Moins de vingt-quatre heures après la clôture des bureaux de vote, les deux principaux partis de l'opposition camerounaise ont remis en cause mardi la régularité du scrutin présidentiel, dont les premiers résultats partiels donnent le chef de l'Etat Paul Biya largement gagnant.
Prétextant de nombreux cas de fraude, le Social Democratic Front (SDF) de John Fru Ndi et l'Union démocratique camerounaise (UDC) d'Adamou Ndam Njoya, les deux grands rivaux de M. Biya, ont annoncé leur intention de déposer devant la justice un recours en annulation du scrutin.
"Le SDF va demander à la cour constitutionnelle d'annuler cette élection, qui a été très mal organisée et a donné lieu à des fraudes grossières", a déclaré à la presse le secrétaire général du parti, Michel Tazoacha Asongany.
"Cette élection est une mascarade", a de son côté indiqué à l'AFP le président de l'UDC et candidat de la Coalition de l'opposition, Adamou Ndam Njoya. "Nous sommes en train de réunir tous les éléments pour porter l'affaire devant la justice, en espérant qu'elle fasse son travail", a-t-il ajouté.
Sollicité par l'AFP, le ministère de la Communication s'est refusé à commenter ces "allégations", renvoyant à un point de presse du ministre de l'Administration territoriale, Marafa Hamidou Yaya, annoncé mardi à 17h00 locales (16h00 GMT).
Lundi soir, une heure après la fin du scrutin, le ministre avait déclaré n'avoir été informé d'"aucun incident de nature à remettre en cause la sincérité, la transparence et la liberté" du vote.
A l'appui de leurs accusations, le SDF et l'UDC ont cité mardi de nombreux exemples d'irrégularités recensées par leurs militants et susceptibles, selon eux, de remettre en cause la sincérité de l'élection.
"Dans certains bureaux, nos militants ont constaté que vers 16h00 lundi, on a distribué aux militants du RDPC (Rassemblement démocratique du peuple camerounais, au pouvoir) les cartes d'électeurs qui n'avaient pas été utilisées et ils ont voté", a accusé le secrétaire général du SDF.
"A Garoua (nord du pays), des bus ont été affrêtés pour transporter des électeurs vers les bureaux de vote", a pour sa part dénoncé le président de l'UDC. "Ailleurs, on a empêché de vrais électeurs de voter et on a exclu des scrutateurs de l'UDC. Le candidat Biya sera élu sur la base de la fraude", a regretté Adamou Ndam Njoya.
Les deux partis ont également sévèrement critiqué les résultats très partiels communiqués dans la nuit de lundi à mardi par M. Hamidou Yaya, qui donnaient Paul Biya gagnant dans neuf des dix provinces du pays.
"Les résultats annoncés par le ministre dans la nuit sont faux", a assuré Adamou Ndam Njoya. "Les tendances dont le ministre a parlé relèvent de la manipulation", a lui jugé le secrétaire général du SDF.
Si aucun incident majeur n'a été signalé lundi, de multiples problèmes d'organisation ont été recensés dans les bureaux de vote, selon les témoignages recueillis par l'AFP. De nombreux électeurs qui affirmaient s'être inscrits se sont notamment plaints de ne pas avoir reçu leur carte ou de ne pas trouver leur nom sur les listes.
"Nous avons noté pas mal d'irrégularités", a confirmé mardi à l'AFP Dupleix Kuenzob, responsable du Service oecuménique pour la paix, qui a délégué lundi 192 observateurs dans les 20.600 bureaux de vote de ce pays d'Afrique centrale. "Des personnes ont voté plusieurs fois, d'autres avec des cartes qui n'étaient pas à elles", a-t-il ajouté, jugeant toutefois "prématurée" toute appréciation générale sur la sincérité du scrutin.
Une mission d'observation américaine constituée de huit anciens membres du Congrès a elle estimé mardi, par la voix de son chef Greg Laughlin, que le scrutin du 11 octobre avait été conduit "de façon honnête".
Par AFP
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