La Chine compte bien exploiter les terres camerounaises
Les Chinois achètent en masse les terres exploitables au Cameroun pour produire du riz en masse, et ainsi profiter de la flambée des prix sur le marché mondial
Le Cameroun, terre d'exploitation
(agricole)
Pour faire face à la pénurie de riz
qui se fait menaçante un peu partout dans le monde, le gouvernement chinois trouve comme à l'accoutumée
son bonheur en Afrique et particulièrement dans notre pays, le Cameroun. En effet, ce dernier achète
en masse les droits d'exploitation sur les terrains pour pouvoir augmenter sa production,
à l'exemple de Jianjun Wang qui exploite près de 10.000 hectares "gracieusement"
offerts par le gouvernement camerounais pour lui permettre de tester des variétés
de riz afin de déceler les meilleures et lancer la production à grande échelle.
Pourtant, si c'est à priori une bonne nouvelle, tant la céréale si basique est rare ces derniers temps, l'envers du décor n'est pas toujours beau à voir ni profitable
aux Camerounais.
Tout d'abord, les employés camerounais dans les fermes ne vivent pas dans les meilleures
des conditions. Huit heures de travail par jour pour moins de 30.000 FCFA (40 euros)
par mois, sans contrat de travail et aucune couverture sociale, les employés doivent
se débrouiller en cas d'accident et peuvent être renvoyés à tout instant. Pourtant,
entre les conditions physiques requises, et les dangers apportés - il y a par exemple
beaucoup d'arbres à couper pour rendre les terrains fertiles exploitables -, un
environnement de protection serait plus que nécessaire. Le seul avantage dont profitent
ces employés est de pouvoir acheter le riz produit à un prix inférieur à celui appliqué
sur les marchés.
Les locaux ne travaillent pas forcément dans de bonnes conditions
Quels bénéfices pour les Camerounais
?
De plus, est-ce que les Chinois ont
réellement l'intention de lutter contre la faim et le prix du riz au Cameroun ?
Il est fort à parier que leur
but est de pouvoir défier toute concurrence sur le
marché mondial en proposant des prix attractifs inférieurs à ceux pratiqués par
les autres pays. Et un moyen pour cela est de produire à grande échelle, ce que
fait la Chine en achetant les terrains au Cameroun, mais aussi un peu partout en Afrique noire. Ils pourront ainsi contrôler une part très intéressante du marché
mondial.
Ce qui étonne et fait se poser des questions, c'est comment est-ce que le Cameroun
peut souffrir autant des pénuries du riz avec tant de terres exploitables ? L'agriculture
a pourtant toujours été le point fort du Cameroun, et n'a jamais eu besoin d'une
aide extérieur pour exploiter ses terrains. Pourtant, ces derniers sont offerts
sur un plateau d'argent aux Chinois qui, en plus de pouvoir acheter des terrains
à des prix défiant toute concurence, engagent dans des conditions à la limite de
la misère une main d'oeuvre qui ne leur revient finalement pas à grand chose, et
peuvent tranquillement profiter de la flambée des prix sur le marché mondial. Où
se situe exactement le bénéfice du Cameroun et des Camerounais dans cette business-model
propre à la Chinoise ? On peut se le demander.
Les Chinois en tout cas ont trouvé un moyen à la fois de profiter de la flambér
sur le marché mondial, mais aussi de faire face à sa demande intérieure en maintenant
des prix domestiques abordables pour leurs locaux.
Julius Wandjo, exploitant local ne voit pas d'un bon oeil l'arrivée des Chinois
Quid des exploitants locaux ?
Pire encore, les producteurs et exploitants
locaux verront alors arriver une concurence bien dangereuse qui pourrait les obliger
à revoir leurs prix à la baisse, autant sur le marché camerounais que mondial. A
grande échelle, c'est les exportations camerounaises qui pourraient être menacés,
tant on sait à quelle vitesse les Chinois grandissent lorsqu'ils se lancent dans
de nouvelles activités.
Les solutions sont pourtant simples, au vu des énormes terres agricoles dont dispose
l'Etat camerounais. Exploiter lui-même ces terres serait un triple bénéfice pour
l'Etat : diminuer le chômage en créant de l'emploi - mais dans des conditions dignes
de ce nom -, maintenir des prix domestiques stables et profiter des prix en exportant
plus.
Ou alors, si un tiers devait se charger de l'exploitation, l'Etat serait alors en
position de force pour lui imposer ses conditions, autant sur l'emploi des locaux
aux salaires minimum, autant en obligeant le tiers à vendre un certain quota de
la production directement sur place avant de disposer à sa guide du reste. Les seuls
qui ont ce privilège pour l'instant sont les employés des fermes exploitées par
les Chinois, et on encore faut-il savoir quel est le discount réel dont ils bénéficient,
vu les maigres salaires qu'ils touchent.
Une troisième idée serait de simplement sous-traiter l'exploitation des terres,
en gardant le contrôle sur la production. Plus onéreuse, cette méthode aurait l'avantage
d'être applicable plus rapidement et permettrait ainsi à l'Etat de passer outre
de longs processus de mise en place d'entreprises et de personnels visant à produire.
Le reportage de TF1
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