Monsieur le président de la République,
“ Tout ce qui se fait pour les jeunes, sans les jeunes, est forcement contre les jeunes. ”
Le 10 février 2007, vous reveniez sur une promesse faite aux jeunes un an auparavant à la même période : “ Je comptais sur vous pour inventer une “nouvelle forme de patriotisme”, à base d’engagement pour la solidarité et d’attachement à l’intérêt général. Je vous renouvelle cet appel, car je crois que nous ne mènerons à bien le “New Deal” que je propose que par un changement radical des comportements. J’attends de vous que vous en soyez les pionniers.... ”
M. le Président, nous vous avions compris. Nous avions lancé le 05 mars de la même année l'Alternative citoyenne de la jeunesse dans l'optique de matérialiser ce "new deal", "cette nouvelle forme de patriotisme". Nous avions alors lancé un appel à la jeunesse afin qu'elle prenne ses responsabilités et cesse d'être la béquille des "pouvoiristes" et autres carriéristes qui n'ont pour seuls objectifs que leurs intérêts personnels.
Nous avions par ailleurs sensibilisé les jeunes qui constituent plus de la moitié de la population de ce pays à se réapproprier la République qui n'est pas seulement l'affaire d'une minorité agissante et insolente constituée à plus des trois quarts des personnes qui ont montré leurs limites. Quelques-uns parmi eux ont certes servi avec bravoure ce pays. Plusieurs ont tout aussi contribué à l'appauvrir, compromettant ainsi l'avenir et le progrès de la jeunesse. Malheureusement, M. le président, la même minorité vieillissante tient encore les rênes du pouvoir. Elle soutient construire ce pays pour le bien de la jeunesse.
Seulement, M. le président, nous sommes convaincus que “ tout ce qui se fait pour les jeunes, sans les jeunes, est forcément contre les jeunes ”. Les jeunes sont absents, ignorés et ne sont pas intégrés dans les instances où se décident leur avenir. La Commission nationale anti-corruption (Conac), l'Observatoire national des élections, les commissions de définition des actions à réaliser dans le cadre du budget d'investissement public, de passation des marchés, entre autres, sont des anti-chambres des vieillards. Le gouvernement, l'Assemblée nationale, les mairies, … ne sont pas épargnées de cette conspiration contre la jeunesse.
M. le Président, “ tout ce qui se fait pour les jeunes, sans les jeunes, est forcément contre les jeunes ”.
Dans notre mémorandum de mars 2007, pour contrecarrer cet éternel règne sénile, nous avons proposé la prise en compte du poids réel des jeunes dans les nominations aux instances supérieures de l'Etat (ministres, directeurs généraux, gouverneurs, préfets,...). Nous avons souhaité, entre autres, que les cautions faramineuses à payer pour postuler aux postes de président de la République, de député, de conseiller municipal, qui ne sont pas à portée des jeunes soient revues à la baisse: De 1.500 000 Fcfa à 500 000 Fcfa pour la présidentielle; de 500 000 Fcfa à 200 000 Fcfa pour les législatives; de 25000 Fcfa à 15 000 Fcfa pour les élections municipales.
“ Tout ce qui se fait pour les jeunes sans les jeunes est forcément contre les jeunes. ”
Le modèle social camerounais doit désormais se fonder sur une véritable égalité des chances. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Le succès du jeune se dessine malheureusement à travers ses relations, son ethnie, sa cathédrale, la situation de fortune de ses parents etc. Aussi, avons nous constaté le cœur meurtri, que de grandes entreprises (le Port autonome de Douala, la Société nationale des Hydrocarbures, la Société nationale de Raffinage,...) sont la chasse gardée des progénitures des pontes qui nous gouvernent. Dans ce complot ourdi contre la jeunesse, les grandes écoles à l'instar de l'Ecole nationale d'administration et de magistrature (Enam), de l'Institut des relations internationales du Cameroun (Iric), l'Ecole militaire inter-armées (Emia), l'Ecole supérieure de Police, les Facultés de médecine, etc., sont confisquées par les fils des riches et de l’élite politique de notre pays. Nous nous acheminons inexorablement vers une dynastie complaisante due à ce système de reproduction sociale. Les fils de ceux qui nous gouvernent aujourd'hui prennent progressivement la place de leurs géniteurs. Ils nous gouverneront demain. Les exemples sont légions.
