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Marcel-Duclos Efoudebe : Les Africains, l’Eglise et l’idolâtrie
(26/01/2009)
Marcel-Duclos Efoudebe, écrivain et pharmacologue, réagit à l'article publié par la rédaction sur l'opposition de l'église catholique à la vénération des crânes en prolongeant le sujet sur la question de l'idôlatrie.
Par Marcel-Duclos Efoudebe
Tableau rassemblant des reliques de saints chrétiens
Tableau rassemblant des reliques de saints chrétiens
« Pourquoi l’église s’oppose-t-elle à la vénération des crânes ? », se demande une journaliste de la rédaction de Bonaberi.com. Bonne question, même si elle peut sembler naïve. Une église qui se veut « universelle » peut-elle faire autre chose que de vouloir imposer « universellement » ses croyances ? Et imposer ses croyances n’implique-t-il pas qu’on puisse « combattre » celles des autres ? La lecture de ce texte, très intéressant (malgré quelques insuffisances), ainsi que les nombreuses réactions, m’ont inspiré quelques commentaires.

Mme Nzouankeu – l’auteur de l’article en question – montre bien les incohérences de l’Eglise Catholique Apostolique et Romaine. Avec des mots simples, elle pose des questions fondamentales : Pourquoi le culte des saints serait-il plus légitime que celui de nos ancêtres ? Pourquoi la vénération des crânes serait elle plus « diabolique » que celle des reliques ?

Bien sûr, par l’astuce de la jonglerie, Rome trouvera toujours des explications qui, toutes, évacuent complètement la Raison. Car il est clair que toutes ces explications fondent comme neige au soleil, si on les soumet un seul instant à la Raison.

Les réactions des lecteurs montrent que cette question est importante, en même temps qu’ils dévoilent un aspect éclatant de la religion et des croyances religieuses. Il est, en effet, difficile de comprendre le mécanisme qui fait que les incohérences des autres nous paraissent ridicules, et que, dans le même temps, les nôtres nous semblent tout à fait normales. Les Africains, comme certaines réactions le montrent, se moquent – à raison – des Reliques de l’Eglise Catholique. Ils supportent pourtant mal qu’on se moque de leur Culte des Crânes. Les Protestants se moquent des Catholiques et de leurs saints, de leur pape, etc., mais trouvent normal que le Saint-Esprit puisse féconder une femme qui mettra au monde un Fils Unique qui sera le seul médiateur entre Dieu et les hommes. Sans parler des Juifs et des musulmans.

L’auteur de l’article semble renvoyer chacun à sa propre croyance, et à sa propre conception de Dieu, ce qui est déjà un grand pas dans la compréhension du rapport de l’homme avec le divin, le sacré. Si toutes les croyances se valent, pourquoi en imposer une ? Pourquoi qualifier les croyances africaines de païennes ? Il aurait été bien de rappeler aussi que l’Eglise n’a rien fait d’autre que de recycler des fêtes païennes, depuis la naissance de Jésus le 25 décembre, jusqu’à la fête des morts, en passant par l’ascension du Christ, etc. A l’heure ou l’Afrique n’arrête pas sa descente aux enfers – si je peux m’exprimer ainsi – et en début de cette année que tout le monde annonce comme difficile, il serait bon de dire que les vraies questions se trouvent ailleurs qu'au ciel.

S’il n’y a pas plus de légitimité à vénérer des Reliques qu’à adorer un Crâne, la vraie question est se constater que la religion est un instrument d'aveuglement, qui éloigne l’homme du monde réel, en lui faisant miroiter un au-delà qui n’existe pas. Il serait plus intéressant d’envoyer aux calendes grecques les religions, les croyances, les superstitions (les reliques, les crânes, y compris celui de Descartes, etc.) pour se tourner vers le monde réel. Ce n’est pas en invitant les gens à chercher un monde dans l’au-delà qu’on les aidera à affronter la vie réelle, mais en faisant, chacun à son niveau (dans sa famille, à l’école, dans son travail, etc.) les efforts nécessaires pour que le monde réel soit moins mauvais qu’il ne l’est.

