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A la découverte de Thomas Sankara
(13/11/2005)
On connait tous plus ou moins Thomas Sankara, mais très peu de gens connaissent la portée de son oeuvre. Retour sur un de ses discours des plus légendaires...
Par Yann Yange
Capitaine Thomas Sankara (1949 - 1987)
Capitaine Thomas Sankara (1949 - 1987)
La plupart des jeunes Africains ont déja plus ou moins entendu parler de Thomas Sankara. Comme un héros, comme une légende, comme un mythe. Rarement on n'aura entendu parler de lui négativement car c'était un homme au grand coeur, un héros pour l'Afrique mais aussi pour tous les opprimés de la terre. C'était un humaniste. Et de son vivant, Tom Sank comme certains aimaient à le surnommer, s'était donné pour mission de combattre toutes les injustices de par le monde.

Au delà des actions qu'il a su mener au Burkina Faso, pays dont il fût le président pendant 4 ans (1983 - 1987), il s'est battu pour que tous les rebuts de cette terre, pour que tous les opprimés de ce monde, puissent recouvrer leur place en tant qu'être humain à part entière, en tant que partie intégrante de notre Humanité.

Thomas Sankara était par son amour de l'Homme un véritable icône.

C'était aussi un homme de volonté, avec une envie indéfectible de voir une Afrique éclore à travers son propre cadre de références. C'était un homme d'une conscience nationale et d'un patriotisme hors norme, avec une vision pragmatique et profonde des dérives de l'impérialisme culturel, monétaire, économique et politique sur le continent.

C'était un homme de qualité, avec un charisme et une éloquence remarquables, une capacité à manier le verbe pour toujours dire ce qu'il fallait, quand il le fallait.

C'était un homme d'intégrité, qui voulait vivre selon des principes et des valeurs justes, qui régiraient les sociétés Africaines dans leur ensemble. C'était un homme qui avait un sens aigü de l'éthique.

C'était un homme de sensibilité, qui n'a jamais hésité à attaquer les sujets les plus tabous en Afrique, telle que la question de la place de la femme dans la société, de la dette Africaine, de l'impérialisme culturel, ou les problèmes liés à l'environnement.

Thomas Sankara, c'était un homme comme certainement personne en Afrique ne l'a jamais été. Il reste et demeurera certainement au panthéon des personnalités qui ont marqué l'Afrique contemporaine, au même titre que le Sud-Africain Nelson Mandéla et le savant Sénégalais Cheikh Anta Diop.

Au delà d'une biographie de l'homme et de ses actions (que nous n'aborderons malheureusement pas), nous avons voulu lui rendre hommage en publiant ici, son allocution du 4 Octobre 1984 à la 39e Session de l’Assemblée Générale des Nation-Unies. Discours d'anthologie qui sera rentré dans les annales et saura vous donner, à lui seul, une idée de la perspicacité et de la grandeur de ce personnage emblématique de l'Afrique du XXème siècle que fût le Capitaine Thomas Sankara.

Il nous aura malheureusement quitté trop tôt, à 37 ans.

Reste en paix Tom Sank. Et sache qu'encore aujourd'hui, des Africains de ton envergure nous manque.


Thomas Sankara en pleine allocution
Thomas Sankara en pleine allocution








Discours à la 39e Session de l’Assemblée Générale des Nation-Unies, 4 octobre 1984

« Permettez, vous qui m’écoutez, que je le dise : je ne parle pas seulement au nom de mon Burkina Faso tant aimé mais également au nom de tous ceux qui ont mal quelque part.

« Je parle au nom de ces millions d'êtres qui sont dans les ghettos parce qu'ils ont la peau noire ou qu'ils sont de culture différente et bénéficient d'un statut à peine supérieur à celui d'un animal. Je souffre au nom des Indiens massacrés, écrasés, humiliés et confinés depuis des siècles dans des réserves afin qu'ils n'aspirent à aucun droit et que leur culture ne puisse s'enrichir en convolant en noces heureuses au contact d'autres cultures, y compris celle de l'envahisseur. Je m'exclame au nom des chômeurs d'un système structurellement injuste et conjoncturellement désaxé, réduits à ne percevoir de la vie que le reflet de celle des plus nantis. Je parle au nom des femmes du monde entier, qui souffrent d'un système d'exploitation imposé par les mâles. Pour ce qui nous concerne, nous sommes prêts à accueillir toutes les suggestions du monde entier, nous permettant de parvenir à l'épanouissement total de la femme burkinabé. En retour, nous donnons en partage à tous les pays, l'expérience positive que nous entreprenons avec des femmes désormais présentes à tous les échelons de l'appareil de l'État et de la vie sociale au Burkina Faso.

