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Présentation de l'association "Livre Ouvert" basée à Douala
(02/04/2006)
Bonaberi.com est allé à la rencontre de Marcel Kemadjou Njanke, animateur de Livre Ouvert, jeune association qui se bat pour promouvoir la lecture et l'écriture au Cameroun.
Par Yann Yange
Marcel Kemayou
Marcel Kemayou
Bonjour Marcel, vous êtes responsable de l'association Livre Ouvert et de sa lettre mensuelle Bookinons. Pouvez-vous vous présenter, d'abord, personnellement aux internautes ?

Marcel Kemadjou Njanke, animateur de Livre Ouvert, vit actuellement à Douala où il est né en 1970 et où il a passé jusqu’ici, la plus grande partie de sa vie. Il a déjà signé quatre livres dont deux recueils de poèmes (Cris de l’âme ; 1997 et Poto-poto blues ; 2003) et deux recueils de nouvelles (Le mendiant bleu ; 2000 et La chambre de Crayonne ; 2005). Il gagne sa vie en vendant des articles de mercerie au marché Mboppi.

Quels sont les objectifs de votre association Livre Ouvert et, quelle est selon vous, l'importance que peut avoir la lecture pour le Camerounais lambda ?

Au départ, Livre Ouvert avait pour objectif de promouvoir la lecture et l’écriture en milieu scolaire mais au fil du temps l’association s’est rendue compte que cette spécialisation créait dans la pratique, un certain nombre de barrières, étant donné qu’elle excluait tous ceux qui ne faisaient pas partie du milieu scolaire mais qui pourtant avaient un certain engouement pour le livre. Aujourd’hui, Livre Ouvert est ouvert à tous.

Pour le deuxième volet de la question, lisez avec moi cette histoire : quand nous étions au CM2, il y avait dans notre classe un garçon particulièrement brillant qui nous avait rejoint au deuxième trimestre après avoir passé 3 mois au CM1. Nous parlions souvent de lui car sa vivacité d’esprit nous intriguait. Un ami suggéra alors que nous lui rendions des visites surprise pour essayer de comprendre quel était son secret. Notre surprise fut grande quand nous constatâmes après une dizaine de visites que notre brillant camarade lisait énormément les bandes dessinées et les romans. La lecture tout en étant une bonne distraction, cultive et enrichit, contribue à l’ouverture d’esprit et au développement de sa plasticité, aiguise l’esprit d’analyse et renforce le sens critique dans ce qu’il a de commun avec la dialectique.


Y'a t-il une raison particulière à ce que l'association soit implantée dans le quartier populaire de Mboppi (à Douala) ?

La raison pour laquelle l’association est installée dans un marché du quartier Mboppi est qu’il s’est trouvé que son promoteur ne pouvait séparer son activité commerciale de ses activités littéraires. Le jumelage des deux activités a par la suite formé un cocktail assez original.

Quel est selon-vous l'état du livre en Afrique ? Peut-on dire que les Africains ont un problème avec la lecture ?Et qu'est ce qui selon vous constitue le plus grand frein à l'éclosion d'une vraie culture de la lecture au Cameroun ?

Je n’ai pas de données suffisantes pour parler de l’état du livre en Afrique ; je me contenterai de parler du Cameroun. La distance entre le livre et le lecteur potentiel est assez grande à cause en premier du facteur prix et en second, de l’intérêt insuffisant que le second porte au premier. On a pu constater que les bibliothèques ne sont régulièrement fréquentées qu’en période scolaire et que très peu de salariés fréquentent ces bibliothèques : la lecture reste donc essentiellement un instrument au service de l’acquisition des diplômes.

L’absence de volonté politique et l’inculture acquise d’une bonne partie de l’élite locale constituent un véritable frein à l’éclosion d’une saine culture de la lecture. Seul l’Etat a les moyens de faire l’immense publicité dont le livre et la lecture ont besoin pour sortir de leur galère… car en l’état actuel, il n’est pas sûr que nos compatriotes s’adonneraient à la lecture si l’économie se relevait sans cette vitale publicité. Seul l’Etat a les moyens de rendre le livre local accessible par la suppression, sur une période donnée, des dizaines de frais et de taxes pour la plupart superfétatoires qui encombrent son coût. Mais fort heureusement les choses sont en train de se faire par le bas, avec l’action des nombreuses associations à Douala et à Yaoundé. N’oublions pas les vendeurs du poteau dont la présence sur nos trottoirs enclenche un travail de prise de conscience et de sensibilisation formidable.

Avez-vous des contacts avec des associations, des institutions ou des maison d'éditions pour mener un combat pour que les jeunes africains aient accès aux livres ?

Au Cameroun Livre Ouvert a bénéficié une fois d’un don de livres et de brochures du Centre Culturel Américain et travaille aujourd’hui en partenariat avec les éditions Interlignes.

Quelle est la place de la littérature négro-africaine comparée à la littérature française au Cameroun. A quoi sont plus sensibles les jeunes lecteurs ?

La plupart des amis que Livre Ouvert rencontre ont pour repère les œuvres littéraires du programme scolaire et leurs habitudes de lectures se forgent très souvent au moule des auteurs dudit programme. Il y a aussi l’influence de la télévision. Il y a quelques années, à la faveur du câble, les jeunes étaient sensibles aux auteurs dont parlaient les télévisions étrangères notamment les auteurs contemporains français et une poignée d’auteurs africains de la diaspora mais aujourd’hui, avec les télévisions locales qui parlent de plus en plus des auteurs locaux la situation s’inverse graduellement.

