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Mise au point sur l'étude sur le Tenofovir
(12/04/2005)
Le professeur KAPTUE Lazare effectue une mise au point à propos des essais cliniques du Tenofovir
Par Le Messager

D’abord il faut souligner que contrairement à tout ce qui a été dit et écrit, le Ténofovir n’est pas un vaccin, c’est un médicament antirétroviral. Par définition un vaccin est un produit qui injecté à un homme ou à un animal entraîne la fabrication d’anticorps spécifiques. La prise du Ténofovir n’entraîne pas la formation d’anticorps. Il faut préciser également que contrairement à ce qui a été dit, le Ténéfovir se prend par voie orale et non par injection.
Lorsque le Comité d’éthique évalue un protocole de recherche, il apprécie entre autres la valeur et l’intérêt scientifiques de l’étude.
La valeur scientifique de cette étude ne soulève aucun doute. En effet il n’y a à l’heure actuelle aucun médicament préventif contre le Sida. C’est dire que si cet essai était concluant ça constituerait une arme supplémentaire pour la lutte contre la redoutable pandémie du Vih/Sida. L’étude faite chez le singe macaque montre que le Ténofovir protège bien contre l’infection à Vih. Si l’essai était concluant chez l’homme, le produit serait peut-être sans intérêt pour les gens qui sont fidèles ou qui s’abstiennent, mais il serait très utile pour ceux qui ont un comportement à risque. Il serait très utile aussi dans les cas d’infection accidentelle (piqûre lors de l’administration des soins, viol, etc).
L’autre élément important qui est pris en compte lors de l’évaluation d’un protocole de recherche c’est l’équipe des chercheurs. Dans le cas du Ténofovir, le projet est piloté par le Fhi (Family Health International) qui a une expertise internationalement reconnue dans les domaines de la santé de la reproduction et du Vih/Sida. Les projets Aidstech et Aidscap menés au Cameroun ont été conduits par cet organisme. Les premières campagnes de sensibilisation des filles libres sur le danger du Vih/Sida et l’utilisation des préservatifs démarrés au Cameroun en 1987 ont été financées par le Fhi. Le Fhi a organisé et continue d’organiser à travers le monde des formations sur l’éthique de la recherche impliquant l’être humain.
Le partenaire du Fhi au Cameroun est le Prof. Doh que l’on ne présente plus. Il s’est beauocup investi sur l’étude des cancers de l’utérus et du sein et sur les microbicides. Il est secondé par une équipe comprenant entre autres le Docteur Meilo Henriette, ancienne présidente de la Swa Cameroun et une des pionnières de la lutte contre le Sida au Cameroun.
Par conséquent on peut dire que la compétence et l’expérience de l’équipe de recherche ne souffrent d’aucune contestation.
Ce qu’il faut déplorer dans cette triste affaire est le fait que certaines personnes qui viennent à peine de découvrir l’éthique s’érigent en experts.
En ce qui me concerne je suis dans ce domaine depuis plus de 30 ans. J’ai suivi de nombreux séminaires de formation en éthique et bioéthique en Afrique, en Europe et en Amérique du Nord. Les personnes mal informées prétendent qu’il y a un vide juridique en matière d’éthique au Cameroun. Je me permets de les informer qu’il existe au Cameroun l’arrêté n°079/A/MSP/DS du 22 octobre 1987 portant création et organisation d’un Comité d’éthique sur la recherche impliquant l’être humain signé par le Prof. Anomah Ngu Victor quand il était ministre de la Santé publique. Cet arrêté avait été envoyé en son temps aux ordres professionnels (médecins, pharmaciens), à tous les enseignants du Cuss, à tous les Instituts de recherche, à la Faculté de sciences, à l’Ecole normale supérieure, etc
Notre pays est pionnier dans ce domaine en Afrique. En effet rares sont les pays qui en 1987 disposaient d’un texte régissant l’éthique de la recherche impliquant l’être humain. Donc il n’y a pas de vide juridique en la matière. Il faut seulement donner au Comité les moyens de fonctionnement.
Ce rappel m’a semblé nécessaire pour que les gens ne pensent pas que le Comité national d’éthique fait de l’amateurisme.
Quelles sont les principales accusations d’ordre éthique qui sont portées contre ce projet ? Elles sont au nombre de 8 à savoir :

