Et comme au cinéma, ce film est projeté par épisode dont le happy end est toujours attendu, laissant les spectateurs dans le suspense. Et comme toujours au cinéma, le public se contente des images sélectionnées, sans ignorer qu’il y a dans l’ombre, toute une équipe de réalisateurs, preneurs de son et autres metteurs en scène qui tirent les ficèles derrière les rideaux.
En fait, tout commence le 22 octobre 2013. Ce jour-là, le Comité national olympique et sportif du Cameroun (Cnosc) dirigé par Kalkaba Malboum publie un communiqué en prime time sur la Crtv. Il traite le Comité national non-olympique du Cameroun (Cnoc) présidé par Malik Evelé Atour, de «pseudo- organisation illégale» et «d’imposture». Le Cnosc entendait ainsi dénoncer le Cnoc. Il menace même au passage de saisir la justice, parce que, à en croire ses dirigeants, le Comité national nonolympique évolue totalement en marge de la réglementation en vigueur et travaille à diviser le mouvement sportif national.
Des jours après, le groupe de Malik Evelé répond dans un communiqué relayé par plusieurs médias. Il y est expliqué que le Cnoc est une association jouissant d’une existence légale, n’appartenant pas au mouvement olympique, mais au mouvement non-olympique. «Il n’est pas une création camerounaise», écrit Malik Evelé, avant de préciser que son comité est le 47ème membre du Comité international non-olympique depuis le 24 juin 2013.
La tenue du congrès, manifestement la pomme de discorde, est toutefois reportée. Mais pas indéfiniment, puisque ledit congrès est finalement organisé le 4 janvier 2014, à Yaoundé.
Il ressortira de cette rencontre que les premiers jeux nationaux non olympiques seront organisés au Cameroun en 2015. Adoum Garoua, ministre des Sports, refuse d’encaisser le coup. Il signe un communiqué le 9 janvier 2014 et souligne que ce comité n’a pas obtenu un agrément de son département ministériel, et n’a pas bénéficié de son accompagnement pour sa reconnaissance sur le plan international. Plus grave, il déclare que les fonctions actuelles de ses promoteurs au sein du ministère des Sports sont incompatibles avec celles d’une telle organisation.
En clair, il suspend toutes les activités du Comité national non-olympique du Cameroun (Cnoc). Malik Evelé, directeur des Normes et du suivi des organisations sportives au ministère des Sports et président du Cnoc sait bien que le message lui est directement adressé. Il réagit dans la Revue non olympique (Numéro du 2 janvier 2014), l’organe officiel de son mouvement : « Le comité non-olympique du Cameroun dont je suis président est une institution légale tant du point de vue juridique qu’administratif.
Ma fonction de directeur des Normes et du suivi des organisations sportives au ministère n’est, en aucun point de la loi camerounaise, incompatible avec ma fonction de président du Cnoc». Un pied de nez à son ministre. Face à une telle offense, Adoum Garoua suspend derechef Malik Evelé de son poste de directeur. L’on en est là, pour l’instant. Mais au-delà des faits, L’oeil du sahel a enquêté pour comprendre les dessous de cette affaire. D’abord les acteurs - les principaux. Ils sont quatre : Adoum Garoua, ministre des sports et de l’Education physique, Malik Evelé Atour, directeur des Normes et du suivi des organisations sportives au ministère des Sports, Kalkaba Malboum, président du Comité national olympique et sportif du Cameroun et Ahmadou Evelé, père de Malik Evelé. Si les deux derniers cités sont dans l’ombre, il n’en reste pas moins qu’ils jouent un rôle important dans cette bataille.
Originaires du département du Mayo-Danay dans la région de l’Extrême-Nord, ils entretenaient de solides relations de longues dates avant cette brouille. Comment comprendre alors la rupture radicale entre ces protagonistes ? «C’est une guerre du village qu’on a ramené au ministère. On se contente de les regarder lutter entre eux. S’ils nous disent d’aller à gauche, on va à gauche, si on nous dit d’aller à droite on va à droite. Mais il faut noter qu’ils connaissent mieux que quiconque le sport», analyse un cadre au ministère des Sports.
Selon une source proche des deux principaux protagonistes, la discorde actuelle est liée à la «jeunesse et à l’inexpérience de Malik». Elle rappelle que Malik Evelé a toujours appelé Adoum «papa». «Le ministre lui a tout donné», analyse t-il. Il cite le fait de l’avoir nommé à «un jeune âge», au poste très convoité de directeur des Normes. Elle relève également que c’est Adoum Garoua qui a payé sa scolarité lorsqu’il préparait sa thèse de doctorat.
Toute cette attention, Adoum Garoua l’a fait en reconnaissance des bienfaits que lui a jadis accordés son père, Ahmadou Evelé. Le ministre des Sports, c’est un secret de polichinelle, voue un respect paternel à Evelé-père. C’est ce dernier, alors inspecteur général au ministère des Sports qui l’avait fait muter, alors qu’il était en service au Nord, dans les services centraux du ministère, où il sera nommé en 2004, sous-directeur du personnel.
Jusqu’aujourd’hui, il le considère toujours comme un père à qui il rend d’ailleurs régulièrement visite. Avant de prendre la décision suspendant Malik, il l’a une nouvelle fois consulté. Malik Evelé a-t-il tort dans sa démarche ? Notre source admet que dans le fond, sa démarche respecte les normes.
«On est dans un pays où tout est politique», relativise-t-elle. «Il a été demandé à Malik de suspendre ses activités le temps d’informer et de prendre l’avis de la haute hiérarchie, Malik n’a pas voulu comprendre ça de cette manière, convaincu d’être dans son bon droit. Mais son jeune âge ne lui permet pas d’accepter que même si on a la raison de son côté, il faut attendre l’avis du politique», conclut-il.
Finalement, en attendant la suite de la projection, il y a lieu de constater que les interférences politiques, la proximité des acteurs, et les intérêts particuliers rythment ce feuilleton.
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