Finalement signées du président national du parti, candidat à sa propre succession à la tête de l'Etat. Des plumes qui se déclinent sous la forme d'éléments visibles et invisibles, à la lecture des divers textes signés, et qui marquent déjà, de manière évidente, la défaite du "camp" du secrétaire général du comité central du Rdpc, superman à une époque pas très lointaine, et réduit à l'occasion de l'actuelle campagne électorale, à un rôle de lampiste. D'abord les éléments visibles: les textes du président national. Par numéro de série et ordre d'importance, le premier est une décision portant désignation de Peter Mafany Musongè comme "représentant personnel du candidat du parti au sein du comité national de campagne".
Comme lors de la présidentielle de 1997, et comme déjà Simon Achidi Achu en 1992, le Premier ministre sera donc le directeur de campagne du candidat, et fera les meeting à sa place, dans les provinces où ce dernier ne pourra être présent. Deuxième texte, toujours dans l'ordre, une décision nommant 13 membres et 9 secrétaires techniques à la Commission nationale de coordination de la campagne électorale. "Le coeur de la stratégie de campagne du parti, où seront préparés les discours du candidat", assure un cadre du parti, peu envieux de dévoiler son identité par ces temps de chasse aux sorcières. Les poids lourds du parti y sont présents: Cavaye Yeguié Djibril, Mafany Musongè, Achidi Achu. Mais point de Joseph Charles Doumba.
Et puis, il y a le troisième texte, qui désigne les membres de la Commission centrale de supervision de l'élection présidentielle et qui, "vu les textes de base du parti, est présidée par le secrétaire général du comité central du Rdpc". Animée principalement par 25 membres issus du bureau politique, du comité central, des bureaux nationaux Ofrdpc et Ojrdpc et de diverses personnalités, elle reprend, pour l'ensemble, tous les autres cadres du parti, dont les noms se retrouveront dans les autres commissions et sous-commissions. Elle est supposée être le poumon de campagne puisqu'elle "assure la coordination, l'animation, l'évaluation ainsi que le suivi de toutes les actions concourant à la victoire du Rdpc", selon les termes d'une circulaire signée le même jour du président national.
Dix minutes
Et c'est dans ce cadre que Joseph Charles Doumba, les traits un peu tirés et la mine défaite, a présidé vendredi dernier, au lendemain de la publication des textes, une réunion préparatoire au lancement de la campagne. Un conclave qui durera moins de dix minutes. A peine le temps de féliciter les uns et les autres, de leur demander de concourir, individuellement et par groupes, à la victoire finale du parti, et de demander aux responsables de venir chercher, lundi, ce matin, les moyens de campagne qui seront disponibles. Pas de questions. Le Sg se retirera aussitôt, pour son domicile qu'il n'a plus quitté depuis que le pouvoir du contrôle des listes lui a échappé. "Le secrétaire général du comité central n'a pas été mis à l'écart. Comme vous pouvez le constater en lisant les listes. Il est le président de la Commission centrale de supervision. Joseph Charles Doumba peut donc aller où il veut." Le propos est de Grégoire Owona, secrétaire général adjoint du Rdpc, présent dans presque toutes les structures créées par le président national, et dont on dira difficilement qu'il est un allié du Sg.
Un propos qui indique cependant l'étendue du malaise au sein de cette formation politique où l'on indiquait déjà, la semaine dernière, que le pouvoir avait déserté le siège du parti pour se loger à la présidence de la République, où le chef de l'Etat a récupéré tous les dossiers sensibles liés à cette campagne. Les listes publiées au terme d'une lancinante attente auraient-elles fait l'objet de tripatouillages? Les avis sont partagés, même s’ils s'accordent sur une chose: Joseph Charles Doumba ne se reconnaît pas dans les listes signées par le président Biya, où plusieurs de ses proches ont été écartés et remplacés, parfois avec des erreurs grossières, en y introduisant des noms de militants déjà décédés. Deux exemples pour illustrer: le maire d'Atok, décédé depuis longtemps, fait partie d'une équipe départementale de campagne alors que Christophe Mien Zok, réputé proche de Doumba, et directeur des organes de presse et d'édition (Dope) du Rdpc se retrouve, par son titre et non par son nom, comme secrétaire de la sous-commission de la communication, et comme vice-président à la commission communale d'Angossas dont il est le maire.
Il est clair, pour qui suit l'actualité au sein de cette formation politique, qu'en confiant par exemple la responsabilité de la commission provinciale d'appui et de suivi de l'Est à Philémon Adjibolo (président) et à Charles Salé (l'un des vice-présidents), Paul Biya a choisi d'infliger un camouflet à son principal collaborateur dont il sait pertinemment qu'ils ne font pas bon ménage. L'illustration a été choisie pour la province d'origine du Sg Rdpc, mais il y a des cas similaires dans les autres commissions. Les choses avaient-elles dont été décidées avant même que les textes du président national ne viennent les consacrer? Cela est fort possible, puisqu'il se dit, avec insistance que non seulement ses propositions n'ont pas été validées, mais en plus, des informations et des étapes essentielles de cette campagne ont échappé à son contrôle.
Par exemple, le matériel et le visuel de campagne ont été conçus, réalisés, réceptionnés et livrés au cabinet civil de la présidence de la République, puis dispatché sur l'ensemble des 10 provinces à son insu, lui qui ne l'a appris que sur un appel de l'un de ses collaborateurs à Douala, qui venait de voir les premières affiches. Idem pour les dépenses liées à certaines opérations internes, comme l'impression des professions de foi du candidat, dont le marché a été confié à l'Imprimerie Saint Paul par le trésorier général adjoint, Hamadjoda Adjoudji qui a signé le chèque correspondant sans l'aval de l'ordonnateur délégué des crédits qu'est le Sg, mais apparemment sur instruction du président national en personne.
La campagne du Rdpc commence véritablement aujourd'hui. Au moment où l'étau se resserre chaque jour davantage sur Joseph Charles Doumba, inexorablement poussé vers la sortie, avant même le verdict du 11 octobre et la recomposition du "gâteau national".
Chasse aux sorcières...
Dans l'édition spéciale de l'Action, qui aura certainement battu tous les records de vente au moment où le journal du parti annonce son passage expérimental au quotidien pendant cette période de campagne électorale, l'exceptionnelle mobilisation des responsables, cadres et fonctionnaires de notre administration frappe aux yeux. Le scénario des années précédentes s'est reproduit. Les frais de missions en moins pour plusieurs administrations (pas toutes!), qui seront cependant compensées par un important budget de campagne. Mais les responsables du Rdpc, qui ont donc ratissé aussi large, ont trouvé le moyen de ne pas retenir quelques militants pourtant connus. Il n'est point question ici de revenir sur Mila Assouté, dont les revendications modernistes ont fait frissonner les apparatchiks du parti mais qui, en annonçant sa propre candidature sous la bannière d'un autre parti, s'est pratiquement auto-exclut.
Ni même sur les autres modernistes, comme Albert Mbida, dont on cherche déséspéremment le nom, aussi bien dans les délégations du Nyong et Mfoumou que dans la sous-commission de Communication. La grosse perle de cette liste est l'absence de... Edouard Akame Mfoumou, membre titulaire du comité central du Rdpc et actuel président du conseil d'administration de la Camair, nommé par décret du président de la République début novembre 2003. Qu'est-ce qui peut expliquer un tel oubli? Doit-on rattacher ce qu'on peut déjà considérer comme ses déboires, à toute l'actualité récente liée à sa vraie-fausse intention de se présenter à cette élection présidentielle sous la bannière des partis de la Coalition?
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