1. L’utilisation du placebo

2. La non prise en charge des filles dépistées séropositives (dépistage)

3. La non prise en charge de filles qui font leur séroconversion au cours de l’étude

4. La modicité de la motivation (2750 par visite) donnée aux filles.

5. La fourniture du préservatif masculin et non du préservatif féminin

6. Formulaire de consentement éclairé en anglais seulement

7. Etude faite uniquement dans les pays en voie de développement

8. Le Tenofovir protège contre l’infection à Vih
Nous allons analyser ces accusations les unes après les autres.

1- Utilisation du placebo
Le Tenofovir est un médicament qui a obtenu l’Amm (Autorisation de mise sur le marché) aux Usa et à l’Union européenne. C’est l’un des Arv les plus puissants largement utilisé aux Usa depuis octobre 2001 et en Europe depuis 2002 à titre curatif. Cette étude vise à vérifier si le Tenofovir administré à titre préventif à une personne séronégative peut empêcher l’infection à Vih.
Dans l’état actuel de la science il n’existe aucun médicament qui pris préventivement peut empêcher l’infection à Vih. Si un tel produit existait, les chercheurs auraient eu l’obligation éthique de comparer l’efficacité du Ténofovir à celle du produit dont l’efficacité dans cette indication a été établie et reconnue de tous.
Par conséquent aucun médicament préventif contre le Sida n’existant à l’heure actuelle, les chercheurs étaient éthiquement en droit d’utiliser le placebo.

2- La non prise en charge des filles trouvées séropositives au dépistage
Les deux critères majeurs d’inclusion dans l’étude sont : être séronégatif et avoir des partenaires sexuels multiples. Par conséquent les filles qui sont trouvées séropositives au dépistage ne participent pas à l’étude. Mais elle ne sont pas abandonnées à elles-mêmes. Elles sont orientées vers un Centre de traitement agréé (Cta) où elles sont prises en charge. Il n’y a aucune obligation éthique pour les chercheurs à les prendre en charge. La seule obligation c’est de les orienter dans un Cta, c’est ce qui est fait.

3- La non prise en charge des filles qui font leur séroconversion au cours de l’étude
D’emblée je tiens à préciser que ces filles sont prises en charge. Un protocole de recherche n’est pas quelque chose de statique, de figé. Il peut subir au cours de sa mise en œuvre des amendements. C’est le cas de cette étude. Au début les chercheurs n’avaient pas prévu de prendre en charge les filles qui deviendraient séropositives pendant l’étude. Par la suite, après des négociations ils ont finalement accepté de le faire, mais sans modifier en conséquence le protocole et la fiche de consentement éclairé. L’Ong Rds qui n’a eu accès qu’aux premiers documents n’avait pas cette information. Sur le plan éthique il y a obligation de prise en charge lorsqu’il y a une relation causale entre l’étude et la pathologie dont souffre le participant. Or dans le cas d’espèce, on ne peut pas établir que les filles qui ont fait une séroconversion l’ont faite à cause de leur participation à cette étude, cela pourrait provenir de leur comportement.
Malgré l’absence de relation causale entre l’étude et la séroconversion, les filles sont prises en charge, par conséquent je ne vois pas en quoi l’éthique est violée.

