Une action qui a remis en cause le rôle de ces comités crées vers la fin des années 1990 à travers les quartiers de la ville de Douala pour palier à l’insécurité montante. A cette occasion, on s’est également souvenu du décès de François Njo’o, policier retraité a été lynché puis brûlé vif, au lieu dit Pk13. L’infortuné avait été dénoncé auprès du groupe d’autodéfense du coin, comme étant le chef d’un gang de braqueurs.
La dénonciation a été prise pour vérité absolue, et la justice populaire s’est mise en branle. Le rôle et les méthodes des groupes d’autodéfense ne font pas l’unanimité au sein des citoyens de la ville. Corentin Dipita, ancien tenancier d’un débit de boisson à Bépanda peuple, a cessé ses activités après une rixe avec des membres supposés du comité de vigilance du quartier. Ces derniers, prétextant que la victime ne voulait pas se laisser fouiller, l’ont sévèrement battu. " Des passants m’ayant reconnu m’ont arraché de leurs griffes et m’ont sauvé la vie ", se souvient-il aujourd’hui.
Malgré ces dérapages, les comités d’autodéfense sont plutôt bien perçus par les populations qui bénéficient de leur service. " Les bandits nous dictent impunément leur loi. Lorsqu’on appelle la police et la gendarmerie, elles réagissent à peine, et par conséquent, nous laissent le privilège de nous défendre par nous-mêmes ", s’insurge un chef de bloc du célèbre quartier Monaco à Bépanda. Ici, les habitants qui en avaient marre des assauts des malfrats, à quelques mètres seulement du commissariat du 7ème arrondissement, font leur propre police.
Mais jusqu’où iront-ils?
Du côté des comités, on se veut serein, malgré toutes les accusations faite à leur encontre. Pierre Ganso, président du comité d’autodéfense de Bonamoukouri explique le contexte de la création dudit comité : "L’idée nous est venue, parce que des bandits nous ont mis au défi. Des tracs avaient été lancés, annonçant leur arrivée imminente chez nous. Nous avons estimé qu’il fallait barrer la route aux bandits qui sont des hommes comme nous. Nos parents, qui sont concernés au premier chef par l’insécurité, ont encouragé notre initiative.
Les autorités administratives, la police, la gendarmerie aussi. Nous avons déjà réussi, avec le concours de la police, à appréhender les petits bandits qui s’infiltraient régulièrement dans notre quartier." Chaque jour, une vingtaine de jeunes du quartier Vallée Bessenguè à Douala, se présente au lieu du rassemblement. Le rituel quotidien auquel ces braves gens répondent avec enthousiasme, commence autour de 23 heures 30 minutes. Ils appartiennent au comité de vigilance qui couvre l’ensemble du quartier Bonamoukouri Bonakouamouang. En service depuis un mois à peine, ce groupe d’autodéfense présente quelques curiosités. Ses éléments arborent une combinaison vert-militaire ainsi que des chaussures de sécurité.
Gourdins à la main, ils épient les passants suspects, vérifient les identités, surveillent leur territoire… " Nous sommes tranquilles depuis que ces enfants veillent sur la sécurité de notre quartier ", s’empresse de soutenir Ndam Mama, une élite et homme d’affaires bien connu du coin.
Le comité de vigilance de Bonamoukouri Bonakouamouang a été installé en début de ce mois d’octobre par le sous-préfet de Douala 1er, Pascal Mbozo’o, en présence des responsables de la police et de la gendarmerie de son ressort de commandement. A cette onction administrative s’est ajoutée l’appui technique, logistique et financier du Centre d’accompagnement des nouvelles alternatives de développement local (Canadel).
Cette organisation non gouvernementale basée à Yaoundé, et bénéficiant de financements canadiens, a supporté les frais de formation des veilleurs de nuit de Bessenguè, ceux de leurs combinaisons, leurs sifflets, leurs gourdins et leurs chaussures de sécurité. Enfin, Canadel, sur trois mois, s’est engagé à leur verser un modique perdiem, dont le montant n’a pas été rendu public.
Malheurs
A d’autres coins de la ville de Douala, des comités d’autodéfense fonctionnent, avec moins de professionnalisme et de moyens. Bépanda peuple. La nuit tombée, une longue chaîne se dresse au-dessus de deux poteaux de fortune en fer, érigés par les membres de l’autodéfense du quartier. Les coups de sifflets résonnent d’un peu partout. Après minuit, les passants sont systématiquement interpellés, fouillés. Les " vigiles " qui opèrent ainsi sont parfois d’une nervosité inexplicable.
Encore que les odeurs de chanvre indien qui se dégagent de la pénombre, renseignent sur le conditionnement psychologique des veilleurs. C’est d’ailleurs l’un des reproches souvent fait à ces personnes dont le rôle est pourtant reconnu ici et là à travers a ville. A Nyalla, Bonabéri, New-Bell, Maképè, Brazzaville ou Madagascar, des groupes d’autodéfense ont été créés, et connaissent des fortunes diverses.
D’où vient-il donc que cette police non conventionnelle installe à tours de bras ses états-majors dans la plupart des quartiers populeux de Douala ? Le sous-préfet de Douala 2ème, Mohamadou Bachirou, estime que " l’état ne peut pas mettre un policier derrière chaque Camerounais ".
En clair, la sécurité est une affaire de toute la communauté. C’est en tout cas, ce qu’il a expliqué aux populations de New-Bell, la semaine dernière, alors qu’il installait des comités de développement, et de vigilance dans ce quartier à risques de Douala. Son homologue de Douala 1er, Pascal Mbozo’o a également inscrit sa démarche dans la même logique, " en appuyant moralement le comité de vigilance de Bonamoukouri Bonakouamouang ". A ses membres, il a prescrit discipline et rectitude morale.
Un officier de police qui travaille au quotidien avec les Equipes spéciales d’intervention rapide (Esir), unité récemment constituée pour étouffer la poussée de l’insécurité dans les villes de Douala et Yaoundé, affirme que " les groupes d’autodéfense sont très utiles à la police et la gendarmerie. Ils fournissent des renseignements fiables, étant donné qu’ils connaissent mieux les habitants et le terrain ".
Source: Quotidien Mutations
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