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“ Biya subira le même sort que Ahidjo ”
(20/05/2005)
Tel est le point de vue du Pr. Kapet de Bana, grande figure de la lutte contre la colonisation au Cameroun
Par Le Messager

Il a accepté de revenir sur son long parcours et de donner son sentiment sur l’état actuel du Cameroun.

Professeur, quel a été votre parcours depuis votre départ du Cameroun en 1961 ?

Je fais partie de la délégation qui est allée aux Nations Unies en 1961 pour l’indépendance et la réunification du Cameroun. C’est cette délégation qui a tourné la dernière page de l’épisode de l’histoire du Cameroun devant les Nations unies. Nous étions invités par l’Assemblée générale des Nations unies. Normale-ment, Moumié devait être de la partie. Mais comme on l’avait déjà assassiné, je l’ai remplacé car il devait être auditionné comme représentant de l’Upc. J’ai donc parlé à sa place. Nous étions les délégués du “ maquis ” de l’Union des populations du Cameroun. J’étais membre de la section Upc de France. L’Upc était invitée à donner la position du peuple camerounais sur l’indépendance à cette séance, la 1115e de l’Assemblée générale des Nations unies, 16e session consacrée aux problèmes camerounais.

C’était il y a 44 ans. Qu’est ce que vous êtes devenu depuis ?

Je suis un leader en exil qui continue le combat au sein des organisations politiques de l’opposition. Je suis aussi le fondateur de la Ligue camerounaise des droits de l’homme, affiliée à la Fédération internationale des droits de l’homme et à l’Union interafricaine des droits de l’homme basée à Ouagadougou ; je suis membre observateur de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples. Quatre fois, devant cette commission nous avons porté plainte contre le régime de Paul Biya. Cette plainte a été enregistrée une nouvelle fois par la nouvelle Cour pénale internationale pour crime d’assassinat : d’abord sur les grandes figures politiques du Cameroun comme les Um Nyobé, Ouandié, Ossendé Afana, et aussi sur les étudiants qui continuent d’être la cible du régime néocolonial sanguinaire en place à Yaoundé. Je suis un exilé historique. Je continue de lutter contre le système ; il ne s’agit même pas de lutter contre Biya mais contre le système qui le maintient en place. En 1961 quand j’allais aux Nations unies, Biya était encore un administrateur frais émoulu formé à l’Enfom, cette école qui était une sorte d’Ena africaine créée ici en France. Biya devait faire partie du collectif d’étudiants qui devaient m’entendre parler aux Nations unies. Mais il avait refusé que son nom fut inscrit sur la liste arguant qu’on leur avait interdit de faire la politique parce qu’ils devaient devenir des administrateurs. Il n’a donc pas mis son nom sur la liste ; pourtant aujourd’hui, c’est lui qui fait la politique, qui assassine la jeunesse et les leaders politiques. Vous voyez bien le contraste. Je ne fais pas partie de ceux qui se positionnent sur le plan électoral. Le Cameroun a seize millions d’habitants. Huit millions sont aujourd’hui à l’extérieur du pays. Et sur les huit millions qui restent au Cameroun, selon les statistiques même du régime Biya, il n’y a que trois millions cinq cent mille qui forment l’électorat ; et même sur cette petite proportion de la population camerounaise, moins de 45 % participe au vote. Nous avons appelé ça le génocide électoral, l’exclusion massive d’une partie de la population du droit de vote. Il ne s’agit pas du tout de l’extrémisme. Si nous avons invité des leaders politiques agissant sur le théâtre camerounais à venir à ce forum, c’est pour que la diaspora soit soudée avec le peuple de l’intérieur. Nous avons émis seize thèses en vue de l’instauration de la bonne gouvernance et l’alternance au Cameroun.

Vous avez connu beaucoup de difficultés depuis votre départ en exil ; vous avez fait de la prison en Guinée. Comment tout cela s’est-il passé ?

J’ai passé dix ans en Guinée et cinq ans à Accra au Ghana. Quatre ans en Algérie où j’ai travaillé aux côtés du président Ben Bella comme conseiller. Pendant quatre ans également, j’ai été conseiller du président ivoirien Houphouët-Boigny. J’ai aussi travaillé avec le président Senghor du Sénégal pour résoudre le problème de la crise universitaire. Je suis professeur d’université. J’ai été emprisonné pendant dix ans au camp Boiro à Conakry sous le règne de Sekou Touré. J’étais à l’époque doyen de la faculté de droit de Conakry. Les étudiants s’étaient révoltés ; nous avions célébré la Déclaration universelle des droits de l’Homme à la faculté de droit ; le régime de Sékou Touré qui souhaitait maintenir en place le système de parti unique a interprété notre geste comme un acte de rébellion. J’ai été jeté en prison. Pendant que j’y étais, le premier Secrétaire général de l’Oua Diallo Telli m’a rejoint. Il est mort dans mes bras dans cette même prison.

Quel commentaire faites-vous sur l’évolution actuelle de la politique au Cameroun ?

