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Migration : Partir a tout pris
(19/11/2007)
Des milliers de jeunes veulent quitter le Cameroun en empruntant parfois des chemins de travers, mais le phénomène demeure mal mesuré. Le Quotidien Mutations est revenu sur ce phénomène.
Par Jean Baptiste Ketchateng

Combien de jeunes camerounais s'en vont-ils chaque année sur les chemins d'un exil clandestin ? " Le problème des chiffres, c'est qu'ils sont approximatifs ", soutient Yves Tsala, président de Solutions aux migrations clandestines (Smic), une Ong camerounaise. Aussi, ne donnera-t-il pas de chiffres, même à titre indicatif. Blaise Jacques Nkene, coordonnateur de la campagne d'information sur les dangers des migrations irrégulières à l'Organisation internationale pour les migrations (Oim), n'a point de chiffres à donner également. Pourtant, à écouter les médias internationaux, le phénomène est réellement prégnant sur la jeunesse africaine, au regard des noyés dont les dépouilles sont régulièrement rejetées par la Méditerranée, aux portes de l'Europe.

Mais, souligne Blaise Jacques Nkene, on ne peut en conclure qu'il s'agit d'un phénomène marginal autour duquel les pays d'accueil feraient " du bruit ". " Au sujet des statistiques, explique-t-il, on est obligé de procéder par ordre de grandeur à cause des lacunes énormes et des difficultés de nos instruments de mesure. Il y a en effet une pénurie de données sur le phénomène migratoire. On peut cependant dire qu'entre janvier 2006 et juin 2006, selon l'Union européenne, 38.000 jeunes camerounais ont demandé à sortir. Il ne s'agit là que des enregistrements dans l'espace de l'Union européenne, c'est-à-dire 25 pays sur 191 dans le monde. "

De plus, souligne-t-il, la clandestinité des migrants doit être diversement appréciée : " Le premier mois, le migrant peut être régulier, parce qu'il a reçu un visa de trois mois. Après ce trimestre, l'on entre en clandestinité. Si l'on est en France, on se rend en Suisse où un mariage peut tout régulariser. On peut aussi aller en Espagne où on régularise massivement en ce moment. Il suffit cependant d'une faute pour que tous les papiers autorisant le séjour soient rendus caduques et on revient au statut de clandestin. Cette complexité fait que même en Europe, on n'a pas d'évaluations sûres du nombre de clandestins. " Par ailleurs, le chemin de la migration clandestine passe aussi par la route : avec un peu d'argent, une jeune se rend au Nigeria, puis au Niger. De petits boulots, de faux passeports, permettent d'avancer jusque vers l'Algérie, la Mauritanie, le Maroc, etc. avant le passage sur de frêles esquifs qui défient la Méditerranée.

10.000km

Que peut-on dès lors en conclure ? Selon cet expert de l'Oim, d'un point de vue statistique, une telle donnée (38.000 demandeurs de visas Schengen en 6 mois) permet de mesurer l'attraction et d'estimer au moins les candidats au départ régulier et peut-être irrégulier. " Projetez-vous sur dix ans et mesurez le phénomène : combien de Camerounais seront partis d'une manière ou d'une autre en cet espace de temps. 38.000, c'est une donnée de base qui peut faire dire que le phénomène est important ", explique M. Nkene. En la matière, ajoute Yves Tsala, la prudence est de mise. Même si, par compartiments, l'évaluation chiffrée du phénomène de l'immigration clandestine des jeunes révèle des statistiques " remarquables " et inquiétantes pour un pays tel que le Cameroun.

" Nous avons reçu des Ong comme la Cimad, qui s'occupe essentiellement des clandestins dans les camps de regroupement, des médias comme Jeune Afrique, une indication : entre 68 et 70% des migrants qu'on retrouve aux portes de l'Europe notamment sont au moins titulaires d'un baccalauréat. Et dans un reportage réalisé dans les forêts de Ceuta et Melilla, les îles espagnoles par lesquelles nombre de clandestins transitent, la télévision marocaine 2M a révélé qu'ils sont organisés en communautés. Parmi celles-ci, il y a des Camerounais qui comptent parmi les plus lettrés. On y a retrouvé deux professeurs de lycée ", indique le président de Solutions aux migrations clandestines.

En plus d'être " lettrée ", l'immigration clandestine se féminise et se rajeunit davantage, selon M. Tsala. 75% des jeunes qui empruntent des chemins de travers pour " partir " ont entre 20 et 35 ans, rapportent les dirigeants de Smic. " C'est compréhensible que ce soit les jeunes qui partent, explique Blaise Jacques Nkene. Pour parcourir 10.000km à pied, il faut avoir des forces. D’ailleurs la profonde mutation qui fait que depuis 1985, au Cameroun, ce sont des diplômés de l'enseignement supérieur qui partent, doit être liée d’après lui aux difficultés économiques, à la raréfaction des emplois. " C'est la preuve, soutient dès lors le coordonnateur de la campagne de l'Oim, qu'il faut s'attaquer aux causes, bien que l'Europe s'investisse dans une meilleure fermeture de ses frontières.

" Lorsqu'elles sont irrégulières, les migrations causent du tort à tout le monde : au migrant, au pays d'origine et au pays qui accueille. En partant de chez lui, le clandestin fait perdre une force de travail à l'Etat qui l'a formé. L'Etat d'accueil ne peut profiter de ce travailleur qui ne paie pas d'impôts, le migrant lui-même perd sa capacité d'épanouissement ", explique-t-il. Pourtant, " ils partent ". Les " appels d'air" telles que les régularisations massives qui sont en cours en Espagne ne prouvent-elles pas que l'Europe ne se porte pas finalement si mal avec ses clandestins ? Pour M. Nkene, c'est l'illusion offerte par les exilés qui renvoient des images de réussite et les difficultés économiques locales qui plus que toute autre raison, alimentent l'immigration clandestine.


Source : Quotidien Mutations






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