Des bagages sont entassés en vrac. Un vacarme est entretenu par des hommes et des femmes au regard menaçant, alignés en file indienne, en vue de leur enregistrement. Tout ce beau monde est constitué des candidats au départ volontaire, qui en ont fait la demande auprès des autorités diplomatiques nigérianes au Cameroun.
"Ils sont principalement constitués de personnes âgées ou démunies, incapables de payer les frais de séjour exigés par les autorités camerounaises", a déclaré à Mutations, Harry Bristol, Consul général du Nigeria à Douala. Selon le diplomate, le rapatriement volontaire des démunis, malades et incapables de débourser 130.000 francs Cfa en vue de l’obtention d’une carte de séjour, n’avaient pas de choix : "ils sont quotidiennement victimes des tracasseries de la part des forces de sécurité", a-t-il dit.
C’est à 17 heures que le bateau battant pavillon nigérian, avec à son bord plusieurs dizaines de personnes, a quitté la base navale de Douala, pour l’Est du pays de Olusegun Obasanjo. L’opération qui a commencé hier, et qui concerne en tout plus de 4000 personnes, venant de toutes les régions du Cameroun, est financée par le gouvernement nigérian à travers la National Emergency Management Agency (Nema).
Le Consul Harry Bristol, qui a effectué au moins trois missions récentes dans son pays, afin de boucler le budget de l’opération de rapatriement, n’en a pas dévoilé le coût total. Il a regretté que le coût du permis de séjour pour les ressortissants de son pays au Cameroun reste élevé, tout en rappelant que ses services avaient régulièrement fait état aux autorités camerounaises des difficultés rencontrées par les Nigérians vivant dans diverses localités.
Le départ massif, même volontaire des Nigérians, suscite cependant des interrogations. Surtout que les manœuvres de rapatriement arrivent quelques jours seulement après la rétrocession officielle de la péninsule de Bakassi au Cameroun, qui a marqué un début de normalisation des relations restées tendues entre les deux pays, du fait d’un différend territorial aujourd’hui révolu.
Le Consul général du Nigeria à Douala réfute tout rapprochement avec les événements de Bakassi. Cependant, dit-il, " des Nigérians, à l’heure où je parle, sont également en train de quitter les îles de Bakassi, mais il n’est point question d’un problème entre notre pays et le Cameroun".
Le diplomate nigérian a indiqué que les autorités camerounaises, dont le ministre des Affaires étrangères, le gouverneur de la province du Littoral et le préfet du Wouri, ont régulièrement été informées de l’opération en cours. Un conseiller du gouverneur Gounoko Haounaye a confirmé l’information, en précisant que " le Consulat du Nigeria est dans son rôle ".
Les candidats au départ affirment qu’ils n’ont pas choisi cette option de gaieté de cœur. " J’ai été plusieurs fois arrêté et battu pour défaut de carte de séjour. Je retourne dans mon pays où je vais refaire ma vie. Ce sera difficile ", a confié Bayo Duni, un pêcheur nigérian, qui fait partie de la vague ayant quitté Douala hier. Ce dernier, tout comme le Consul du Nigeria, rappelle que 90% du poisson local consommé dans les ménages camerounais proviennent de l’activité des Nigérians.
Qui produisent également, d’après lui, 30% des pastèques écoulées sur les différents marchés du pays. Lors de la cérémonie d’adieu, l’émotion se lisait sur la plupart des visages. Au nombre des départs volontaires figurent des centaines de Nigérians qui n’ont plus de famille au bercail. Et qui ne comptent plus que sur des subsides qui leur seront versés par la Nema.
Source: Quotidien Mutations
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