« Je parle au nom des mères de nos pays démunis, qui voient mourir leurs enfants de paludisme ou de diarrhée, ignorant qu'il existe, pour les sauver, des moyens simples que la science des multinationales ne leur offre pas, préférant investir dans les laboratoires de cosmétiques et dans la chirurgie esthétique pour les caprices de quelques femmes ou d'hommes dont la coquetterie est menacée par les excès de calories de leurs repas trop riches et d'une régularité à vous donner, non, plutôt à nous donner, à nous autres du Sahel, le vertige. Ces moyens simples recommandés par l'OMS et l'UNICEF, nous avons décidé de les adopter et de les populariser.

« Je parle aussi au nom de l'enfant. L'enfant du pauvre, qui a faim et qui louche furtivement vers l'abondance amoncelée dans une boutique pour riches. La boutique protégée par une vitre épaisse. La vitre défendue par une grille infranchissable. Et la grille gardée par un policier casqué, ganté et armé de matraque. Ce policier, placé là par le père d'un autre enfant qui viendra se servir ou plutôt se faire servir parce que représentant toutes les garanties de représentativité et de normes capitalistiques du système. Je parle au nom des autistes (poètes, peintres, sculpteur, musiciens, acteurs), hommes de bien qui voient leur art se prostituer pour l'alchimie des prestidigitations de show-business. Je parle au nom des journalistes qui sont réduits soit au silence, soit au mensonge pour ne pas subir les dures lois du chômage.

« Mon pays est un concentré de tous les malheurs des peuples, une synthèse douloureuse de toutes les souffrances de l'humanité, mais aussi et surtout des espérances de nos luttes. C'est pourquoi je vibre naturellement au nom des malades qui scrutent avec anxiété les horizons d'une science accaparée par les marchands de canons. Mes pensées vont à tous ceux qui sont touchés par la destruction de la nature et à ces trente millions qui vont mourir comme chaque année abattus par la redoutable arme de la faim.

« Militaire, je ne peux oublier ce soldat obéissant aux ordres, le doigt sur la détente, et qui sait que la balle qui va partir ne porte que le message de la mort. Enfin, je veux m'indigner en pensant aux Palestiniens qu'une humanité inhumaine a choisi de substituer à un autre peuple, hier encore martyrisé à loisir. Je pense à ce vaillant peuple palestinien, c'est-à-dire à ces familles atomisées errant de par le monde en quête d'un asile. Courageux, déterminés, stoïques et infatigables, les Palestiniens rappellent à chaque conscience humaine la nécessité et l'obligation morale de respecter les droits d'un peuple : avec leurs frères juifs, ils sont antisionistes.

Aux côtés de mes frères-soldats de l'Iran et de l'Irak, qui meurent dans une guerre fratricide et suicidaire, je veux également me sentir proche des camarades du Nicaragua dont les ports sont minés, les villes bombardées et qui, malgré tout, affrontent avec courage et lucidité leur destin. Je souffre avec tous ceux qui, en Amérique latine, souffrent de la mainmise impérialiste. Je veux être aux côtés des peuples afghan et irlandais, aux côtés des peuples de Grenade et de Timor oriental, chacun à la recherche d'un bonheur dicté par la dignité et les lois de sa culture. Je m'élève ici au nom des tous ceux qui cherchent vainement dans quel forum de ce monde ils pourront faire entendre leur voix et la faire prendre en considération réellement. [...]