Le Cameroun d’aujourd’hui n’est pas différent du Cameroun de 1955. La première grève du seul lycée général Leclerc dont je faisais partie de la première promotion d’élèves, pour problèmes de cours, de restaurant et de manque d’enseignants, grève à l’issue de laquelle je fus exclu de l’internat ressemble aux manifestations de la jeunesse d’aujourd’hui. Le régime n’a en rien changé puisque aujourd’hui encore, il en vient à assassiner des étudiants, plus de quarante ans après. Donc c’est le même régime qui en 1953 malmenait déjà les étudiants. A cette époque-là, nous avons pu aller manifesté à l’Assemblée territoriale que présidait Aujoulat et par la suite André Marie Mbida. Tout cela converge dans la même direction. Donc aujourd’hui pour moi, rien n’a changé au Cameroun. La structure néocoloniale sanguinaire au pouvoir depuis Ahidjo jusqu’aujourd’hui reste la même, puisque Ahidjo a assassiné les grandes figures politiques et que Biya continue d’assassiner. Je me suis retrouvé aux Nations Unies à l’époque avec Okala Charles, Eyidi Bébé. Okala Charles était le premier ministre des Affaires étrangères d’Ahidjo. J’ai dit à Okala Charles qui me demandait de rentrer avec eux au pays que le néocolonialisme qu’ils venaient défendre devant les Nations unies pour fausser l’indépendance de notre pays allait les enterrer. Okala Charles est mort en prison ; Mbida est mort aveugle à cause de ce même régime. Ahidjo lui-même est mort de ce régime, n’étant même plus camerounais. Il est mort étant sénégalais. La dernière fois que j’étais au Sénégal dans le cadre de la Fédération internationale des droits de l’homme, on vendait la villa d’Ahidjo à Dakar aux enchères parce que sa femme ne payait plus le loyer. J’ai intervenu pour dire que la résidence d’un chef d’Etat camerounais ne doit pas être vendue comme celle d’un simple citoyen, parce que c’est un bâtiment historique pour le peuple camerounais, comme la villa de De Gaule à Londres qui est toujours protégée. On m’a rétorqué que j’étais pourtant un opposant à Ahidjo. J’ai alors précisé que Ahidjo en tant qu’individu ne m’intéressait pas, mais que c’était l’histoire du Cameroun que je défendais.

Tout à l’heure lorsqu’on a montré le documentaire sur l’assassinat de Félix Rolland Moumié, vous en avez critiqué certains détails. De quoi s’agissait-il ?

L’assassinat de Moumié a été commandité par Ahidjo et organisé par la France qui voulait maintenir au Cameroun la structure néocoloniale toujours en place. Chef de l’opposition en exil M. Moumié souhaitait former un gouvernement en exil à l’exemple de l’Algérie ou de la Guinée Bisau. Nous étions installés dans toutes les capitales d’Afrique, avec des correspondants dans plusieurs pays d’Europe. S’il s’est rendu en Suisse, c’était pour préparer des affiches sur le gouvernement qu’il allait former. Il n’était pas allé en promenade comme le laisse croire le documentaire. Il n’était pas seul, mais était accompagné d’une délégation du parti. On a simulé un coup de téléphone pour le distraire et le faux journaliste, l’assassin en a profité pour mettre le thallium dans son verre. On voit de petites femmes dans le documentaire. Mais non ! Il ne faut pas que la vérité soit maquillée. Il n’était pas aller se distraire puisque c’est un rendez-vous qu’il avait pris avec ce journaliste, et il était accompagné par des représentants du parti. C’est là que nous disons qu’il y a peut-être eu un manque de vigilance. Nous ne sommes pas prêt à croire que ceux qui l’accompagnaient ont pu être complice de son assassinat. Il est aussi possible que son verre fut empoisonné à l’avance.

Pensez-vous que l’alternance politique soit possible aujourd’hui au Cameroun ?

Pour être logique, il faut dire que Biya est illégitime aujourd’hui au Cameroun. S’il ne bénéficiait pas de soutien à l’étranger, il ne serait plus au pouvoir. Mais ce qui est sûr c’est que d’une manière ou d’une autre, il subira le même sort qu’Ahidjo. Peut-être même que son cas serait pire encore. Comme Ahidjo, il ne mourra pas sur le sol camerounais. Il a déjà préparé ses visas ; ses visas en Europe. Il a d’ailleurs simulé la mort dernièrement et a préparé une armée pour pouvoir prendre la relève comme au Togo. Nous sommes au faît de tout ça et nous nous préparons en conséquence. Nous sommes entrés dans une logique de balayage du système Biya par tous les moyens. On ne peut pas longtemps encore laisser notre pays entre les mains de ces assassins.

Envisagez-vous bientôt rentrer au Cameroun ?

Je suis au Cameroun là où je vous parle. Je suis toujours dans le maquis. Je ne suis pas un émigré. Je n’ai émigré nulle part. Tous les jours je cherche les moyens de rentrer à Yaoundé. Je ne suis pas résident ici. Ni nulle part ailleurs. Avant de venir à ce forum, j’étais à Ouagadougou. Avant j’étais à Madagas-car. Avant Madagascar, j’étais aux Comores. Après, j’irai aux Antilles. Je suis toujours dans les conférences pour rallier l’opinion internationale afin de chasser le régime néocolonial de Yaoundé. C’est ça ma mission. Je ne suis pas un fonctionnaire basé dans un pays. Aucune loi ne peut m’exclure du Cameroun. Il faut chasser Biya par tous les moyens.

Pensez-vous que des fora comme celui-ci puissent aboutir à une mobilisation des masses pour une alternance politique au Cameroun ?

Ce forum rassemble les enfants du Cameroun venus de tous les pays du monde. C’est la première fois que la diaspora camerounaise engage une action d’une telle envergure. Nous espérons pouvoir réveiller et sensibiliser les Camerounais du pays sur l’urgence de la situation. Nous allons préparer un plan d’action pour l’alternance politique au Cameroun. Les Camerounais réunis ici sont des patriotes qui veulent libérer leur pays des griffes d’un sanguinaire.





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