Bellnoun Momha, auteur d'un dictionnaire bassa - Français
Bonjour
M. Bellnoun Momha, vous êtes l'auteur d'un dictionnaire Français/Bassa et
Bassa/Français, préfacé par le feu Meinrad Hebga et publié aux Editions
L'Harmattan. Pouvez-vous vous présenter aux internautes et nous expliquer ce qui
a motivé la publication d'un tel ouvrage ?
Je suis un ancien élève de
l’Institut d’Administration des Entreprises de Caen, chercheur et préside en ce
moment l’Association pour la
sauvegarde de la Culture Camerounaise (AS2C)
à Paris.
Dans un monde comme le nôtre voué aux
turbulences de la mondialisation et aux orages qu’elle prépare, il m’a a paru
utile, voire indispensable, pour notre enracinement, celui de nos enfants et des
générations futures d’élaborer un dictionnaire. Tel, il permettra non sans
lacunes :
1- de nous réconcilier d’abord avec nous-mêmes, c'est-à-dire, d’amorcer en toute
conscience le processus de désaliénation,
2- de lancer un pont entre les locuteurs du Bassa et le reste du monde,
3- que la langue Bassa soit bien maîtrisée, et qu’elle puisse nous amener à
exprimer le langage des sciences comme disait Cheikh Anta Diop
4- enfin que la langue Bassa vienne s’ajouter en tant qu’élément de progrès et
de joie à la grande famille des langues camerounaises.
Telles ont été mes motivations.
Quelle importance revêtent les
langues traditionnelles dans le patrimoine culturel de tout individu, notamment
en Afrique ?
La langue est le
témoignage immortel d’un peuple. A partir de là, la nécessité de la conserver,
de la faire évoluer pour diverses utilisations s’impose. Cela est valable non
seulement pour les Africains, mais aussi pour tous les autres peuples du monde.
Voilà pourquoi, je pense que nos langues devraient être non seulement au centre
de nos préoccupations quotidiennes mais aussi au centre de notre patrimoine
culturel. Elles doivent être une torche qui éclaire notre voie et une béquille
qui nous permettent d’avancer lentement et sûrement vers nous mêmes.
Pensez-vous que les langues vernaculaires sont en déperdition dans notre pays et
qu'il est urgent de prendre des mesures pour les préserver ? Si oui, quels types
de mesures, des mesures terre à terre (politiques et surtout citoyennes),
faut-il prendre selon vous ?
Tout d’abord, toutes les langues sont
vernaculaires et véhiculaires. Je ne vois donc pas pourquoi seules les langues
africaines seraient les seules à être rangées dans la catégorie péjorative de
langues vernaculaires. Ceci dit, les écrire et les consigner dans des supports
constitue déjà un pas positif. Pour ce qui est des mesures citoyennes à
suggérer, nous pouvons par exemple demander aux autorités de
décréter un jour dans l’année qu’on
pourrait intituler «Journée de langues camerounaises ». Ce sera une bonne
occasion de faire le point sur le sujet.
Cheikh Anta Diop, dans son ouvrage
"Nation, Nègres et Culture", avait démontré que le wolof pouvait englober tout
le spectre d'utilisation d'une langue dite moderne (utilisation courante,
scientifique, politique, etc), le Bassa permet-il d'aborder un spectre aussi
large de domaines ? Un mathématicien ou un physicien peut-il, par exemple, écrire un
ouvrage scientifique uniquement en Bassa ?
A l’instar du Wolof ou du français, toutes les
langues sont susceptibles d’être utilisées pour enseigner les mathématiques, la
physique, la chimie, la géographie etc… à la condition unique de les maîtriser
d’abord. Si toute langue est bien maîtrisée, elle peut être adaptée et amenée à
exprimer le langage des sciences. Voulez-vous que je vous dise comment on
pourrait dire par exemple (cinq puissance dix : bitan, u ma bédés gwo jôm li ndegi ). Il ne faut pas
oublier que les emprunts sont parfois aussi une richesse pour une langue
quelconque. Le mot « température » n’existe pas en bassa. Mais, par contre, nous
connaissons et la chaleur, et le froid.
Pour finir, toujours dans le même
ordre d'idées que celles de Cheikh Anta Diop, pensez-vous qu'on peut revenir
totalement à l'utilisation des langues vernaculaires en Afrique en lieu et place
des langues coloniales actuellement prédominantes comme langues nationales
officielles dans la plupart des pays ?
La question du remplacement des langues coloniales n’est pas
à l’ordre du jour en ce moment. Ce que notre association (Association pour la
sauvegarde de la Culture
Camerounaise : AS2C) essaie tout simplement de faire pour
l’heure, c’est de donner la possibilité à chaque Camerounais et chaque
Camerounaise d’apprendre, de parler, d’écrire et de maîtriser sa langue
maternelle comme cela a été brillamment fait pour les autres langues étrangères
telles l’anglais, le français, l’allemand, le chinois etc…. Une fois que nous
aurons la maîtrise de nos langues, nous verrons désormais un peu plus clair et
nous serons à même de juger, cette fois-ci, en toute conscience de la nécessité
de tenter une telle aventure linguistique ou pas.
Pour acheter le dictionnaire en ligne
|