Dans la nuit du mercredi 29 novembre, deux étudiants (Ousseini Abiadong du département économie et un autre non identifié) ont rendu l’âme après avoir reçu des balles tirées (dans la foule) par les forces de l’ordre déployées sur le campus. La soldatesque venue “ casser ” les manifestants a remis ça hier, jeudi 30 novembre, en tuant deux autres étudiants, dont une jeune fille. L’on dénombre aussi plusieurs blessés internés à l’hôpital provincial et dans d’autres centres hospitaliers de la ville.
Selon des sources dignes de foi, c’est vers 19 heures, dans la soirée du mercredi 29 novembre, que les forces de l’ordre sont passées à l’action avec violence. “ Les étudiants, vêtus en noir, étaient rassemblés dans le campus. Ils étaient en pleine concertation quand les forces de l’ordre sont venues les disperser violemment. Pour se défendre face aux coups de fouets et aux bombes lacrymogènes, les étudiants lançaient des cailloux.
Furieux, certains éléments des forces de l’ordre ont commencé par tirer en l’air, puis dans la foule. Sur le champ, l’on enregistre le premier mort. Le deuxième rend l’âme à l’hôpital provincial annexe, après avoir été grièvement blessé par une balle. Après le décès de ces deux étudiants, nous avons décidé de durcir le ton et de manifester dans la ville. Il s’en est alors suivi, dans divers quartiers de Buea, des affrontements entre les forces de l’ordre et les étudiants aidés par une bonne frange de la population.
Cette situation s’est poursuivie jusqu’au lendemain, jeudi 30 novembre, et a abouti à deux autres morts du côté des étudiants et de nombreux blessés ”, raconte un membre de l’Ubsu.
Revendications des étudiants
En effet, choqué par le mutisme de l’administration de l’université face à leur revendication première – maintien de la première liste des admissibles au concours d’entrée à la faculté de médecine (voir Le Messager du mardi 28, du mercredi 29 et du jeudi 30 novembre) – l’Ubsu a remis sur la table d’autres problèmes. Elle exige : la conclusion de l’enquête sur la grève d’avril et mai 2005 (elle avait abouti à la mort de deux étudiants), et la suppression des frais de pension universitaire : 750.000Fcfa par étudiant pour le cycle master ; 1.500.000Fcfa par étudiant pour le cycle doctorat.
Ces exigences ont été exposées publiquement mercredi dernier au Pro chancellor (président du conseil d’administration) de l’institution, Peter Agbor Tabi. Le face-à-face entre les étudiants et Peter Agbor Tabi (venu au campus ce jour-là en médiateur) s’est déroulé dans un climat de tension. “ Quand il est arrivé, il a commencé par l’intimidation.
C’est pour cela que nous nous sommes fâchés et avons décidé qu’il ne quittera pas le campus sans avoir trouvé des solutions à nos problèmes ”, confie un leader estudiantin.
Nombre d’étudiants de l’université de Buea, apeurés par les événements tragiques de mercredi et jeudi derniers, ont quitté la ville. Les uns avec leurs effets, les autres sans bagages. Certains élèves du secondaire et du primaire, et d’autres habitants de Buea ne quittent plus leurs domiciles.
Les contre-vérités du gouvernement
Au lieu de prendre au sérieux la crise à l’université de Buea, l’Etat du Cameroun s’engage dans la voie de la diversion. Celle-ci est contenue dans un communiqué gouvernemental signé du secrétaire général des services du Premier ministre Jules Doret Ndongo. Ledit communiqué a été rendu public en fin d’après-midi hier, jeudi 30 novembre. Dans ce communiqué (de contrevérités), le gouvernement lâche le vice chancellor de l’université de Buea, Cornélius Lambi, signataire de la liste initiale des 127 admissibles au concours d’entrée à la faculté de médecine.
Le communiqué du gouvernement révèle qu’il s’agissait “ d’une publication irrégulière, par les autorités de l’université de Buea, d’une liste d’admissibilité à la filière de médecine de ladite institution ”.
Par la suite, le gouvernement reconnaît que les manifestations des étudiants, entamées lundi dernier, ont été réprimées avec violence. “…Lesdites manifestations, qui se sont poursuivies avec l’attaque nocturne d’un commissariat de police par une bande hétéroclite d’individus armés de fusils et de gourdins, se sont soldées par deux morts du côté des assaillants et des blessés du côté des forces de l’ordre ”, précise le communiqué. “ Que des mensonges ! ”, clament haut et fort les étudiants et autres habitants de Buea qui disent n’avoir jamais attaqué un commissariat de police.
“ Après avoir déploré les morts et les blessés enregistrés, le chef du gouvernement a prescrit au secrétaire d’Etat à la défense et au délégué à la sûreté nationale d’ouvrir une enquête… Aussi prescrit-il au ministre de l’enseignement supérieur de : 1- prendre toutes les mesures nécessaires pour ramener la sérénité au campus de l’université de Buea afin que les activités académiques reprennent leur cours normal ; 2- faire respecter le processus et les textes réglementaires en vigueur en matière d’admission dans les grandes écoles de formation et institutions universitaires d’Etat ; 3-d’engager les mesures appropriées à l’encontre des membres de la communauté universitaire impliqués dans ces actes de violence et de vandalisme ”, conclut le communiqué.
Source: Le Messager
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