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Arrestation de Camerounais aux USA : faut-il lyncher nos compatriotes sur la place publique ?
(18/01/2008)
Après l’émoi provoqué par l’arrestation de six Camerounais aux Etats-Unis et les vives réactions que cela a suscitées, un membre de la rédaction a souhaité réagir...
Par Yann Yange

« Wheaton ». Petite bourgade au cœur des Etats-Unis. Petite ville que la banalité du quotidien aurait dû confiner à l’anonymat le plus total. Petit coin perdu dans le Maryland dont bon nombre de Camerounais n’aurait jamais dû entendre parler, si ce n’était cette triste affaire. Et quelle affaire : une banale histoire de cambriolage à la BB&T.

Cambriolage, histoire banale, en effet. A quelque chose près. Car il a fallu que ce soit des ressortissants Camerounais qui soient au centre de cette affaire, somme toute anecdotique, pour que cela suscite l’emballement général et provoque un remue-ménage indécent.

Et voilà : les habituels donneurs de leçons, reconvertis pour la circonstance en « dieu le père », mugissant de toute part, les chantres de la pensée unique ressortant allègrement de leur tanière, et les patriotes du dimanche, spécialistes de l’agitation cybernétique, refaisant pompeusement surface. Pour insulter. Dénigrer. Pour diffamer.

Mais que n’a-t-on pas entendu ?

Que Paul Biya soit le responsable, direct ou indirect, de cette dérive ? L’argument est grossièrement discutable.

Que ce cambriolage soit une pratique consubstantielle aux Camerounais de D.C, de Silver Spring ou du Maryland tout entier ? La généralisation est foncièrement douteuse.

Que le général Tataw soit un voleur patenté et que l’implication de son fils, Robert Tataw, soit donc naturelle dans cette affaire ? L’affirmation est au mieux comique.

Mais encore : que nos six suspects Camerounais soient affublés de tous les noms d’oiseaux, d’imbéciles, d’idiots, de cons ou d’irresponsables qui salissent l’image du Cameroun dans le monde ? Ce sont là des jugements globalement hâtifs et quelque peu inélégants que nous ne pouvons accepter. Car à ce moment de l’affaire, rien, aucun élément ne peut nous permettre d’affirmer la culpabilité de TOUS les suspects interpellés le week-end du 12 Janvier.

Et dès lors, comment expliquer, ce lynchage généralisé sur la toile et un peu partout au sein des communautés Camerounaises de la diaspora ?

Notre propos ici n’est certainement pas de glorifier de présumés cambrioleurs, ni d’attaquer ceux qui les condamnent avec énergie. Il consiste encore moins à encenser la logique de tricherie ou à faire l’apologie du banditisme. Au contraire : nous condamnons tout cela avec la plus grande fermeté.

Néanmoins, nous pensons qu’il est encore possible de condamner les faits sans avoir à insulter les individus. D’incriminer les gens sans se sentir l’obligation de les dénigrer. D'indexer les personnes sans nécessairement tomber dans le mépris. Ne serait-ce que par pure élégance, même lorsqu'il s’agit des pires voleurs. Ou mieux, par simple solidarité nationale.

Car, en effet, cette triste affaire, au-delà de la question de la culpabilité de nos compatriotes, de leur rapport à l’argent, ou de toute autre spéculation sur leur comportement, pose au grand jour la problématique de la solidarité nationale. Faut-il être solidaire de ces Camerounais quels que soient les forfaits qu’ils aient commis ? Peut-on, de manière réaliste, composer avec cette dichotomie qui consiste à les condamner et à en être solidaire ?

Si répondre à ces questions nous semble particulièrement difficile (car être solidaire, c’est aussi un peu cautionner), nous restons avec cette conviction, intime, qu’il est possible de dénoncer sans tomber dans le lynchage public. Et, disons le, ce n'est pas encore le comble du banditisme international que de fomenter un cambriolage raté d’une banque inconnue du grand public dans un coin perdu de l’Amérique profonde.


Elisabeth Tarke, l'une des inculpées
Elisabeth Tarke, l'une des inculpées
D’ailleurs, la présence de Camerounais en marge de la loi, particulièrement aux Etats-unis, serait-elle une si grande nouveauté au point que l’on ait à décrier leur comportement comme le drame du siècle au sein de la diaspora ?

Nous n’avons pas souvenir de ces musulmans qui ont dénigré et insulté ostensiblement les islamistes fanatiques qui ont endeuillé des milliers de familles lors des attentats du 11 Septembre, même s’ils ne les condamnaient pas moins pour la plupart.

Nous n’avons pas non plus souvenir de ces Américains qui ont snobé, voire méprisé, avec force, leurs compatriotes traumatisant femmes et enfants en terre Irakienne ou Afghane; évènements par ailleurs bien plus tragiques.

Par contre, ce que nous avons encore fraîchement en mémoire, c’est un Nicolas Sarkozy défiant la justice Tchadienne avec un « j’irai les chercher quoi qu’ils aient fait », dans le cadre de l’affaire de l’arche de ZOE, dans laquelle des humanitaires Français étaient inculpés au Tchad et pour laquelle ils ont finalement écopé de 8 ans de travaux forcés.

Comme quoi, des leçons de patriotisme, même de façade, les Camerounais pourraient encore en apprendre.

Et soyons bien clairs : comme la plupart des gens, nous sommes contre cette résurgence de la vie facile. Comme la plupart des gens, encore, nous encourageons les jeunes à travailler à la sueur de leur front. Et comme une majorité de braves gens, toujours, nous aspirons à cultiver le culte de la réussite par le mérite, dans le cadre du respect de la loi. Mais, insulter et diffamer de malheureux Camerounais, fussent-ils de présumés malfrats aux Etats-unis, ce n’est pas notre conception du patriotisme.

Il n’y aura jamais d’un côté, le patriotisme du pire et de l’autre, le patriotisme du meilleur. Le sursaut patriotique est « un et indivisible ». Et c'est certainement l’un des enseignements que beaucoup parmi nous auraient dû mettre à profit de leur(s) séjour(s) en Amérique : « on peut ne pas être d’accord avec un compatriote, mais on ne le lynche pas sur la place publique. Encore moins sur celle du voisin. »

Cela peut être délicat dans une perspective individuelle. Mais ça permet de rester crédibles collectivement.
**

Note : vous pouvez lire l'histoire relative à ces six Camerounais ci-dessous :
Un groupe de Camerounais arrêté aux Etats-unis








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