4- La modicité de la motivation (2750 frs par visite)
Cette motivation qui couvre le transport, le casse-croûte et éventuellement le manque à gagner n’est pas un salaire.
Le principe éthique qui régit la motivation à donner aux participants à un projet de recherche dit ceci : “ la motivation ne doit pas être tellement importante que ce soit le seul facteur qui amène le participant à accepter de participer à l’étude ”.
Par exemple si on proposait 5 000 à 20 000 par visite ou plus, l’appât du gain serait le mobile qui pousse les filles à accepter de participer à l’étude. C’est ce que les anglo-saxons appellent “ undue unducement or undue influence ”. Ceci est condamné par l’éthique. Par conséquent verser 2750 frs à chaque visite ne viole en rien l’éthique de la recherche impliquant l’être humain.

5- La fourniture des préservatifs masculins au lieu des préservatifs féminins
A chaque visite, les chercheurs fournissent des préservatifs masculins aux filles et leur demandent de venir au centre à tout moment se ravitailler si elles sont en rupture.
L’avantage majeur du préservatif féminin c’est le fait que la femme est maîtresse de la situation. Elle est autonome et n’a pas besoin de demander l’avis de son partenaire mâle pour enfiler son préservatif. Bref la femme ne dépend pas de la bonne volonté de l’homme. Sur le plan de l’efficacité, les deux types de préservatifs sont efficaces lorsqu’ils sont correctement utilisés.
Ce que nous ne devons pas perdre de vue c’est que le protocole a été introduit en janvier 2003. A cette date, le préservatif féminin coûtait autour de 1500 à 2000 francs au Cameroun et n’était pas disponible. Le Pnls ne l’avait pas encore introduit dans sa panoplie de méthodes de prévention. L’éthique exige que l’on donne aux participants le matériel qu’ils continueront d’utiliser même à la fin de l’étude. Le préservatif féminin vient d’être introduit au Cameroun par Pnls en 2004 et est subventionné par le gouvernement. Il est vendu au prix de 150 frs pièce. Si la recherche débutait aujourd’hui on aurait sans aucun doute exigé la fourniture du préservatif féminin.
Signalons au passage que le principal reproche qui est fait au préservatif masculin est fait aussi au préservatif féminin à savoir l’absence de “ full contact ”.

6- Formulaire de consentement éclairé en anglais seulement
Ce document existe bel et bien en français et en anglais, mais les chercheurs n’ont remis que la copie en anglais à l’association Rds. En plus de cela, les filles qui ne maîtrisent ni le français ni l’anglais sont assistées par quelqu’un qui parle leur langue.

7- Etude faite uniquement
dans les pays en développement
Ce n’est pas tout à fait exact. En effet, la même étude est faite aux Usa (Atlanta et San Francisco), en Thaïlande, au Botswana par le Cdc, l’une des plus prestigieuses institutions de recherche au monde. En Afrique, elle est faite par Fhi (Family health international) au Cameroun, au Nigeria, au Ghana, en Zambie et au Malawi.

8- Le Ténofovir protège contre l’infection à Vih

Nulle part dans le protocole que le Comité national d’éthique a reçu il n’est mentionné que le Ténofovir protège contre l’infection à Vih. Bien au contraire c’est la question de recherche à savoir “ le Ténofovir pris à titre préventif peut-il prévenir l’infection à Vih ? ”
En conclusion le protocole examiné par le Comité national d’éthique respecte scrupuleusement les normes et standards éthiques internationaux recommandés par les diverses instances éthiques internationales compétentes. Le problème se trouve au niveau de la mise en œuvre en particulier sur l’aspect administratif.
Voici quelques-unes de ces instances que l’on peut consulter à loisir :
1) The council for International Organization of Medical Sciences (CIOMS)
2) La déclaration d’Helsinki
3) Le Common Rule
4) Belmon Report : National Commis-sion for the protection of Human subjects of Biomedical and Behavioural research, USA.
5) WHO/UNAIDS. 2004. Treating People with intercurrent infection in Hiv prevention trial ; Report from a WHO/UNAIDS consultation, Geneva 17-18th July 2003 ; WHO-UNAIDS REPORT. AIDS 2004, 18 : W1 – W12.




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