“ Tout ce qui se fait pour les jeunes, sans les jeunes, est forcement contre les jeunes ”
M. le président, ces privilégiés ne sont pas les meilleurs. Ils ne le méritent pas toujours. Plusieurs se recrutent parmi des cancres qui ne doivent leur véritable ascension sociale qu'à la tricherie, à la corruption, au trafic d'influence. Votre silence les conforte et les y encourage.
M. le Président, votre géniteur n'était pas président de la République, ni ministre, ni gouverneur, ni préfet, ni directeur d'entreprise, ni magistrat... mais par l'école, le travail, la confiance, vous avez été chargé de mission à la présidence de la République, ministre, secrétaire général à la Présidence, Premier ministre, puis président de la République. La jeunesse "sans parapluie ni godasse" n'aura pas la chance de trouver le moindre emploi. Nous plaidons pour la méritocratie et l'égalité des chances pour tous.
Tout jeune a une compétence. Tout jeune doit pouvoir vivre dans ce pays. Tout jeune a besoin de fonder une famille. Tout jeune a besoin d'un emploi. Tout jeune souhaite soutenir ses parents. L'émigration, la fuite des cerveaux, de la main habile, est un exutoire à risque.
Le "new deal" cher au président américain Franklin Delano Roosevelt avait pour objectif de lutter contre la crise économique qui avait secoué son pays. Appliqué à la jeunesse camerounaise, il s'agit de résoudre leurs problèmes dont le plus urgent est l'emploi. Cela passe par la mise en œuvre des programmes conséquents, par la création d’emplois. Aux Etats-Unis, trois principaux axes avaient été initiés pour résoudre la crise. Combien en avez-vous initié pour résoudre le chômage et améliorer les conditions de la jeunesse? Le new deal américain n'était pas idéologique, mais pragmatique. Il avait été programmé sur un temps précis avec des objectifs à chaque étape. En l'espace de 100 jours, il avait fait ses premières preuves.
M. le président, “ tout ce qui se fait pour les jeunes, sans les jeunes, est forcément contre les jeunes ”.
Nous avons rempli notre contrat. Vous n'avez pas rempli le vôtre. Nous sommes prêts depuis longtemps pour ce "new deal", pour cette "nouvelle forme de patriotisme"; mais pas vous. La création des écoles, l'amélioration des conditions des apprenants etc., est une panacée, mais pas la solution à notre souffrance. Nous voulons des emplois. Les jeunes souffrent dans leur chair. Vous n'avez pas la bonne information.
Une fête de la jeunesse calquée sur des manifestations diverses, des soirées festives, des ateliers, des conférences, des parades de tout genre et des discours dont les réalisations ne suivent pas les promesses n'intéressent plus les jeunes. Ils attendent des actes concrets, des solutions efficaces à leur misère. Epargnez-nous des discours. Donnez-nous des emplois.
Le fameux parlement de la jeunesse régulièrement organisé pour justifier les détournements de fonds ne sert à rien. Qu'a-t-il déjà produit de concret? Sinon de regrouper quelques gosses de riches pour une parade.
“ Tout ce qui se fait pour les jeunes sans les jeunes est forcément contre les jeunes ”
M. le Président, les jeunes souhaitent vous rencontrer et vous présenter de visu leurs doléances et leurs attentes. Le 11 février est la fête de la jeunesse. L'honneur leur revient à cette occasion de présenter de vive voix leurs doléances et proposer des solutions à leurs souffrances. Nous proposons ainsi que cette jeunesse soit reçue à tous les niveaux de l'administration. Les chefs de villages, de district, les sous-préfets, les préfets, les gouverneurs et enfin par le président de la république. L'avenir d'un pays repose sur sa jeunesse. Vous avez coutume de le dire. Mais pas sur une jeunesse réduite à la mendicité, à la misère et dont le seul rêve est de s'émigrer faute d'emploi au pays. Nous avons la solution à nos problèmes. Vous avez les moyens.
Par Luther André MEKA Président du bureau exécutif de l’ACJ
Source : Le Messager
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