La menace de nullité qui guette environ 150.000 diplômes fabriqués sous l’ex-Mineduc annihile les efforts de règlement de la dette intérieure des diplômes et contraint les impétrants à subir pour longtemps encore le calvaire des attestations de réussite.
Environ 150.000 diplômes – des Certificats d’études primaires surtout – se baladent aujourd’hui au ministère de l’Education de base (Minedub). Ces parchemins encombrants pour le nouveau département en charge de l’enseignement primaire et maternel, ont été fabriqués sous l’égide de l’ex-ministère de l’Education nationale (Mineduc). Au moment où l’ex-ministre Joseph Owona devait les signer, M. Biya, reconduit aux fonctions de président de la République à l’issue de l’élection du 12 octobre dernier, a changé la structure du gouvernement. Les textes du 08 décembre ont ainsi réussi l’exploit d’effectuer deux opérations apparemment antagonistes dans le secteur de l’éducation : d’une part remettre ensemble l’enseignement technique et l’enseignement général, et d’autre part séparer l’enseignement du premier degré de l’enseignement du second degré. C’est ainsi qu’est né le Minedub qui a eu comme héritage, ces diplômes à l’en-tête du Mineduc, entre autres dossiers à gérer en urgence.
Préoccupées par la situation générale du département, les autorités du Minedub se sont rencontrées pour, entre autres, trouver une solution à ces diplômes errants. Deux hypothèses bien tranchées ont ainsi été formulées : soit on transporte les parchemins chez le Pr. Owona pour qu’il signe et antidate, soit on les détruit purement et simplement. La première proposition est sous-tendue par le fait qu’il faut non seulement satisfaire les diplômés qui attendent depuis longtemps, mais surtout ne pas perdre la forte somme d’argent qui a été dépensée pour fabriquer ces diplômes. La deuxième tient au fait qu’il s’agit d’une pratique peu orthodoxe et que Mme Haman Adama, actuelle Minedub, ne peut logiquement signer ces parchemins estampillés sous la désignation Mineduc. Les deux propositions se neutralisent et les responsables du nouveau département ministériel n’ont encore pris aucune décision précise.
Des diplômés sans diplômes
Ces diplômes ont pourtant coûté très cher au Mineduc. En évaluant chaque carton sécurisé à Fcfa 1.000 et l’impression à Fcfa 500 – ce sont les prix officiels – chaque certificat revient à Fcfa 1.500 ; ce qui fait donc une somme d’au moins Fcfa 225 millions mise en jeu. Au vu du coût de fabrication et d’édition, l’hésitation est grande : on se demande s’il faut vraiment les réduire en cendres pour des considérations d’ordre structurel. En attendant que les mécanismes de continuité du service public soient clarifiés en la matière, l’heure est au statu quo négatif car la balance penche beaucoup plus vers l’abandon de ces “ papiers ” qui vont ainsi être frappés de nullité. La fabrication des diplômes ainsi controversés participait pourtant d’une logique de réduction de la dette du gouvernement envers les diplômés.
Une dette énorme, d’autant plus que depuis plusieurs années, les quelque 200.000 Camerounais qui se présentent chaque année à cet examen duquel on a enlevé l’adjectif “ élémentaire ” – afin qu’il devienne Cep – ne reçoivent plus les vrais diplômes. Les autorités de l’ex-Mineduc justifiaient trivialement cette situation par le manque de moyens financiers. On a pu y croire pendant un certain temps. Mais aujourd’hui, on sait qu’une partie des frais d’examens et concours de l’enseignement primaire sert à soutenir le budget des examens du secondaire. De ce point de vue, on peut sans doute donner raison à ceux qui croient qu’on fait subir une injustice aux élèves du primaire. Ainsi, la dette du diplôme Cep ne devait pas en être une si le gouvernement qui a pris l’habitude de marginaliser, et de brimer l’enseignement de base avait essayé d’être rationnel.
La Dexc incapable…
Que la faute revienne au gouvernement ou pas, cette absence de diplômes cause un grave préjudice aux diplômés. On ne leur délivre plus que des attestations de réussite en lieu et place des vrais parchemins. Décentralisée à un moment donné, la signature de ces attestations était faite au niveau des départements par les délégués départementaux de l’Education nationale (Dden). Ayant constaté que cette position de pouvoir générait des abus – des délégués signaient des attestations aux gens qui n’avaient pas réussi à l’examen – le ministre Joseph Owona a à nouveau centralisé la gestion en donnant le pouvoir de signature au seul directeur des examens et concours. Mais on constate l’incapacité manifeste de la direction des examens et concours (Dexc) à satisfaire la pléthorique demande de ceux qui ont passé avec succès les épreuves du Certificat d’études primaires.
L’affluence constatée pendant plus de 14 jours au mois de mars à l’ex-Mineduc à l’occasion de la constitution du dossier de recrutement dans l’armée démontre suffisamment que la Dexc dont les employés se font embrouiller dans leur propre paperasse est visiblement débordée par la tâche qui lui incombe. Toutes les entrées étaient presque bouchées par ces Camerounais qui, venant de tous horizons, se battaient pour obtenir le précieux sésame, pièce maîtresse de la constitution du dossier. Les demandes devaient alors être traitées dans un contexte particulièrement difficile, car la Dexc s’occupait en ce moment-là de la préparation de la prochaine session du Cep. Finalement, une dérogation spéciale a été faite à la réglementation et les autorités territorialement compétentes ont dû signer ces attestations à partir des bordereaux fournis par les inspecteurs d’arrondissement de l’enseignement maternel et primaire, afin que la future carrière de militaire de certains jeunes soit sauve.
Source: Cameroun Link
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