Si prier Dieu pouvait changer le monde, il y a longtemps que ça se saurait, puisque, comme disait l’autre, le tiers-monde (et l’Afrique, en particulier) est la nouvelle adresse de Dieu, et qu’on y prie plus que partout ailleurs. Il suffirait de constater que les zones les plus pauvres du monde sont aussi les zones où l’on prie le plus Dieu. Ça prouverait plutôt que Dieu se porte bien dans la pauvreté. D’où la prolifération des sectes, avec des « pasteurs » en costumes griffés et grosses cylindrées, et la meute de « fidèles » en guenilles et sans le sou – les fidèles « sèment », et le pseudo-pasteur récolte… D’accord, donc, pour dire que l’idolâtrie des uns (culte des reliques) ne vaut pas mieux que l’idolâtrie des autres (culte des crânes). D’accord pour dénoncer l’hypocrisie qui fait de l’une une « bonne » pratique, et de l’autre une croyance « diabolique ». Mais il faut aller plus loin.

Il faut dire que Dieu n’a rien à faire dans les affaires des hommes. Il faut dire qu’il est tout aussi absurde de vénérer une Relique que de vénérer un Crâne. Il faut dire que ce sont les hommes qui font de ce monde ce qu’il est – ou n’est pas. Il faut dire que ce sont les hommes qui feront du Cameroun un pays « normal ». Un lieu où un président – par ailleurs catholique et accessoirement rosicrucien, fon des fon, etc. – ne passe pas 26 ans au pouvoir. Un lieu où un homme ne se considère pas supérieur à une femme. Un lieu où la naissance d’une fille est tout aussi réjouissante que celle d’un garçon. Un lieu où le droit d'aînesse n’a pas sa place, et où on peut contredire celui qui dit des sottises, qu’il soit un ainé ou non. Un lieu où on peut remettre en cause l’éducation reçue de ses parents, la religion de ses parents, la politique de ses parents, les croyances de ses parents, etc.

Aucun Dieu, aucune Relique, aucun Crâne, n’instaureront la démocratie et les droits de l’homme dans notre pays, si nous ne sommes pas capables d’accepter que le plus jeune de la famille puisse faire valoir ses droits ; si nous considérons que les ainés ont toujours raison ; si nous pensons que la place de la femme est dans la cuisine. La démocratie, le respect des droits de l’homme, de certaines valeurs, du goût du travail bien fait, tout cela commence à la maison, dans la famille.

Si les maris continuent de penser qu’ils ont des droits sur leurs femmes et leurs enfants, nos dictateurs continueront de penser qu’ils ont des droits sur les populations, et les Crânes de nos ancêtres n’y changeront rien. Si nous ne dénonçons pas ces hommes – y compris les hommes d’Eglise, en soutane ou en costume-cravate – qui appauvrissent et abrutissent nos populations, aucun Crâne ne le fera à notre place. Et on pourrait continuer l’énumération des incohérences…

Laissons donc Dieu où il se trouve, dans le Néant qu’il habitait avant que les hommes n’aillent le chercher pour lui donner tous les pouvoirs. Honorons nos ancêtres pour ce qu’ils ont fait, et critiquons-les pour ce qu’ils n’ont pas fait. Si, après ça, il y en a qui veulent conserver des Crânes à la maison, libre à eux de le faire. Les plus intelligents partiront de ce Crâne pour réfléchir sur le sens de la vie et de la mort. D’autres – la majorité, hélas ! – continueront de prier devant ce qui fut peut-être la tête d’une crapule. Et ils seront surpris de constater, au sortir de leur prière, que le monde est resté le même.

L’ancêtre n’a que faire de nos prières et de nos lamentations. Il a vécu sa vie. A nous de vivre la nôtre !







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