Ce n’est pas seulement le fait d’être logée au pied du mont Cameroun qui fait de Buéa une ville tout à fait particulière. C’est aussi le seul chef-lieu de province au Cameroun, à être réduit au rang de simple arrondissement, dans le département du Fako auquel elle appartient. Dominant de toute son altitude les villes de Limbé et de Douala situées au niveau de la mer, Buéa intrigue aussi par son calme relatif, dès que l’on foule le sol à " mile 17 ". Ce quartier abrite depuis quelques années, la gare routière où s’activent les voyageurs en partance ou en provenance d’autres villes du pays. Si les cris des "chargeurs " à la quête des passagers viennent se mêler au bruit des moteurs, les mouvements vertigineux auxquels se livrent d’ordinaire les " ben Skin " dans d’autres villes et villages du triangle national, étonnent par leur absence à cet endroit. Seules les voitures jaunes procèdent au transport urbain, à travers les rues de la capitale de la province du Sud-Ouest. Contrairement à ce qui est observé ailleurs, notamment dans les villes de Douala, Nkongsamba, Limbé, Kribi, Bafoussam, Yaoundé et autres, où les moto taxis semblent avoir sérieusement diminué la part de marché qui revenait aux taxis et autobus dans le cadre du transport des passagers à l’intérieur de la ville.
Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé d’introduire, comme ailleurs, le " ben Skin " comme moyen de locomotion des populations du pied du mont Cameroun. " Avant même que la ville ne soit de nouveau bitumée, certaines personnes avaient commencé à faire le transport dans la ville avec les motos. Les voitures éprouvaient beaucoup de peines à circuler, tant les routes étaient mauvaises, et certains quartiers ne pouvaient plus être desservis ", explique Peter Tayong, qui pense aussi que le relief montagneux qui caractérise l’ancienne capitale du Kamerun Allemand s’est vite montré hostile à ce mode de transport. Les motos mises en circulation, et qui étaient pourtant neuves pour bon nombre d’entre elles, présentaient des signes de " fatigue ", après avoir couvert deux ou trois fois la distance qui sépare " mile 17 " de Buéa Town, un quartier situé au sommet de la ville Une distance d’environ 10 Km, qui soumettait les engins à une ascension sans répit. " Les moteurs lâchaient tout simplement, et il fallait repartir au garage. Cela n’a pas encouragé les gens à continuer cette activité et tout s’est vite arrêté ", ajoute-t-il. En tout cas, l’activité de " Ben Skin " ne s’est pas montrée lucrative dans la ville, et n’a donc pas attiré les investisseurs.
Les populations n’en éprouvent, pour autant, pas un quelconque manque, puisque les voitures jaunes jouent bien leur rôle, aidées en cela par l’état presque impeccable de certaines voies de circulation. Elles assurent le transport urbain, et parfois au prix de 100 F Cfa pour les petites distances. Un prix qui s’est imposé de manière tacite, sauf pour " les étrangers ignorants " qui déboursent 150 F Cfa. Les taxis ne manquent pas de quitter la grande route récemment baptisée " Avenue Paul Biya ", et qui est la principale rue de la ville, pour emprunter des artères secondaires qui desservent les quartiers. La grande boucle qui part du stade de Moliko, jusqu’à Buéa Town, en passant par Bokova. Mais d’autres raisons liées aux nombreux cas d’accidents survenus ailleurs font que l’on ne regrette pas totalement l’absence des " Ben Skin ". " J’ai encore une grande cicatrice sur la jambe gauche, après la chute que j’ai eue sur une moto taxi lors d’un séjour à Douala. Honnêtement, si c’était ici à Buéa où le sol est essentiellement rocailleux, cela aurait pu être pire ", témoigne Jacob Wemdjé. Une mésaventure que bien d’autres n’aimeraient pas vivre sur les pentes raides de la cité coloniale, Buéa.
Source: Quotidien Mutations
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