Débayage à Yaoundé
"Sommes-nous un dimanche aujourd'hui ou un jour férié? Car les kiosques sont
fermés", a fait remarquer hier matin, vers 9h, un passager d'un taxi passant
devant le kiosque à journaux du carrefour Intendance. Attirant ainsi l'attention
sur ce secteur. Car, devant le kiosque du marché central ou celui de la
cathédrale, quelques personnes discutent avec les vendeurs ambulants du coin,
pour s'enquérir de la situation. "Je venais acheter mon journal et je ne peux
pas l'avoir", se plaint Jean Luc Ob, cadre au ministère de l'Education de base.
Les vendeurs de journaux de la ville de Yaoundé ont mis à exécution leur menace
de fermeture de leurs kiosques hier matin. Ce, en solidarité avec leurs
confrères propriétaires des kiosques situés au niveau du ministère des Postes et
Télécommunications (Minpostel) et du lieu dit Sonel centrale. Ceux-ci ont vu
leurs commerces scellés vendredi dernier. "Un huissier de justice et des
gendarmes sont venus apposer des scellés sur mon kiosque, en présentant une
copie d'une décision de justice dont je n'ai jamais été notifié", s'est plaint
Jacques Beyegue, le tenancier du kiosque du Minpostel.
"En réaction à cette fermeture, nous avons donc décidé de fermer tous nos
kiosques, qui resteront clos tant que les responsables de la Sociladra n'ont pas
levé leurs scellés", a indiqué Etienne Djifack, le président de l'association
des dépositaires et marchands de journaux (Admj).
Il était en réunion pendant toute la matinée d'hier à l'agence Messapresse de
Yaoundé, le distributeur des journaux. Dans les couloirs, en attendant la fin de
la réunion, les autres vendeurs de journaux peuvent ergoter sur le sujet: "C'est
Messapresse qui doit payer les droits d'auteur qu'exige la Sociladra. Nous ne
sommes que des vendeurs", souligne l'un. Pour l'autre, "Nous sommes en
négociation depuis quatre mois avec la Sociladra. Il a été convenu qu'on
trouverait une solution et, cette taxe n'est pas imposable".
Pendant ce temps, l'on semble plutôt surpris à la Sociladra (société civile
nationale des droits d'auteur de la littérature et des arts dramatiques), qui a
apposé les scellés sur certains kiosques et mis les vendeurs de journaux en
colère. "Les responsables de l'association des vendeurs de journaux n'ont pas
daigné se présenter à une concertation que nous avons prévue le 12 juin
dernier", a indiqué notre édition d'hier, le directeur général de la Sociladra,
Alphonse Bombogo, qui parle de "mauvaise foi de certains de ces responsables".
Car, selon lui, d'autres ont effectivement payé la taxe exigée, 20.000 Fcfa
l'an. Jointe au téléphone pour complément d'information, la présidente du
conseil d'administration de la Sociladra, Elise Mballa Meka réitère ce qu'elle
avait déjà confié à Mutations dans le journal d'hier: "Nous sommes disposés à la
négociation, bien que nous tenions à ce que la loi soit respectée".
"Il s'agit d'une redevance annuelle qu'on revendique et qui est connue des deux
parties", souligne son chef d'agence provinciale, Lucien Elangue Njoh. Il
indique que la loi de 2000 sur le droit d'auteur prévoit, dans l'article 19 de
cette loi, que les vendeurs de journaux exercent une activité de distribution.
"Quiconque se livre à la vente, la location ou met en circulation à titre
onéreux de l'œuvre artistique doit payer la redevance", rappelle-t-il. Il s'agit
alors de payer 23.850 Fcfa l'an, toutes taxes comprises: 20.000 Fcfa pour la
redevance et 3.850 Fcfa pour la Tva (taxe sur la valeur ajoutée), selon une
décision ministérielle de 2004. Pour le chef d'agence, les distributeurs sont
assimilés aux libraires.
Décision qui, selon le chef d'agence, avait été prise par le ministre de la
Culture, pour valider les résolutions arrêtées de commun accord à l'issue d'une
concertation entre les distributeurs de journaux et la Sociladra. Ce responsable
de la Sociladra relève que "les vendeurs de journaux avaient cru que c'est
Messapresse qui paierait. Mais, sa représentante de Yaoundé nous avait expliqué
que son entreprise ne devait pas payer pour les tenanciers des kiosques. Car, en
tant que locataires, ce sont eux qui devaient le faire". A Messapresse, l'on est
déçu de l'attitude de la Sociladra. "Jusqu'ici, elle ne nous a pas encore
approchés", révèle Jean Omam, le responsable commercial de l'agence de Yaoundé.
Il précise que c'est plutôt Messapresse qui est allé vers la Sociladra.
Le responsable de sa société de distribution souligne que "la commission de
médiation va siéger pour arbitrer". Il déplore par ailleurs les conséquences
aussi fâcheuses pour son entreprise qui est rémunérée sur la base des ventes.
Raison pour laquelle les vendeurs estiment que leur combat est celui de
Messapresse. D'où, la réunion de concertation d'hier. Les vendeurs à la criée ne
se sont pas sentis outre-mesure, concernés. "On n'est pas solidaire de cette
grève. C'est une journée de perdue. Nous dépendons de Messapresse et c'est notre
chef qui nous a demandé de ne pas travailler aujourd'hui", a révélé Tanguy
Tenha, vendeur à la criée, presque en colère car, selon lui, le manque à gagner
est important pour lui et ses collègues puisqu'ils sont payés à la commission.
Ils craignent déjà une autre journée de débrayage.
Voir aussi : Valentin Zinga : "Le débrayage, c'est une catastrophe pour les journaux"
Source : Mutations
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