Devant les kiosques à journaux de Yaoundé, il n’est pas rare de voir de nombreuses personnes en train de lire la Une des titres : ce sont des « feuilleteurs ». Leur caractéristique principale est de passer quotidiennement des heures devant les kiosques à journaux puis de s’en aller sans n’avoir rien acheté. Les raisons évoquées par ces feuilleteurs sont nombreuses. « Je dois voir le contenu du journal avant de l’acheter », pour les uns ; « je n’ai pas suffisamment de moyens pour acheter les journaux », pour les autres. Toujours est-il que le feuilletage cause un manque à gagner aux vendeurs de journaux, d’où les mesures prises par ceux-là. Désormais, il est interdit de feuilleter les journaux. Et pour s’assurer que ces mesures seront respectées, les propriétaires de kiosques n’hésitent pas à agrafer les journaux, lorsqu’ils ne montent tout simplement pas la garde devant leur kiosque.
Il y a quelques mois encore, ces personnes sous prétexte d’avoir un idée du contenu du journal avant de l’acheter, lisaient carrément tout le journal puis s’en allaient sans l’avoir acheté. Aujourd’hui, ils ont tout simplement formé des clubs de débats devant les kiosques à journaux. Après avoir lu la Une des journaux, ils commencent à supputer sur le contenu des articles. Parmi eux se trouvent les « sabitous » entendez des personnes qui savent tout. Ce sont des personnes qui se disent très cultivées et qui cherchent l’opportunité d’exposer leur savoir.
Elles sont au courant de tout et supportent mal la contradiction. Les « sabitous » sont à l’origine de débats bidons qui se terminent très souvent par des prises de bec. Ils sont aussi à l’origine de beaucoup de rumeurs, pour avoir mal compris un titre ou pour avoir simplement lu le titre sans connaître le contenu de l’article. Des sujets tels que X ministre a volé ou Y couche avec Z sont leurs sujets favoris. Parfois une simple discussion telle que X est un bon entraîneur peut durer toute la journée : chacun déployant un trésor d’arguments pour convaincre les autres.
L’autre catégorie de feuilleteurs est constituée de chercheurs d’emploi. Tout en feuilletant les journaux, ils notent toutes les offres qui leurs semblent importantes, puis participent aux débats, pour disent-ils, « tuer le temps » c’est-à-dire, s’occuper à quelque chose. C’est le cas d’un feuilleteur qui dit : « je n’ai rien à faire. Au lieu de rester chez moi à ruminer de mauvaises pensées, je préfère venir au kiosque tous les matins. Ça me permet de me divertir ». La dernière catégorie de feuilleteur c’est tout simplement des amoureux de la lecture qui selon leurs propos, ont un budget limité. Après avoir feuilleté tous les journaux, ils en achètent un : celui qui à leurs yeux, donne le plus d’informations possibles.
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