On la croyait pourtant révolue, l’ère des tortures physiques dans les commissariats et brigades de gendarmerie du Cameroun. Que non ! Preuve, depuis quelques jours, le service de réanimation de l’hôpital Laquintinie compte parmi ses pensionnaires, M. Moutombi Emmanuel, l’ex-chef d’agence de la coopérative de crédit et épargne pour le financement du commerce et de l’industrie du Cameroun (Cecic), un établissement de la micro finance. Couché dans son lit, M. Moutombi a de la peine à voiler la douleur qui le tenaille. Le diagnostic de son médecin traitant laisse perplexe : Poly traumatisme avec contusions multiples, hématurie (présence du sang dans les urines) plaques de brûlures sur la plante des pieds, hématomes et ecchymoses des fesses, pieds et organes génitaux, douleurs pelviennes…Sans pudeur aucune, les proches de la victime n’hésitent même pas à le déculotter pour mieux exposer ses blessures. “ Regardez par vous-même jusqu’où peut aller la barbarie policière dans notre pays. Il est inacceptable que la gendarmerie puisse extorquer des aveux à un suspect en le tabassant et même en lui brûlant ses parties intimes. Trop c’est trop, nous n’allons pas laisser cet acte impuni. Une action en justice va être intentée à l’encontre des responsables des deux brigades de gendarmerie ”, affirme tout en colère un frère de la victime.
Les deux unités de gendarmerie incriminées sont la brigade de gendarmerie d’Akwa-Nord, et celle de Bonanjo dans lesquelles a séjourné pendant près d’une semaine Moutombi Emmanuel, un des suspects dans une affaire de détournement de 13 millions de fcfa à la Cecic. La victime, très mal en point (état convulsif et trouble de conscience) est incapable de raconter sa mésaventure dans les deux unités de gendarmerie. Seule son épouse soutient avoir assisté à une scène de torture à la brigade d’Akwa-Nord “ Les gendarmes de la brigade d’Akwa-Nord l’ont humilié devant moi. Ils l’ont copieusement tabassé en ma présence. C’était horrible à voir et, surtout à entendre mon mari crier comme un enfant ”, déclare son épouse.
Transfert
Selon les proches de M. Moutombi, les malheurs de celui-ci ont débuté le 17 janvier dernier, lorsqu’il se retrouve mêlé dans une affaire de détournement de la rondelette somme de 13 millions de Fcfa dans le coffre fort de la Cecic, une coopérative d’épargne et de crédit à Douala dont il était par ailleurs le chef d’agence. Il sera interpellé de même que son caissier principal. Seuls les deux responsables détenaient les clefs du coffre fort. Les deux suspects auxquels se seraient joints trois autres individus seront d’abord gardés dans les cellules de la brigade de recherche de Bonanjo, avant d’être transférés à la brigade de gendarmerie d’Akwa Nord. Selon les proches de la famille Moutombi, c’est dans cette dernière unité que l’ex-chef d’agence de la Cecic aurait subi la fougue de ses tortionnaires pour qu’il avoue le délit de détournement des 13 millions. C’est au moment de son déferrement pour le parquet, et voyant l’état critique dans lequel se trouvait le suspect que le procureur de la République en charge du dossier a demandé qu’il soit transporté dans un centre hospitalier.
A la gendarmerie d’Akwa-Nord tout comme à la brigade de recherche de Bonanjo, aucun gendarme n’a voulu s’exprimer ouvertement sur le sujet en “ l’absence du commandant ”. Toutefois un gendarme présent à Bonandjo au moment du transfert déclare sous anonymat : “ Au moment où ce type partait de notre cellule, il n’avait pas de problème. On ne sait pas ce qui s’est passé par la suite. S’il y a eu problème, allez vous renseigner chez les responsables de la brigade dans laquelle il a été transféré… ”. Sur les raisons de son transfert, l’interlocuteur ne donne aucune explication convaincante.
Plusieurs zones d’ombre subsistent dans ce cas flagrant de violation des droits de l’homme. Et seuls les éclaircissements des principaux responsables concernés par cette affaire ( les responsables des deux unités de gendarmerie incriminées, le directeur général de la Cecic) pourront édifier les défenseurs des droits de l’Homme.
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