Des étudiants tabassés et interpellés par les forces de l’ordre. Le recteur s’enfuit devant la pression des manifestants. La grève de la faim se poursuit
Tension
Des gendarmes sur le campus
Le mouvement de protestation des étudiants s'est poursuivi hier, paralysant l'Université de Yaoundé I
Il y a eu une détonation, de la fumée, des cris et une multitude d'interprétations. Coups de feu tirés à l'endroit des étudiants, coups de feu en l'air, ou plutôt grenades lacrymogènes. En fait, il s'agissait plus de la troisième éventualité. Et la foule d'étudiants qui s'étaient retrouvés en face des éléments de la police postés à l'entrée de l'Université de Yaoundé I, a rappliqué vers l'intérieur du campus, dans une mêlée confuse. La deuxième journée du soulèvement des étudiants de l'Université de Yaoundé I, hier, a été particulièrement mouvementée. La veille déjà, la route qui passe devant l'université a été barrée par les manifestants. Autour de 9h, un attroupement s'est formé devant le rectorat. Mais, le maître des lieux, Sammy Beban Chumbow, n'a pas fait signe de vie.
La décision a donc été prise de se mettre en route, comme la veille, vers les services du Premier ministre. "Ils ont sorti les enseignants et les étudiants des salles de classes", relate un responsable de l'institution. Les cours se sont donc arrêtés et n'ont pas repris du reste de la journée. A l'Ecole normale supérieure aussi, comme la veille, la troupe de mécontents a fait escale, mettant aussi un terme à tous les cours qui y étaient dispensés à ce moment-là. Pourtant, les grévistes n'iront pas plus loin. Stoppés au niveau de l'Ecole nationale d'administration et de magistrature par une escouade du groupement mobile d'intervention (Gmi).
C'est là qu'aura lieu le premier affrontement de la journée entre les étudiants et les forces de l'ordre. Quelques étudiants seront blessés et d'autres interpellés. Messi Mballa, membre de l'Association pour la défense des droits des étudiants (Addec), l'un des meneurs de la marche, sera d'ailleurs, d'après les dires de ses camarades, l'un des blessés. Toutefois, on ne pourra pas le voir. Quant à Eric Koizah, gréviste de la faim, il est revenu s'allonger à l'entrée de l'amphi 300, où il est massé par quelques uns de ses camarades. Peu avant midi, tous les manifestants sont revenus sur le campus. Devant le rectorat, où ils demandent à nouveau après le recteur Sammy Beban Chumbow. L'une des chansons qu'ils entonnent d'ailleurs par moments, est fort suggestive. "Le gros Chumbow a trop mangé. Regardez son ventre.... Hibou hibou hibou la la..." Aucun doute, à ce moment là, que les étudiants en veulent vraiment à leur recteur. Ce qui va se confirmer quelque temps plus tard, quand, Sammy Beban Chumbow sortira de son bureau par l'arrière.
Course du recteur
Il s'en suit une course folle. Le recteur, pourchassé par une horde d'étudiants en furie, accélère le pas. Alors même qu'il est installé dans son véhicule, ses poursuivants n'abandonnent pas leur chasse à l'homme, tout en criant des slogans vengeurs. C'est l'intervention des forces de l'ordre qui les fera finalement reprendre leur course en sens inverse. Sur le campus, les amphis sont déserts. Les enseignants et autres responsables se sont enfermés dans leurs bureaux, attendant que les choses se calment. "Il faut que les cours reprennent" nous dit un responsable du rectorat.
Les entrées principales du campus seront bloquées jusqu'aux environs de 18h. La route aussi, mais cette fois par des véhicules de la police, garés au lieu dit "château". Le rectorat aussi est resté gardé par les éléments de la gendarmerie. Ils y étaient encore à la tombée de la nuit. Au moment même où une délégation de grévistes arrivaient, en compagnie de Ibrahim Nji Kouotou, membre du comité central du Rdpc et ancien député du Noun, aux services du Premier ministre où ils ont été invités. Les représentants des grévistes ont été reçus par le Premier ministre Inoni Ephraim, en présence du ministre de l'Enseignement supérieur, Jacques Fame Ndongo, et du recteur de l'Université de Yaoundé I, Sammy Beban Chumbow. Au moment où nous allions sous presse, les résolutions de cette rencontre étaient encore attendues.
Le mouvement de protestation des étudiants a commencé par une grève de la faim des membres de l'Addec, qui revendiquent l'amélioration de leurs conditions d'étude. Particulièrement la suppression des frais de scolarité, le paiement des bourses aux étudiants en cycle de recherche, ainsi que la fin des divers rançonnements dont ils sont victimes de la part des enseignants. "Ces doléances sont irréalisables pour le moment", affirme un collaborateur du recteur, qui poursuit en disant que le coût annuel pour la formation d'un étudiant est bien plus élevé que 50 000 F cfa.
Source: Mutations
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