“ Donnez-moi mon docteur oh, je rentre avec elle !”. Propos d’une dame en pleurs. Soutenue par certains membres de sa famille, celle-ci traîne le pas. Nous sommes au hall de l’aéroport de Nsinmalen, le samedi 22 mars 2008. Il est environ 20h 45. Elle vient, comme de nombreuses autres personnes, d’identifier le corps de sa fille. Il y a un peu plus de 45 minutes que l’avion spécial ramenant les dépouilles des étudiants camerounais décédés suite au naufrage du samedi 15 mars 2008 au large des îles de Loos à Conakry (République de Guinée) s’est posé sur le tarmac.
Et les familles venues accueillir leurs enfants se rendent à l’évidence. Ces enfants dont le plus âgé venait de fêter son 28e anniversaire sont bel et bien décédés. Arrachés à la vie dans des circonstances tragiques. Les cercueils qui font leur entrée dans le hall de l’aéroport le confirment. On en dénombre onze à la surprise des personnes présentes à la cérémonie. Le douzième corps rapatrié mais absent sur l’estrade est celui d’un certain Onana décédé il y a trois semaines en Guinée.
Des cris et des pleurs fusent de toutes parts. Plus intense qu’à l’arrivée des délégations guinéenne et camerounaise. Cette dernière est composée, côté guinéen, de El Hadj Ousmane Souaré, ministre de l’Education nationale et de la recherche scientifique, dépêché par Lansana Conté, président de la République ; du Dr Bintou Bambam, représentante de la première dame guinéenne ; de l’ambassadeur de la République de Guinée en Afrique centrale avec résidence à Libreville au Gabon et du représentant des étudiants de Guinée. Jacques Fame Ndongo, ministre de l’Enseignement supérieur, conduit la délégation camerounaise. Elle est constituée, entre autres, de 14 étudiants camerounais parmi lesquels trois rescapés du naufrage.
Des larmes amères et douloureuses jaillissent, ruissellent sur des joues, puis des vêtements. Impossible de les retenir devant tant de douleurs. Même le chant consolateur de la chorale n’y parvient pas. Sous le regard pétrifié des parents, amis et connaissances, des hommes en tenue transportent les cercueils qu’ils déposent sur l’estrade prévue à cet effet. S’ensuit un service interreligieux au cours duquel les âmes des disparus sont recommandés à l’Etre suprême. De même que l’avenir non seulement des familles si durement éprouvées, mais celle du Cameroun tout entier. Car, à travers ces familles, c’est le Cameroun entier qui est en deuil, comme le souligne un officiant.
[b Diplômés à titre posthume]
Mbarga Nga Boris ! Un homme se lève, avance péniblement vers le lecteur, récupère le diplôme de fin d’études supérieures de son défunt fils, et retourne s’asseoir tout aussi péniblement. A sa vue, des cris fusent de la foule. L’homme accablé par la douleur est handicapé moteur. L’image est douloureuse. “ On sent que cet enfant représentait tout pour lui ”, soupire un monsieur en observant sur un almanach funèbre, la photo du regretté jeune homme. Au dessous de celle-ci, on peut lire : Mbarga Nga Boris, 5e année médecine, né le 18 novembre 1982 à Edéa. “ Kamga Marius ! ” poursuit la voix. Un autre monsieur se lève, reçoit le diplôme de son rejeton. A la surprise générale, il le brandit à l’attention de la foule.
Certainement comme l’aurait fait le défunt s’il avait lui-même reçu son diplôme au terme de sa formation en Génie informatique. Son geste, au lieu de susciter des youyous de joies, provoque des pleurs au sein de l’assistance. Ainsi, les onze étudiants camerounais morts en Guinée ont reçu des “ certificats de satisfecit à titre posthume ”. Ainsi en a décidé le conseil d’université guinéen à l’issue d’un conseil extraordinaire. C’est sur cette note triste que la cérémonie d’accueil des dépouilles mortelles s’est achevée à Nsinmalen.
Les corps ont été transférés à la morgue de l’hôpital général de Yaoundé en attendant leur restitution aux familles. Selon un communiqué du gouvernement signé de Jules Doret Ndongo, secrétaire général des services du Premier ministre, les parents sont priés de passer les retirer au plus tard le 24 mars pour inhumation immédiate compte tenu des circonstances du décès.
Source: Le Messager
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