Note de Bonaberi.com : Au vu du parcours du jeune Patrick Houta Bille, la rédaction tient à préciser qu'elle déconseille fortement aux jeunes Camerounais qui nous lisent, de tenter l'aventure de l'immigration clandestine. C'est une aventure périlleuse, où on peut désormais y laisser la vie. Les conditions d'existence en France n'étant par ailleurs, pas forcément, toujours meilleures qu'au Cameroun, contrairement aux idées colportées ça et là par des vendeurs d'illusions.
De plus, nous tenons à préciser, comme nous l'ont suggéré certains internautes, que le cas d'Eric B., ancien sans-papier devenu consultant récemment interviewé par la rédaction, ne représente qu'un cas sur des milliers dans la clandestinité, et ne saurait de ce fait, être représentatif des difficultés et des réalités que vivent les sans-papiers (et les non sans-papiers) au quotidien, en France et en Europe. Sachant que de plus, M. Eric B. était entré en France de manière régulière (avec un vrai visa touristique à son nom) en 1992, était par ailleurs mineur et étudiant à l'époque, principaux éléments qui lui ont permis de se régulariser par la suite, en plus de ses excellentes notes à l'université. Régularisation qui n'est plus forcément possible aujourd'hui sur la base de ces simples éléments.
Patrick Bille, un Camerounais sorti de l’enfer de Melilla
Comme ses compagnons, il a survécu à la torture, à la soif et la faim. Ce mercredi, Patrick Houta Bille va retrouver, si la justice camerounaise ne lui reproche rien, Charlotte Bille, la maison familiale située au cœur du quartier Bepanda (Tonnerre) à Douala. Trois années n’auront pas suffi à changer cette case en planches et sortir ses parents de la pauvreté. C’est à son retour mouvementé au Cameroun que le jeune Houta Bille apprendra la mort de son père survenue en 2003. Son jeune frère Benoît s’étant gardé de lui annoncer la nouvelle, lorsqu’il l’a eu au téléphone au début du mois. Pour ce jeune homme de 31 ans qui dit avoir côtoyé la mort à chaque instant depuis son départ de Douala il y a trois ans, "la vie est plus qu’un combat".
Parti du domicile familial un soir de 2002, ce n’est qu’au début de ce mois d’octobre 2005 qu’il a enfin donné des nouvelles. "Il est parti sans la moindre nouvelle un soir de 2002. Patrick avait fait part de ce qu’il devait aller à la recherche d'une vie meilleure. Depuis lors, plus rien jusqu’au début du mois lorsque son jeune frère m’a annoncé qu’il a appelé et annoncé qu’il est gardé par la police marocaine", relate sa mère Charlotte Bille, gravement malade.
Selon le propre témoignage de Patrick Houta Bille, tout le parcours des candidats à l’immigration est un chemin de croix au cours duquel on n’hésite pas à boire sa propre urine. "La traversée du Sahara vous soumet à toute sortes de tentations. Pendant le voyage, il n’y a pas d’hommes ni de femmes. La survie pousse tout le monde à se débrouiller. Je dois avouer que de nombreux passagers des camions qui nous transportent meurent en route. De toutes les façons, il vaut mieux être en parfaite santé quand on prend le chemin de l’aventure", relate-t-il, le regard fuyant.
Comme ses 128 compagnons du voyage de la Royal Air Maroc qui les a reconduits au Cameroun lundi soir, Patrick Houta Bille, sur le chemin de l’Europe s’est risqué à consommer des écorces d’arbre, des lianes et toute sortes de végétaux pour survivre. "C'est la prière qui m'a sauvé", murmure-t-il lorsqu’on s’étonne de ce que, malgré les conditions qu’il décrit, il a gardé sa robustesse. Arrêté, enchaîné, molesté et torturé par la police marocaine, il affirme avoir appris à lire la bible et le coran. Des versets auxquels, selon lui, il doit encore la vie.
Parvenus dans la brousse aux environs de Tanger, Patrick et certains de ses compagnons de voyage se sont tapis dans la forêt. Ils y ont passé, selon ses propres dires, 18 mois après plusieurs semaines de galère à travers le Sahara desséché. L'odyssée des 4000Km parcourus en voiture a pris une année. "Le combat à mener lorsqu’on décide de courir l’aventure est multiforme. Il faut se protéger contre les bandits, la police, le racisme et ses propres compagnons qui, par moment, deviennent plus que des fauves”. A l’enclave espagnole au nord du Maroc, Patrick s’est écorché les mains et les pieds sur des barbelés. C’est ici d’ailleurs que la police s’est emparée de lui, alors qu’il tentait la traversée.
Les 129 Camerounais qui séjournent à la base navale de Douala depuis lundi soir, représentent une infime partie de l’effectif des candidats au départ. De l’avis des pensionnaires de cette base, des milliers de Camerounais et Africains sont dans la brousse à travers le Maroc. Tous espèrent pouvoir passer au-dessus de la barrière de barbelés de Melilla pour se retrouver en Espagne.
Pour Houta Bille cependant, ce voyage n’est pas à refaire.
Source : Quotidien Mutations
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