La décision du Social Democratic Front (SDF) de présenter son propre candidat au scrutin présidentiel d'octobre menace de faire voler en éclats la Coalition de l'opposition camerounaise et de réduire d'autant ses chances de victoire face au président Paul Biya...
Jusque-là, les principaux partis d'opposition du pays, le SDF de John Fru Ndi et l'Union démocratique camerounaise (UDC) en tête, avaient clairement affiché leur volonté de tirer, enfin, les leçons de leurs échecs électoraux passés.
Lancée en mars dernier à Douala, leur Coalition de l'opposition pour la réconciliation et la reconstruction (CRRN) s'était même fixée pour principal objectif de présenter un candidat unique face au chef de l'Etat sortant, condition sine qua non de succès dans une élection présidentielle limitée à un seul tour de scrutin.
Mais ce front commun n'a pas résisté aux ambitions personnelles et aux querelles entre la dizaine de ses partis membres. Et après un long comité exécutif de son parti ce week-end, John Fru Ndi a annoncé lundi à Bamendakm au nord-ouest de Yaoundé) que le SDF tiendrait le 11 septembre un congrès extraordinaire pour choisir "son" propre candidat.
Les réactions des partenaires du SDF au sein de la CRRN n'ont pas traîné. "Le SDF s'excite pour rien. Personne dans la Coalition de l'opposition ne peut aller aux élections tout seul", a assuré le responsable de la communication à la CRRN, Théophile Yimgaing Moyo, "mais si cette forme de retrait se confirme, nous allons en prendre acte".
"La Coalition ne se réduit pas à un parti politique, quel que soit son importance", a pour sa part estimé Marcel Yondo, président du Mouvement pour la libération et le développement du Cameroun (MLDC). "En cas de défection de John Fru Ndi, nous poursuivrons notre parcours. Même pendant la +Longue marche+ de Mao en Chine, il y avait des défections en cours de route", a relevé M. Yondo.
Malgré l'annonce de son président, le SDF, premier parti d'opposition au Parlement avec 22 sièges sur 180, n'a pas officiellement renoncé à l'objectif d'une candidature unique.
"Le candidat choisi par le SDF devra se rapprocher de la Coalition pour arrêter les modalités pratiques de la collaboration", a précisé dès lundi à l'AFP le secrétaire général adjoint du SDF, Pierre Mouafo.
Mais l'argument n'a guère fait illusion. Car même si les récentes manifestations organisées par la Coalition pour obtenir l'informatisation des listes électorales, puis dénoncer le meurtre d'un de ses militants à Bamenda, avaient tant bien que mal maintenu une façade d'unité, les premières lézardes étaient déjà apparues au grand jour.
Lors de la tournée de la Coalition dans l'ouest du pays, le mois dernier, la multiplication de pancartes "John Fru Ndi, le candidat unique!" avait sérieusement irrité les autres partis.
Peu de temps après, l'inscription d'un impératif de bilinguisme (français, anglais) dans le cahier des charges du futur candidat unique avait été considéré comme une déclaration de guerre par le SDF dont le président John Fru Ndi ne parle que l'anglais.
Déjà battu en brèche par les candidatures de Djeukam Tchameni (Mouvement pour la démocratie et l'interdépendance, MDI), Hameni Bieleu (Union des forces démocratiques du Cameroun, UFDC) et de l'écologiste Fritz Pierre Ngose - dont les partis n'appartiennent pas à la CRRN - le front uni de l'opposition risque de définitivement s'effondrer le 11 septembre avec la probable désignation de John Fru Ndi.
De l'avis des observateurs, cette division constitue certainement la meilleure chance de réélection de Paul Biya, qui, à 71 ans, devrait très probablement être candidat à sa propre succession, même s'il n'a toujours pas annoncé ses intentions.
Par Afp
|