Et, vous, dans votre association, militez-vous pour mettre en avant la littérature négro-africaine et ses auteurs, Kourouma, Mongo Béti, Laye, etc ?

La préférence de Livre Ouvert va aux auteurs vivants ou ayant été édités dans le triangle national et nous encourageons avec les moyens à notre disposition les jeunes auteurs ou les amateurs de lecture à les lire. Les auteurs de ce que vous appelez « la littérature négro-africaine » qui publient en Europe bénéficient d’une visibilité suffisante.


La lettre mensuelle  « Bookinons »
La lettre mensuelle « Bookinons »
Parlez nous un peu de votre lettre mensuelle « Bookinons ». En quoi consiste-t-elle ?

Bookinons éduque, informe et forme. Il éduque à travers « Web de cœur » et « L’inconnu du mois » qui ont pour but d’inviter ceux qui veulent entrer dans la sphère du livre à se cultiver en lisant ce qui se fait ou s’est fait par des auteurs qu’ils n’ont pas souvent l’opportunité de connaître et à profiter de cet outil qu’est Internet pour élargir leur champ de connaissance et échanger. Il informe en ce qu’il annonce les publications essentielles et souligne les événements clé de l’actualité locale du livre. Il forme parce qu’il les encourage par la rubrique « Poémons » à écrire et à entretenir leur talent. Enfin, et cela n’a pas été énuméré plutôt, il sert de relais à tous les acteurs du livre à travers un carnet de mails qui grandit de mois en mois.

Quelles opportunités sont données aux jeunes auteurs par les pouvoirs publics au Cameroun pour qu'ils puissent exercer leur passion d'écrivain et faire éditer leurs livres ? Pensez-vous qu'on puisse aujourd'hui être écrivain, Camerounais et vivre au Cameroun de l'écriture ?

Il est démontré que les pouvoirs publics dans ce pays sont amorphes dans tous les domaines de la vie politique, économique, sociale et culturelle ; les opportunités sont donc quasi invisibles. A Livre Ouvert, nous n’incitons pas nos amis à faire de l’écriture un métier car ils pourraient se décourager au cas où ils ne parvenaient pas à y trouver leur compte, nous essayons de leur présenter l’écriture comme étant un sacerdoce tout en rappelant que l’argent doit être une récompense et non un but. Cela dit, l’écrivain Camerounais vivant au Cameroun ne pourra prétendre à tirer bénéfice de son écriture que plus tard, quand le gigantesque travail de valorisation du livre et du lecteur aura été achevé.

Quelles sont les grandes avancées que vous avez constatées dans le domaine de la littérature et de l'entrain qu'ont les jeunes pour les livres ou la lecture depuis le lancement de votre association ?

Le livre est de plus en plus pris en considération et on entend de moins en moins les exclamations du genre « tes livres-là te donnent même quoi ».

Si vous travailliez au ministère de la culture et aviez le pouvoir de modifier clairement les choses dans le domaine du livre, quelles mesures prendriez-vous et quelles grandes réformes chercheriez vous à entamer ?

Il existe des milliers de solutions pour sortir le livre de la léthargie. On pourrait citer :

1) proposer une refonte des œuvres littéraires au programme scolaire en donnant une plus large place aux auteurs camerounais 2) La création d’un prix national destiné aux parents qui encouragent leurs enfants à lire et les aident à persévérer dans ce sens. 3) la création d’un certains nombre de prix littéraires (c’est évident). 4) La baisse et l’harmonisation du prix du livre local. 5) La création dans chaque grande ville d’une maison du livre qui hébergera toutes les activités autour du livre. 6) La collaboration étroite avec les associations dans le but de trouver des idées qui permettront de célébrer le livre et de faire de la lecture une distraction nationale…

Dernière question : quels sont selon vous Marcel, les 10 livres incontournables qu'un jeune africain devrait avoir lu dans sa vie ?

Je pense qu’il n’y a pas de livres incontournables car l’incontournabilité est une notion relative voire très personnelle. Il peut arriver que toutes ces affinités personnelles se mettent d’accord sur un livre : est-ce à dire alors qu’il s’agit d’un livre « qu’un jeune africain devrait avoir lu dans sa vie » ? Ce serait dramatique !

Lors d’une discussion avec un groupe de journalistes et d’auteurs, j'ai affirmé que je n’avais pas lu Ahmadou Kourouma et cela a fait beaucoup de mal à certaines personnes présentes ; comme je venais de recevoir ce questionnaire, j'ai pensé en moi-même que si ces gens étaient si interloqués, c’était peut-être parce qu’ils pensent qu’au moins un des livres de cet auteur devrait faire partie des « 10 livres incontournables ». Je préfère donc ne citer, pêle-mêle, que les livres qui m’ont marqué et que je peux lire et relire sans me lasser : « Crome yellow » de Aldous Huxley, « L’étrange destin de Wangrin », « Kaïdara » et « Tierno Bokar, le sage de Bandiagara » de Amadou Hampâté Ba, « L’offrande lyrique » de Rabindranath Tagore, « Le livre de l’intranquillité » de Fernando Pessoa, l’ « anthologie poétique » de Nazim Hikmet, « Le procès » de Kafka, « Zanoni » de Edward Bulwer Lyntton, « Le portrait de Dorian Gray » de Oscar Wilde.

Merci Marcel et bonne continuation...
Merci à vous.

Pour contacter Marcel Kemayou : ikibasumba2001@hotmail.com










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