A quelques centimètres de ces roues, on a retrouvé, emmitouflé dans une serviette qui fut jadis blanche, un nourrisson de trois mois. C’est à ce moment là que les uns et les autres ont commencé à se rappeler avoir entendu des pleurs de bébé. Mais pas suffisamment forts pour attirer l’attention. Abou Maïgari, gardien de du garage et du dépôt de sable, raconte "Vers six du matin, il y a une personne qui s’est dirigée vers cette zone du quartier, avec un sac en plastique.
Je ne peux pas dire exactement si c’était une femme ou un homme parce que cette personne portait une djellaba noire avec capuche Elle s’est courbée un moment et a vidé son sac.
Puis, après quelques moments d’hésitation, elle est repartie avec le sac vide. Je n’ai pas prêté attention parce que les gens jettent régulièrement des ordures à cet endroit, mais je ne lui ai jamais imaginé qu’on puisse y abandonner une bébé". Vêtue d’un bonnet rose, une brassière, un short bleu et des chaussons blancs, le nourrisson portait un bracelet, fait avec du fil noir, sur lequel était inscris un prénom : Fleurette.
La petite était totalement déshydratée. Le visage, les paupières et les petites joues fragiles brûlés par le soleil dardant qui sévit ces derniers temps à Douala. "Au départ, on a cru qu’elle était morte. Quand on a déroulé la serviette, elle ne bougeait pas. Mais quand j’ai exercé une légère pression sur son pied, elle a émis un gémissement très faible et fatigué. Mes collègues et moi l’avions aussitôt conduite à l’orphelinat du quartier", explique André Kuisseu, gérant du garage Moyo.
A l’orphelinat Cœur d’or, on s’est occupé de Fleurette en lui posant des compresses tremplées dans une recette que les religieuses n’ont pas voulu dévoiler mais qui a semblé faire beaucoup de bien au nourrisson puis qu’elle a ouvert ses paupières, découvrant de magnifique petits yeux noir en amande. Puis, elle a remué sa petite bouche aux lèvres roses, malheureusement sèches et craquelées, comme à la recherche d’une mamelle nourricière.
Cependant le calvaire de Fleurette n’était pas finie. "Nous avons passé des heures à la gendarmerie pour obtenir le certificat permettant d’accueillir le bébé dans notre orphelinat.
Le responsable des affaires sociales a demandé qu’on attende le retour du commandant. Les pleurs du nourrisson et mes explications, sur l’urgence des soins à donner rapidement à ce bébé exposée au soleil pendant plus de cinq heures, n’ont pas suffi.
C’est finalement devant sa respiration saccadée que ce responsable est allé voir l’adjoint au commandant. Des comportements ignobles qui privilégient la paperasse de l’administration à la vie humaine. Nous sommes parti de là à 17h30mn. Malgré son mauvais état, elle s’en sortira", confie la sœur intendante de l’orphelinat.
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