C'est désormais au passé que les habitants de Masset, près de Foumban (300 kilomètres au nord-ouest de Douala) parlent des difficultés d’accès à ce hameau de près d’un demi-millier d’âmes. «En semaine, il n’était pas possible de sortir du village à moins de faire le trajet à pied. Nous n’allions en ville que le week-end, car ce n'était qu'à ce moment-là que des voitures venaient jusqu’ici, se rappelle Moshengo Mouminou. Aujourd’hui, on sort et on rentre à volonté grâce aux motos-taxis.»
Formalités simplifiées
Comme à Masset, les populations des villages et des banlieues des grandes villes camerounaises oublient progressivement leur enclavement passé. «Plus question, aujourd’hui, de dormir en route à la belle étoile en rentrant d’un voyage. A n’importe quelle heure, j’emprunte une moto qui me ramène chez moi», se réjouit Ousmanou, qui habite Fosset, à quelques kilomètres de Foumban.
Depuis 2000, accéder facilement aux contrées qui ne sont desservies que par des sentiers est désormais possible grâce aux motos. Non que ces engins aient fait leur apparition à cette date, mais ils sont désormais à la portée des petites bourses. Le boom des motos-taxis résulte de l’afflux des deux-roues d’origine chinoise depuis l’ouverture des frontières et la ratification des accords de l’OMC par le Cameroun en 1995. Les restrictions quantitatives à l’importation ont disparu depuis 2001 sur la quasi-totalité des produits industriels, et leur entrée n’est plus soumise qu'à une obligation de déclaration à des fins statistiques.
La chute du dollar y est aussi pour quelque chose: le yuan, la monnaie chinoise, étant arrimé au billet vert, il se trouve de fait sous-évalué ce qui dope les exportations de la Chine. Du coup, les Yamaha, Peugeot, Suzuki, Honda, etc., qui étaient vendues à plus d’un million de francs CFA (2300 francs suisses), ont cédé la place à des marques chinoises, jusqu’à cinq fois meilleur marché.
Usines de montage
L’occasion faisant le larron, le métier de conducteur de moto s’est considérablement développé en ville comme dans les campagnes camerounaises. Aujourd’hui, une vingtaine de motos relient ainsi quotidiennement le village de Fosset à Foumbam, la ville la plus proche. Des motos qui dament le pion aux taxis-brousse, véhicules en piteux état qui desservent habituellement les régions isolées. Elles ont l'avantage de rouler aisément sur les pistes et sentiers, de gravir les collines en toute saison et de déposer les clients à domicile.
Les points de vente de motos se sont multipliés dans toutes les villes du pays tout comme les ateliers de dépannage et de vente de pièces détachées. «Nous sommes à présent installés dans les principales villes de trois provinces du Cameroun et nous comptons nous étendre au reste du pays», dévoile Sombefoung Séraphin Rahim, directeur commercial de la Cocimecam, la plus grande structure locale de montage de motos. Elle en assemble en moyenne vingt-cinq par jour. Des représentants des grandes firmes chinoises ont également construit leurs propres usines de montage au Cameroun, contribuant ainsi à la baisse continue des prix.
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