Les cinq prévenus viennent du Congo, de Côte d’Ivoire et du Cameroun. Ils ont des prénoms, bien sûr, mais surtout des surnoms. Alors, forcément, ça complexifie un peu la lecture du dossier. Surtout que le principal prévenu nie tout en bloc, que deux autres admettent les faits, qu’une quatrième ne comprend pas ce qu’elle fait là et qu’un cinquième fait défaut.
On leur reproche en tout cas, chacun à des niveaux différents, d’avoir participé au vol, à la falsification et à l’encaissement d’un chèque de 22 900€ au préjudice d’une ASBL flamande. Et d’avoir volé et falsifié deux autres chèques, qui n’ont par contre pas eu le temps d’être encaissés.
Mais chacun se renvoie donc la balle. Le premier prévenu, détenu pour ces faits, assure qu’on le confond avec un autre. L’Ivoirien et une des deux Camerounaises reconnaissent avoir fait transiter les 22 900€ via le compte de la prévenue mais assurent qu’ils n’en ont (presque) pas profité, le premier prévenu leur laissant respectivement 100 et 400€. En guise de remerciement selon eux, de dédommagement selon le Ministère public.
La quatrième prévenue, elle, a prêté sa carte de banque à la Camerounaise. C’est ainsi qu’on se serait servi de son identité pour falsifier un des chèques non-encaissés. « On se connaissait un peu, je lui faisais des tresses. Un jour, elle m’a demandé de pouvoir faire verser sur mon compte une somme de 2 000€ qu’elle devait recevoir du Canada. Je voulais l’aider, comme c’est une compatriote, et je lui ai donné ma carte de banque, explique-t-elle. Mais, comme plusieurs jours plus tard, je ne l’avais toujours pas récupérée, je suis allée à la banque pour effectuer un retrait et on m’a dit que mon compte était bloqué pour fraude. Je suis alors allé à la police, qui l’a appelée pour qu’elle me ramène ma carte.»
Une «entraide» qui pourrait nous paraître «insensée, à nous», comme l’a dit l’avocat du prévenu principal. Mais qui ne l’est pas pour les gens de la communauté africaine, pour qui la solidarité n’est pas un vain mot. «Vous savez, au Cameroun, on parle 400 dialectes, a insisté la prévenue. Alors, quand j’ai appris qu’elle parlait le même dialecte que moi, je l’ai prise comme une sœur. Je suis tellement déçue, aujourd’hui…»
Les avocats réclament l’acquittement
Si, pour la substitut du procureur du roi Françoise Godefroid, les faits sont établis pour les trois premiers prévenus, ils le sont moins pour la Camerounaise qui a prêté sa carte de banque. « Sa thèse est tout à fait crédible, d’autant qu’elle n’a de liens avec aucun des autres prévenus si ce n’est avec la prévenue à qui elle avait fait des tresses. Pour moi, oui, il pourrait s’agir d’une entraide entre compatriotes.»
Elle a ainsi réclamé une peine d’1 an d’emprisonnement pour le prévenu principal, 10 mois pour l’Ivoirien, 8 mois pour la Camerounaise qui admet les faits et 6 mois pour le prévenu faisant défaut. «Je n’insiste par contre pas pour l’autre prévenue…»
Les avocats des prévenus ont quant à eux tous réclamé l’acquittement (ou, à tout le moins, la suspension du prononcé ou le sursis) de leurs clients. Faute de preuves ou arguant de la bonne foi des prévenus, comme la Camerounaise qui a cru «juste» prêter son compte en banque mais ignorait que le chèque était volé et falsifié.
Jugement le 29 mai.
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