« Nous voulons être les héritiers de toutes les révolutions du monde, de toutes les luttes de libération des peuples du Tiers Monde. Nous sommes à l'écoute des grands bouleversements qui ont transformé le monde. Nous tirons des leçons de la révolution américaine, les leçons de sa victoire contre la domination coloniale et les conséquences de cette victoire. Nous faisons nôtre l'affirmation de la doctrine de la non-ingérence des Européens dans les affaires américaines et des Américains dans les affaires européennes. Ce que Monroe clamait en 1823, « L'Amérique aux Américains », nous le reprenons en disant « l'Afrique aux Africains », « Le Burkina aux Burkinabé ». La révolution française de 1789, bouleversant les fondements de l'absolutisme, nous a enseigné les droits de l'homme alliés aux droits des peuples à la liberté. La grande révolution d'octobre 1917 a transformé le monde, permis la victoire du prolétariat, ébranlé les assises du capitalisme et rendu possibles les rêves de justice de la Commune française. [...]

« Nous allons bientôt fêter les cent cinquantièmes anniversaires de l'émancipation des esclaves de l'Empire britannique. Ma délégation souscrit à la proposition des pays d'Antigua et de la Barbade de commémorer avec éclat cet événement qui revêt, pour les pays africains et le Inonde noir, une signification d'une très grande importance. Pour nous, tout ce qui pourra être fait, dit ou organisé à travers le monde au cours des cérémonies commémoratives devra mettre l'accent sur le terrible écot payé par l'Afrique et le monde noir au développement de la civilisation humaine. Ecot payé sans retour et qui explique, sans aucun doute, les raisons de la tragédie d'aujourd'hui sur notre continent. [...]

« Nous proposons également que les structures des Nations unies soient repensées et que soit mise fin à ce scandale que constitue le droit de veto. Bien sûr, les effets pervers de son usage abusif sont atténués par la vigilance de certains de ses détenteurs. Cependant, rien ne justifie ce droit : ni la taille des pays qui le détiennent ni les richesses de ces derniers. [...]

Nous tenons à réaffirmer notre confiance en l'Organisation des Nations unies. Nous lui sommes redevables du travail fourni par ses agences au Burkina Faso et de la présence de ces dernières à nos côtés dans les durs moments que nous t traversons.

« Reconnaître notre présence au sein du Tiers monde, c'est, pour paraphraser Joseph Matit. « affirmer que nous sentons sur notre joue tout coup donné à n'importe quel homme de ce monde ». Nous avons jusqu'ici tendu l'autre joue. Les gifles ont redoublé. [...] Il faut proclamer qu'il ne peut y avoir de salut pour nos peuples que si nous tournons radicalement le dos à tous les modèles que tous les charlatans de même acabit ont essayé de nous vendre vingt ans durant. Il ne saurait y avoir pour nous de salut en-dehors de cette rupture. [...]

« La crainte qui m'habite, c'est de voir les résultats de tant d'énergies confisqués par les prosperos en tout genre pour en faire la baguette destinée à nous renvoyer à un monde d'esclavage maquillé au goût de notre temps. Cette crainte se justifie d'autant plus que la petite bourgeoisie africaine diplômée, sinon celle du Tiers Monde, soit par paresse intellectuelle, soit plus simplement parce qu'ayant goûté au mode de vie occidental, n'est pas prête à renoncer à ses privilèges. De ce fait, elle oublie que toute vraie lutte politique postule un débat théorique rigoureux, et elle refuse l'effort de réflexion pour inventer des concepts nouveaux à la hauteur du combat meurtrier qui nous attend. [...]

« En ces temps de tempêtes, nous ne pouvons laisser à nos seuls ennemis d'hier et d'aujourd'hui le monopole de la pensée, de l'imagination et de la créativité. [...] Certes, nous encourageons l'aide qui nous aide à nous passer de l'aide. Mais en général, la politique d'assistance et d'aide n'a abouti qu'à nous désorganiser, à nous asservir, et à nous déresponsabiliser dans notre espace économique, politique et culturel. Nous avons choisi de nouvelles voies pour être plus heureux. Nous avons choisi de mettre en place de nouvelles techniques. Nous avons choisi de rechercher des formes d'organisation mieux adaptées à notre civilisation, rejetant de manière abrupte et définitive toutes sortes de diktats extérieurs pour créer ainsi les conditions d'une dignité à la hauteur de nos ambitions : refuser l'état de survie, desservir les pressions, libérer nos campagnes d'un immobilisme médiéval ou de régression, démocratiser notre société, ouvrir les esprits sur un univers de responsabilité collective pour oser inventer l'avenir. [...] »

Thomas Sankara (La Patrie ou la mort, nous vaincrons)

Source : Thomassankara.net






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