Réagissant aux informations sur la situation sociale dans certaines entreprises française installées au Cameroun, un haut responsable de la filiale camerounaise de Delmas confirme, certes indirectement, que cette société citée par Le Messager, avec Cfao-Cameroun comme mettant actuellement à la retraite de contingents importants d’employés camerounais, a effectivement entrepris depuis quelque temps de se séparer de certains de ses employés “africains”. Même si ce haut responsable s’est gardé d’indiquer le nombre de personnes concernées et l’incidence financière globale de ces départs qu’il qualifie de “volontaires”, il a affirmé qu’ils constituent plutôt une très bonne affaire pour les intéressés. “Nous essayons de les faire partir dans les meilleures conditions possibles. Nous avons par exemple accordé 150 millions de Fcfa à un de nos cadres qui s’est installé à son propre compte. De plus nous lui avons facilité l’ouverture d’une ligne d’affaires dans la région du Proche-Orient ”, a-t-il révélé.
S’agissant de l’information du Messager sur le récent séjour à Douala d’un dirigeant hexagonal de Delmas, il a réfuté la thèse du Messager qui y voyait un lien avec le projet de restructuration de la filiale qui serait à l’origine des quelque 200 départs annoncés par nos sources. “ On est en fin d’exercice budgétaire. Le dirigeant du siège qui a effectivement séjourné au Cameroun y était pour la préparation du budget 2005 qui doit entrer en vigueur dès janvier prochain ” a confié au Messager ce haut responsable de Delmas Cameroun.
Mais qui a donc dit que préparer un budget exclut la mise en œuvre d’un plan de réduction des charges, notamment celles du personnel ?
Toujours est-il que de manière sibylline, ce haut responsable de Delmas veut laisser entendre que cette entité camerounaise du groupe Bolloré ne jette pas les cadres africains dans la rue comme certains de ses pairs locaux. Il ne s’est pourtant pas étendu sur la constance relevée par Le Messager, sur la priorité accordée aux Africains lors des “départs”, volontaires ou non, alors même que les charges occasionnées à l’entreprise par leur présence ne représenteraient pas grand-chose par rapport au traitement des cadres et agents européens.
Disparités sociales criardes
Selon les sources syndicales en effet, les employés européens, tous grades et cadres et confondus, contrairement à leurs collègues africains, ont droit à de nombreux avantages supportés par l’entreprise. Il en va ainsi des logements dans les quartiers huppés des grandes métropoles Bonapriso à Douala et Bastos à Yaoundé. Le loyer mensuel oscille entre 600.000 et 1 million de Fcfa ; du crédit auto ; un hôtel particulier ; deux voyages annuels pour toute la famille (y compris enfants et chiens) en métropole (France) en business class ; un remboursement des frais médicaux des membres de la famille des travailleurs expatriés ; la scolarité des enfants dans les écoles et collèges français de Douala (Dominique Savio) et Yaoundé (Fustel de Coulanges) ; etc. Ces avantages qui sont autant de charges pour des entreprises qui préfèrent tailler dans le pauvre personnel africain lorsqu’il leur vient de vouloir réduire les charges, s’ajoutent à des salaires mensuels mirobolants. On les situe entre 4 millions et plus de dix millions de Fcfa selon la fonction occupée, rarement compatible avec la qualification universitaire ou professionnelle. Selon les calculs des syndicats, que refusent de voir les Inspecteurs de travail camerounais, un cadre expatrié moyen coûterait mensuellement entre 80 et 100 millions à l’entreprise, contre moins de moins de 10 millions pour le cadre camerounais moyen.
Ce traitement princier des expatriés n’est pas exclusif à Delmas. Selon des sources syndicales, que ce soit à Cfao, à Orange-Cameroun, la filiale locale de France Télécom; Utc ; Crédit lyonnais du Cameroun; Société générale de Banque du Cameroun; Agf Assurances; Axa Assurances; Bicec; Getma ; Camrail ; Air France ; bref toutes les filiales africaines de groupes occidentaux en général et français en particulier, l’attribution des avantages serait, selon les syndicats des travailleurs, généralement fonction, non de la compétence de l’employé, mais de la couleur de la peau.
On comprend mieux pourquoi l’Ambassadeur de France s’est cru obligé de rassurer ce petit monde lors de la réception offerte au Consulat de France mardi dernier. Car, en cette période de révolte des patriotes ivoiriens contre la domination française, de telles disparités alimentent sans doute un sentiment anti-français diffus, du moins dans les milieux des cadres africains desdites multinationales. Beaucoup d’entre eux, affirment en effet, en cette ère de mondialisation, supporter de moins en moins ce traitement à double vitesse vécue comme une injustice criarde. C’est pourquoi, pour la plupart, ils ont de plus en plus de la sympathie pour les patriotes du président ivoirien Laurent Gbagbo qui défient la troupe française à Abidjan.
Source: Le Messager
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