ses principaux collaborateurs et l’accueil des amis venus le réconforter, le patron de la Société camerounaise de transport urbain (Socatur) trouve du temps pour donner sa version des faits de ce qui s’est passé au petit matin de dimanche 29 novembre dernier au siège de cette entreprise à Bassa. “ J’ai été joint au téléphone aux environs de quatre heures du matin, par un de mes collaborateurs qui m’informait de ce que nous avons été victimes d’un braquage. Il m’a expliqué que le vigile et les deux gendarmes de service cette nuit avaient été neutralisés, désarmés et ligotés par ces malfrats… ”
Les dires du Pdg sont confirmés par un agent de la Socatur, mécanicien, présent sur les lieux. “ Ce sont les cris du vigile qui m’ont attiré vers les bureaux. Je l’ai trouvé surexcité et il m’a dit que les braqueurs venaient de tout rafler dans les bureaux et qu’ils sont repartis en emportant un mini bus de la société. Ensuite, il m’a expliqué qu’il avait été ligotés de même que les deux gendarmes avec qui il assurait la garde. ”
Selon les premiers constats sur les lieux, les malfrats dont on ignore le nombre exact sont entrés dans les locaux de la Socatur après avoir forcé la porte principale. Une fois à l’intérieur, ils auraient entrepris la même besogne sur les portes du bureau du Pdg et de la caisse principale. “ Dans le bureau du Pdg, ils ont porté le coffre fort contenant de l’argent, et dans le bureau de la caisse centrale, ils ont juste vidé le contenu des caisses, qui contenaient les recettes de vendredi, samedi et dimanche… ”, explique Mme Moulobi, la Dga de la Socatur. Le plus extraordinaire dans ce coup est que c’est le fauteuil à roues du Pdg, retrouvé devant l’entrée principale de l’immeuble, qui aurait servi de moyen de transport du coffre fort de l’intérieur vers l’extérieur.
Zones d’ombres
Au siège de la Société camerounaise de transport urbain, les responsables sont unanimes sur l’existence d’une complicité interne avec les malfrats ; certains n’hésitent même pas à parler d’un véritable coup monté. Le vigile, le chauffeur d’un mini bus de la société, la caissière principale de la Socatur sont entendus par les enquêteurs.
“ Qu’est-ce qui explique que des quatre gendarmes qui d’habitude sont de faction ici, seuls deux subalternes étaient effectivement à leur poste de travail ? Qu’est ce qui explique aussi la facilité avec laquelle on les a désarmés ? Il est aussi inacceptable que pour une société comme la nôtre qui dispose d’une quinzaine de vigiles, un seul soit présent au moment du braquage ”, relève M Ngallé Bibéhé. Des soupçons se portent sur certains employés. Il se dit par exemple que le véhicule qui a servi pour transporter le coffre fort, avait un système de démarrage que seul le chauffeur maîtrisait. On ne comprend pas comment les braqueurs ont pu démarrer aussi facilement ce véhicule. On parle aussi de la présence de ce chauffeur non loin du véhicule à une heure tardive de la nuit. Par ailleurs la caissière principale devra aussi expliquer pourquoi elle a laissé une aussi forte somme d’argent – environ quinze millions représentant la recette de trois jours – dans son bureau alors que d’habitude elle prend toujours soin de mettre cet argent dans un endroit plus sécurisé. Autant de questions qui n’occultent pas une question essentielle à savoir pourquoi les responsables de la Socatur ont-ils choisi de garder dans leurs coffres d’aussi fortes sommes d’argent.
“ Nous préparions déjà la paie des employés ; bien plus, nous devions régler dès ce matin [29 novembre] des factures de nos différents fournisseurs… ”, explique M Ngallé Bibéhé. En attendant que les fins limiers de la gendarmerie puissent éclaircir le mystère de ce braquage peu ordinaire, c’est une interminable fin de mois de novembre qui s’annoncent pour les 400 employés de la Socatur.
|