L'entreprise Ketch a-t-elle été lésée ?
L’entreprise de travaux publics a saisi il y a environ
trois semaines la Chambre administrative de la Cour suprême aux fins de statuer
sur un différend qui l’oppose à la Communauté urbaine de Yaoundé (Cuy). Ce
contentieux est né de l’attribution, de gré à gré, d’un marché de plus de 13
milliards de Fcfa à Arab Contractor, une autre société de travaux publics. Le
marché en question concerne la construction de la pénétrante nord de Yaoundé
(Etoudi – Messassi – Olembe). Ketch estime que ce marché devait lui revenir, son
offre étant de loin meilleure par rapport à celle de Arab Contractor. Révélée
par La Nouvelle Expression du vendredi 17 octobre, cette affaire fait des gorges
chaudes à Yaoundé. De nombreux observateurs croient qu’en refusant d’attribuer
ce marché à Ketch, le délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de
Yaoundé, Gilbert Tsimi Evouna, jette le doute sur l’honnêteté dont il est
crédité depuis sa nomination par le président de la République le 16 juin 2005.
Que s’est-il en réalité passé ?
A la suite de l’appel d’offres lancé le 03 juillet 2007 pour la construction de
ce tronçon de 5 km financé sur fonds Ppte par le ministère du Développement
urbain et de l’habitat avec pour maître d’œuvre la Cuy, Ketch a introduit, comme
toutes les autres entreprises intéressées, un dossier pour solliciter le marché.
A l’issue du dépouillement de l’offre financière, les entreprises Ketch, Arab
Contractor, Groupement Razel…, et DTP (Dragage) ont été respectivement classées
première, deuxième, troisième et quatrième. Le devis de Ketch s’élevait à 12
milliards 329 millions de Fcfa, celui de Arab Contractor à 13 milliards 599
millions Fcfa, alors que Razel sollicitait 17 milliards 900 millions Fcfa et DTP
plus de 21 milliards… pour le même travail. La commission de passation des
marchés avait donc proposé que l’on attribue le marché à Ketch. Mais le délégué
du gouvernement n’a pas apprécié cette suggestion qui s’imposait de par les
dispositions du Code des marchés publics.
Le va-et-vient de la Primature
Sollicité pour arbitrage, le Premier ministre chef du gouvernement a répondu par
l’entremise de son directeur de cabinet que “ l’entreprise Ketch doit être
déclarée attributaire de ce marché conformément aux dispositions de l’article 33
(1) du Code des marchés, pour permettre le déroulement normal de cette procédure
d’attribution. ” La correspondance, signée de Paul Njie Meoto, n’a pas emporté
l’adhésion du délégué du gouvernement qui a frappé plus haut. Le 05 août 2008,
la Primature est revenue sur sa décision en autorisant le délégué du
gouvernement à annuler l’appel d’offres dont l’examen des propositions donnait
théoriquement Ketch vainqueur. Le 08 août, un communiqué de Gilbert Tsimi
Evouna, paru dans le quotidien à capitaux publics Cameroon tribune, annulait
effectivement l’appel d’offres en priant les soumissionnaires de “ passer sous
huitaine retirer leurs offres. ” Pendant ce temps, la procédure de gré à gré
pour attribuer le marché à Arab Contractor était enclenchée.
Selon nos informations, il est reproché à Ketch de n’avoir pas respecté les
délais de réalisation sur l’axe de Tongolo. Les informations parvenues à la
présidence de la République sur ce marché ne sont pas reluisantes pour cette
entreprise. D’où l’interrogation qui a probablement modifié la décision du
maître d’ouvrage : à quoi bon lui attribuer un nouveau marché alors qu’il
n’arrive déjà pas à réaliser ce dont il a la charge. Seulement, les responsables
de Ketch expliquent qu’ils sont dans les délais, parce que ce marché doit être
livré en février 2009, un rallongement du délai (4 mois) leur ayant été accordé
parce que les études sur la partie marécageuse où sont situées les agences de
voyages avaient été mal faites au départ. C’est pourquoi de nombreux
observateurs estiment que ce qui vient de se passer avec la pénétrante nord de
Yaoundé est une injustice. Les conseils de Ketch ont dont décidé de saisir la
justice, après l’insuccès du recours gracieux à la communauté urbaine.
Ce n’est pas la première fois que Ketch sollicite un arbitrage au sujet d’un
marché pour lequel il s’estime avoir été lésé. En 2005, Ketch avait introduit un
recours contre la Communauté urbaine de Douala sous Etonde Ekoto, au sujet des
travaux d’entretien curatif des routes à Akwa. Elle contestait les résultats du
dépouillement des offres. La Primature lui avait donné raison. Déjà, en 2003,
l’entreprise avait engagé une action contre le ministère des Travaux publics à
l’époque où Martin Aristide Okouda était ministre. Le litige portait sur
l’attribution du marché Yaoundé – Ayos. Son offre était de 2 milliards
inférieure à celle de son concurrent qui avait finalement obtenu le marché. Mais
l’action n’a pas prospéré. Qu’en sera-t-il de celle engagée contre la Cuy, au
motif du non respect des dispositions du Code des marchés publics ? Affaire à
suivre.
Source : Le Messager
|