Note : vous pouvez consulter
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articles concernant la lettre de Suzanne Kala Lobe
Voici un bon bout de temps déjà que j’avais arrêté de m’intéresser aux débats
des camerounais, surtout ceux de la diaspora, sur les sujets qui touchent à la
situation de notre pays. J’avais arrêté, ou alors je suivais ça de loin, parce
qu’un simple coup d’oeil permettait généralement de faire le même constat: rien
de nouveau. Ou alors, un de temps à autre qui trouvait une façon encore plus
originale de profiter
de la pluie pour chier dans le torrent. Depuis quelques jours cependant,
ces sujets reviennent aux devants de mes préoccupations parce que pour la
première fois depuis très longtemps, vraiment très longtemps, j’ai lu quelque
chose de nouveau, mais aussi de pertinent les concernant.
L’article est sur le net depuis quelques jours déjà. Il est signé de Suzanne
Kala Lobé, journaliste camerounaise. Sur cameroon-info.net,
l’article compte 121 réactions à l’heure où j’écris ces lignes, signe qu’il a
touché quelque part où à défaut de faire mal, il fait au moins réagir. Et comme
il fallait s’y attendre, il s’est trouvé dans la diaspora quelques plumes pour
user du droit de réponse. On trouve les réactions, du moins celles dont j’ai eu
connaissance, là, là, là et enfin là (réponse d'André Ekama) (.
Après les avoir lues, je m’auto-proclame un instant juge pour disqualifier les
deux premières pour coups en dessous de la ceinture, et la troisième pour hors
sujet. On va donc s’intéresser uniquement à la dernière, ou plutôt à un détail
dans la dernière que j’ai trouvé assez révélateur.
Avant d’y arriver, je crois qu’on aura tous compris que je souscris
presqu’entièrement au propos de Suzanne Kala Lobé, à la différence que je ne
logerais pas toute la diaspora à la même enseigne. Il en existe qui mènent des
actions remarquables au pays, obtiennent des résultats encourageants voire
satisfaisants. On doit toutefois reconnaître que ces cas tiennent plus de
l’exception que de la règle. Donc disé-je, un détail dans le dernier article a
attiré mon attention; disons plutôt deux détails, puisqu’il s’agit des deux
derniers points du mémorandum(**), que je reprends ici.
- aménager des centres d’exploitation et de financement par la diaspora de
grands projets au Cameroun (usines, etc.)
- faciliter les Camerounais de l’extérieur à investir au Cameroun, agréments
rapides, titres fonciers.
Ces deux lignes suffisent amplement à donner raison à Suzanne Kala Lobé. Parce
que c’est vraiment mal connaître le camerounais, mal connaître ses manies, et
mal connaître son rapport à la diaspora et son rapport à ce qui relève du
pécuniaire, que d’imaginer qu’il va se lever un matin et octroyer comme-ça, sans
contre-partie aucune, des avantages exclusifs à la diaspora. Pour illustrer, il
y a des camerounais qui ont proposé, plusieurs fois, à des responsables
d’universités, de venir partager gratuitement leur savoir avec des étudiants,
sous forme de travaux dirigés express ou de conférences. Chaque fois qu’ils ont
reçu des réponses, ça a été pour leur opposer un refus catégorique, pour des
motifs divers.
Derrière cette première erreur se cache une autre, et il s’agit là d’un avis
personnel. Qu’on se le dise, être de la diaspora, quelque soit la définition que
l’on donne à ce terme, ne relève en aucun cas du mérite. Contrairement au
fait par exemple d’avoir obtenu un diplôme d’une université reconnue, d’avoir
fait ses preuves dans une entreprise reconnue, dans un domaine reconnu, ou bien
d’avoir soi-même monté une activité pérenne. Dès lors, obtenir des avantages de
quelque nature que ce soit sur la seule base de cette particularité relève de
l’arbitraire et de l’injustice, qui sont justement ces maux qu’il est de bon ton
de dénoncer dans la diaspora lorsqu’on discute de la situation du Cameroun.
On peut s’étonner dès lors qu’en même temps qu’on demande des changements, que
l’on affiche, très certainement de façon inconsciente, des comportements qui
sont ceux qu’on affirme vouloir changer. On peut même se demander si cela ne
dérive pas d’un certain complexe de supériorité de la diaspora; mais je laisse
cette question à des spécialistes du comportement humain. Il n’en demeure pas
moins, pour ceux qui connaissent un peu le Cameroun, qu’il suffirait de donner
cette impression lorsqu’on s’y trouve pour que les barrières les plus
insoupçonnées de lèvent pour bloquer des initiatives, aussi brillantes
soient-elles.
Je vois d’ici les mauvaises langues me tomber dessus en hurlant à la mort, et me
classant illico dans leurs longues listes des gens qui parlent, mais ne font
rien. Alors, je propose comme ça que dans le mémorandum sus-cité, que l’on
demande des facilités à investir pour tout camerounais, quelque soit son pays
d’attache (y compris le Cameroun donc), désireux d’investir dans son pays, pour
peu qu’il ait fait montre de réelles capacités à mener le projet qui est le
sien. Et de même, lorsque l’on se bat, que ce soit pour tous les camerounais
sans distinction. En pratique, on en reviendra finalement au même point, car la
puissance de frappe financière et intellectuelle de la diaspora camerounaise
n’est plus à démontrer. Cependant, on aura évité de froisser la susceptibilité
de gens dont la capacité de nuisance n’est pas non plus à démontrer.
(*) La preuve par l’adversaire, c’est ce qui arrive lorsqu’une personne
souhaitant combattre une idée se comporte dans le même temps, très souvent de
façon inconsciente, de façon à la conforter. Je n’ai pas cherché, mais je doute
fort que ce concept ait été ainsi nommé avant que cet article ne soit écrit.
(**) Je n’ai pas très bien saisi au nom de qui l’auteur parle en disant notre
mémorandum. Du coup, je parle simplement du mémorandum.
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