Le directeur de l’Ecole normale supérieure, André Mvesso, dénonce le harcèlement sexuel, cette pratique de plus en plus répandue dans son établissement.
Par Jean-Bruno Tagne
-- Questions posées à M. André Mvesso --
Lors de la cérémonie de sortie de la 44e promotion de l’Ens, vous avez dénoncé la fraude et le harcèlement des jeunes filles dans votre école. Le phénomène est aussi grave que ça?
Le phénomène est effectivement grave. Je connais un cas qui est parvenu à ma connaissance et je m’insurge contre ce genre de pratique. Notamment lorsqu’un professeur retient les notes d’une jeune fille en représailles à ses avances restées vaines. Il y a des cas et tous ne sont pas dénoncés. S’agissant de la fraude, il y’en a plusieurs formes. Au concours d’entrée à l’école par exemple, les gens essaient de constituer des réseaux. Il me revient aussi que les examens de passage d’un niveau à un autre font l’objet des tentatives de fraude, de la part non seulement de certaines brebis galeuses du corps professoral, mais aussi du personnel. Nous allons beaucoup y veiller.
D’après vous, l’Ens a perdu de son aura d’antan. Comment comptez-vous redorer le blason de cette institution?
Dans les premières années de sa naissance, elle (l’Ens) était au centre de ce que j’appellerai la "reproduction sociale". Tout le monde se formait pour transmettre les connaissances aux jeunes. Le maître était donc au centre de toutes les attentions. Aujourd’hui, nous avons atteint un autre niveau qui est le développement, la production des richesses. Et les représentations qui nous viennent d’ici et d’ailleurs valorisent plutôt celui qui est possesseur de biens. On peut donc comprendre que cela aussi influence la perte de prestige de l’école. Mais cela n’explique pas tout.
Notre action à la tête de cette école repose sur l’assainissement physique et moral de l’Ecole normale afin qu’elle respire la joie de vivre à travers des espaces de convivialité que nous allons créer. Nous voulons également que l’Ecole normale redevienne un pôle de rayonnement scientifique et culturel. Il faut aussi libérer l’enseignant de la nécessité. L’autre chose c’est la mise, la tenue de nos étudiants qui laisse à désirer. Ils doivent comprendre qu’ils sont de futurs enseignants et ont besoin de se présenter comme des modèles…
Pensez-vous qu’il y a encore des gens qui viennent à l’Ens par vocation ?
Une certaine frange… Mais je dois avouer que les autres ne sont pas là par vocation. Mais parce que nous avons un problème de sous-emploi dans notre pays et c’est pour cela que l’Ecole normale représente pour eux, une opportunité d’emploi comme une autre. C’est pourquoi nous pensons que dans un pays qui se respecte, il est important de prendre des mesures qui contribuent à ce que j’appellerai la "dignification" des enseignants. L’enseignement est peut être un sacerdoce, mais en réalité il faut des adjuvants pour que les gens travaillent.