Privatisation, la fin d'un symbole
La Compagnie nationale de transport aérien du Cameroun (Camair) constituait pour les Camerounais, un objet de fierté et de puissance au même titre que les Lions indomptables.
1er novembre 1971-29 juin 2006, c’est le temps qu’aura vécu la Compagnie nationale de transport aérien du Cameroun (Camair). Trente cinq années d’une aventure ambiguë marquée par le parcours glorieux, symbole de la puissance d’un Cameroun en pleine croissance et résolument tourné vers le développement du pays, et d’autre part, trente cinq années d’une vie tumultueuse d’une entreprise publique qui n’aura finalement survécu au temps que grâce aux diverses perfusions de l’Etat. Ce même Etat qui ne saurait toutefois être exempt de tout reproche tant sa conduite cachait mal une mort quasi programmée de la Camair, puisque le lourd endettement contracté par l’Etat vis-à-vis de l’ex-compagnie nationale de transport aérien suffit pour sonner le glas.
Au-delà des conjectures, des supputations et des explications “ officielles ” qui entourent le passé et le futur de cette compagnie, il demeure constant qu’avec la privatisation de Cameroon Airlines, disparaît l’un des symboles les plus représentatifs du Cameroun. La Camair est ce type d’instruments qui permet de rassembler les contraires, ravive un ferment patriotique au point qu’il était après les indécrochables Lions indomptables, certainement le meilleur élément fédérateur. Au-dedans et au dehors du triangle national. Le fait pour les Camerounais de baptiser la Camair comme leur “ onzième province ”, est sans nul doute évocateur de l’attachement de tout un peuple à ce que de nombreux Camerounais continuent de considérer et de qualifier malgré la privatisation annoncée, du fleuron du transport aérien national. C’est dire qu’indépendamment des soubresauts qui ont émaillé le fonctionnement de cette entreprise, dont la privatisation enlève au Cameroun la possibilité d’y exercer une entière souveraineté, beaucoup de Camerounais ne sont pas visiblement prêts à admettre “ la mort ” de la Camair.
En tout état de cause, la disparition de la Camair, en tant qu’entreprise étatique, est à l’image de tout le Cameroun : un pays en difficulté, qui connaît depuis quelques années, la courbe descendante parmi les plus inquiétantes son existence. Naguère classé dans le giron de pays en voie de développement, puis, parmi les pays à revenus intermédiaires, c’est-à-dire pas très loin des pays émergents, le Cameroun a amorcé une dégringolade vertigineuse qui l’a fait figurer en lettres d’or sur la liste des pays pauvres très endettés. Traduction d’un pays qui a amorcé la phase de déclin en grande partie à cause du manque de vision de ses dirigeants. Pour preuve, en trente cinq ans d’existence, la Camair a connu une quinzaine de directeurs généraux, dont le dénominateur commun est qu’aucun d’entre eux n’a pu véritablement dégager un bilan positif. De même, tous les plans de restructuration engagés par les pouvoirs publics, entre autres, les contrats de performance, le plan d’ajustement structurel, le dégraissage des effectifs …, n’ont produit que des résultats négatifs. Dès lors, la véritable alternative n’était que de privatiser la Camair, même si on peut avoir à redire sur la démarche adoptée par le gouvernement.
A. MBOG PIBASSO
De CAMAIR A CAM-AIR, les contours d'une privatisation
Pour l’instant, on sait avec certitude que le ministre de l’Economie et des Finances, Polycarpe Abah Abah, a publié, le 29 juin dernier, un communiqué au sujet de la scission-liquidation-privatisation de Cameroon Airlines (Camair), et annonçant “ la désignation du Consortium First Delta Air Services, en tant qu’adjudicataire provisoire de l‘appel d’offres pour la souscription de 51% des actions de la future compagnie aérienne nationale ”. Et que le consortium “ est composé de SN Brussels Airlines, compagnie aérienne belge, et de Cenainvest, une société camerounaise de capital risque ”. Cenainvest, une filiale de Afriland First Bank dont le promoteur, Paul Fokam Kamogne, est camerounais et dont l’institution est le quatrième établissement bancaire au Cameroun.
Une banque aux dents longues très dynamique sur le plan de la diversification de ses activités. Il est prévu que le gouvernement et le consortium “ signeront les documents relatifs à la transaction dans un délai de dix jours ouvrables et travailleront ensemble pour finaliser les autres procédures juridiques et opérationnelles nécessaires au lancement de la nouvelle compagnie aérienne dans les prochains mois ”.
Le document à travers lequel ce projet a été présenté est sous le label de Star Airlines. Mais, selon nos informations, la compagnie aérienne de droit camerounais qui va remplacer la Camair portera l’appellation de Cameroun Airways (Cam-Air), manifestement pour ne pas s’éloigner de l’ancienne phonétique. Les mêmes sources indiquent que les premiers vols nationaux de la Cam Air sont prévus en octobre 2006. Les vols internationaux, eux, démarreront un mois plus tard, en novembre. D’ici à cette période, l’actuel administrateur provisoire devrait rester en poste.
Dans ce dossier, il sera question de voir ce qui a justifié ce changement de cap, ce qui va effectivement changer dans les prestations de la nouvelle compagnie qui va prendre la place de ce que les Camerounais appelaient affectueusement la 11e province du Cameroun ; comment cette nouvelle entreprise entend éviter les maladies qui ont si longtemps ruiné la défunte Camair, et un panorama de la navigation aérienne dans la sous-région subsaharienne, vue par la nouvelle compagnie.
David Nouwou
Source : La Nouvelle Expression
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