Le projet de la Banque mondiale (BM) de créer au Cameroun, comme ailleurs dans
le monde, des "filets sociaux de sécurité" (FSS) est paradoxalement en butte aux
critiques d'une partie de la société civile camerounaise qui y voit un
détournement des aides traditionnelles. Ce projet vise "les pauvres et les
groupes vulnérables" explique Carlo del Ninno, l'économiste chargé par la BM de
le mettre en place. Subventions aux agriculteurs, gratuité ou réduction des
soins pour les personnes vivant avec le VIH/sida, transferts monétaires,
distribution d'aliments ou subventions générales des prix, ces mesures
devraient, selon lui réduire "la pauvreté et les inégalités".
Elles visent
également à permettre "aux ménages de faire des investissements de meilleure
qualité pour leur avenir" et devrait aider "les gouvernements à entreprendre des
réformes bénéfiques", a-t-il ajouté. Interrogés par l'AFP, plusieurs acteurs de
la société civile, pourtant sensibles au sort des classes défavorisées, se
montrent réticents. "Je m'insurge contre ce nouveau label qui va distraire les
fonds de la Banque mondiale et ceux de nos Etats", affirme Adolphe Claude
Mballa, président de l'Observatoire communautaire des droits et libertés des
citoyens (OCDLC). "On ne peut pas mettre en place de telles politiques dans un
pays où on n'a pas les résultats du recensement des populations qui montrent des
indications claires pour savoir à quelles populations on s'adresse", estime
Pauline Biyong, présidente de la Ligue pour l'éducation de la femme et de
l'enfant (Lefe). "On ne peut pas mettre en place des FSS quand le pays lui-même
n'a pas son propre plan de développement et qu'il a ses propres priorités",
ajoute-t-elle. "Nous avons l'impression que leurs politiques servent une
bureaucratie internationale inefficace qui gagne à être revu de fond en comble",
critique Mme Biyong. "La politique menée jusqu'à présent en Afrique par la
Banque mondiale a échoué. On a plus de pauvres. Que la Banque mondiale arrête de
venir nous refiler les livres qu'elle conçoit à Washington !", conclut-elle.
Pour
Eya'Ane Mendomo, directrice de la sécurité sociale au ministère du Travail et de
la Sécurité sociale, la proposition de la BM "n'apporte rien de nouveau (...) La
Banque mondiale doit aller vers le gouvernement et évaluer ce qui existe déjà".
Face aux critiques, l'institution financière ne veut rien imposer. "Les
décisions finales viendront du Cameroun", assure Faustin Ange Koyassé, chargé de
programme. La BM a indiqué qu'elle allait lancer "en étroite collaboration avec
les autorités camerounaises" "une étude analytique des Filets sociaux au
Cameroun", sans précision sur le calendrier.
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