En effet, on dit Paul Biya très remonté en ce moment par rapport à la situation qui prévaut à Bakassi, un territoire camerounais occupé par le Nigéria, malgré l'arrêt de la cour internationale de la Haye, reconnaissant la souveraineté du Cameroun sur Bakassi.
Moins de six heures d’horloge auront suffi au SG de l’ONU, que l’on sait très impliqué dans le règlement pacifique de l’affaire Bakassi, pour boucler sa courte mission en terre camerounaise. En provenance d’Abuja où il participait au tout premier sommet annuel de l’Union africaine, Kofi Annan serait venu s’entretenir avec Biya dont l’absence à la rencontre entre chefs d’Etats africains au Nigeria a été remarquée. La rencontre entre les deux hommes serait le prolongement de la discussion que le ghanéen de l’ONU a eu au Nigeria avec le président Olusegun Obasanjo au sujet de la presqu’île de Bakassi.
On se souvient que le 10 octobre 2002, la cour internationale de justice de la Haye (Hollande) a rendu un verdict favorable au Cameroun. Hélas, depuis cette date, ses prescriptions ne sont toujours pas appliquées de manière concrète sur le terrain. Malgré la mise sur pied d’une Commission mixte chargée, entre autres, de faire appliquer ce verdict, le Nigeria continue à traîner la patte, jouant du dilatoire pour ne pas libérer le territoire camerounais. Ce qui, selon nos sources, exacerbe la tension dans le périmètre de la presqu’île, que le Secrétaire général de l’Onu souhaite pourtant apaiser au plus vite. En tout cas, toujours selon nos sources, ce dernier aurait obtenu des présidents Biya et Obasanjo “la mobilisation de toutes les énergies” pour y parvenir.
Toutefois, certains observateurs pensent que la rencontre Biya-Annan de Yaoundé aurait été plus efficace, si le président camerounais avait pris la peine d’effectuer le déplacement d’Abuja. "Où Paul Biya et Olusegun Obasanjo auraient alors discuté, en présence de Kofi Annan, des véritables raisons du blocage observé dans la restitution de Bakassi ainsi que de la stratégie à adopter pour faciliter les travaux de la Commission mixte".
Cependant, ce serait faire preuve de myopie ou de mémoire oublieuse quant on sait que depuis le verdict de la Haye, le Cameroun s’est toujours comporté selon les prescriptions de la cour internationale de justice, jouant de la patience pour trouver des pistes d’un règlement amiable de ce qui nous revient de droit. Mais la partie nigériane semble vouloir tirer les choses en longueur, pour gagner du temps dans une affaire où le droit a été dit.
La 13ème réunion de la commission mixte Cameroun-Nigeria chargée de trouver une issue amiable au différend territorial sur la péninsule de Bakassi qui devait se tenir en décembre 2004 à Yaoundé, a été reportée au mois de février, sans que le Cameroun y soit pour quelque chose.
Cette réunion avait été fixée aux 7 et 8 décembre à Yaoundé, selon le communiqué final publié à l’issue de la 12ème réunion, tenue dans la capitale nigériane Abuja les 21 et 22 octobre 2004. Aujourd’hui les discussions entre les deux pays sont au point mort depuis la suspension sine die du retrait des troupes nigérianes de la péninsule de Bakassi, programmé le 15 septembre 2004. A l’issue de la réunion d’Abuja, la commission avait publié un communiqué final prenant acte des “divergences de vues” entre les deux pays et renvoyant la résolution du conflit “aux chefs d’Etat du Cameroun et du Nigeria et au secrétaire général des Nations unies“.
On se souvient des propos parfois inconsidérés de certains éléments de la partie nigériane comme celle de décembre dernier où une source affirmait que “la seule option ouverte au Nigeria afin de maintenir la péninsule contestée, riche en pétrole de Bakassi est de faire la guerre avec le Cameroun, a indiqué avant-hier le gouvernement fédéral. Mais le bureau de l’Attorney-General de la Fédération (ministre de la Justice, ndlr) qui a fait connaître cette position hier à la Haute cour de justice fédérale siégeant à Abuja a dit que la guerre, pour l’instant, était un luxe pour lequel le Nigeria n’était absolument pas préparé".
Cette position du gouvernement fédéral est exprimée dans son mémoire qui explique pourquoi la Haute cour devrait écarter, dans sa totalité, le procès intenté par le chef Supérieur du royaume de Bakassi, Etiyin Etim Okon Edet et trois autres, pour empêcher le gouvernement fédéral de remettre la péninsule à la République du Cameroun. En outre, le gouvernement fédéral a également indiqué à la Cour que la demande des plaignants d’arrêter le processus de cession de la péninsule riche en pétrole est une invitation à la Cour à se prononcer en appel au jugement de la Cour internationale de justice qui a indiqué en son temps que le Cameroun est le propriétaire des terres, mais que les Nigérians pouvaient continuer à y vivre. La portion concédée au Nigeria dans la région du Lac Tchad a été déjà cédée par le Cameroun. Le jugement a indiqué que la terre a toujours appartenu au Cameroun bien que les Nigérians vivent là. Le représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies en Afrique de l'Ouest, président de la Commission mixte Cameroun / Nigeria, Ahmedou Ould Abdallah déclarait il y a peu ce que tout le monde sait, en l'occurrence qu’il faut privilégier la paix et ce n’est pas un vain mot. C’est la position dominante du Cameroun et de son président.
Aujourd’hui, force est de constater que nous sommes effectivement dans une situation où le dossier n’avance pas dans l’exécution de l’arrêt de la Cour malgré le fait que la souveraineté du Cameroun sur Bakassi ne saurait être remise en cause. C’est du coté Nigérian que le bât blesse. Ils évoquent des modalités, des problèmes de populations, des problèmes internes que le Nigeria veut gérer avant tout. Jusqu’à quand ?
A Abuja, de toute évidence, l’on ne semble pas pressé. Mais Koffi Annan sera t-il toujours là pour souffler sur la blessure camerounaise?
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