Le représentant du Cameroun en natation aux Jo raconte les conditions de sa préparation. Il affirme qu'il sera très difficile pour lui d'aller chercher une médaille, étant donné les conditions désastreuses...
Par Lazare Kolyang, Quotidien Mutations
Comment vous êtes-vous qualifié pour les Jeux Olympiques?
J'ai été qualifié lors des championnats du monde de natation qui se sont déroulés à Barcelone en Espagne en 2003, en arrivant 2e dans l'une des séries de sélection des finalistes du 50 mètres nage libre. Il faut souligner que c'est une compétition organisée par la Fédération internationale de natation amateur (Fina).
Pourquoi la Fédération camerounaise de Natation (Fecanat) ne s'est pas impliquée dans ces qualifications?
Pour une raison simple : aucune piscine camerounaise n'est aux normes olympiques et donc aucune qualification, aucun record et aucun temps ne peut être homologué au Cameroun sur le plan international. En natation, le Cameroun vivra en vase clos tant que nous n'aurons pas de piscine aux normes internationales. Je vous rappelle qu'il y en a huit en Côte d'Ivoire...
Comment s'est déroulée votre préparation pour ces Jeux Olympiques ?
Actuellement, je m'entraîne à Montbrison dans la Loire et à Paris à la piscine du Forum des Halles, des piscines ouvertes au public, sans entraîneur professionnel et sans ligne d'eau pour me séparer du public, c'est à dire dans des conditions désastreuses. Le Club 92 de Courbevoie où je pouvais m'entraîner de façon correcte a fermé ses portes pour cause des travaux pendant les vacances. Je suis donc contraint de m'entraîner dans des piscines ouvertes au public avec tous les problèmes que vous pouvez imaginer. La Fecanat n'a même pas sollicité un stage d'entraînement de natation pour moi auprès du Minjes. Le Sénégal a envoyé ses nageurs en stage pendant deux mois en Europe avant les Jeux. L'Afrique du Sud a mis ses nageurs au vert au début de l'année pendant trois mois et les a envoyés en stage intensif en Europe tout de suite après les championnats d'Afrique en Mai 2004. Je ne reçois aucun subside, ni de la fédération, ni du ministère. Pour les prochains championnats du monde aux Etats-Unis en octobre prochain, le Minjes a informé la Fecanat qu'il n'a prévu aucun budget.
Ce qui vous arrive aujourd'hui est-il la continuité de votre quotidien en natation ?
Je fais comme tous les Camerounais qui pratiquent des sports autres que le football : je me bats, et j'ai autour de moi quelques personnes et parfois des sociétés qui m'apportent une aide matérielle très insuffisante. C'est essentiellement mon père adoptif qui, depuis maintenant quatorze ans, m'a toujours soutenu, tant moralement que financièrement, pour me permettre de progresser. Il m'a envoyé en entraînement depuis le début de l'année à deux reprises en Afrique du Sud et m'a permis de participer aux championnats d'Afrique de natation 2004 à Casablanca au Maroc. Je suis seul à faire face à tous les problèmes. C'est souvent difficile de trouver des piscines qui acceptent de voir des nageurs non affiliés à leur club s'entraîner dans leur établissement. J'ai reçu des conseils de la part d'un entraîneur indépendant, mais il est loin de moi et bien sûr le Cameroun ne dispose jusqu'ici d'aucun entraîneur qualifié sur le plan international. C'est vous dire que mon entraînement est vraiment une galère quotidienne. Mais je tiens le coup.
Avez-vous sollicité l'aide de la Fecanat pour cette préparation ?
Bien sûr, mais la réponse est toujours la même : la fédération n'a pas d'argent et le ministère de la Jeunesse et des Sports n'a pas de budget pour la natation.
Avez-vous le sentiment que la natation n'est pas prise au sérieux par nos responsables sportifs ?
C'est évident. On a parlé d'un ministre du football. Mais ce n'est pas un problème de personne : c'est un problème de structures. Tant qu'il y aura un directeur des Sports en charge à la fois des sports d'équipe (et donc du football) et des sports individuels, il n'y aura aucun développement réel des sports individuels au Cameroun, car les problèmes sont totalement différents et ne peuvent être approchés de la même manière. Partant, ils ne peuvent pas être placés sous la direction d'une seule et même personne. Sinon, on aboutit à tous les échelons à une direction qui s'occupe à 95 % de football et un petit peu du reste.
Le Minjes vous est-il déjà venu un jour en aide dans votre parcours ?
Jamais. La seule aide morale et matérielle que j'ai reçue est venue de ma famille et de quelques sponsors que mon père a su convaincre. J'ai également été très soutenu par la Fédération internationale de natation amateur (Fina) sur le plan moral et même sur le plan matériel. J'ai toujours été invité aux championnats du monde chaque année par la Fina qui envoyait des billets d'avion pour les officiels et moi. Malheureusement mon billet envoyé l'année dernière par la Fina pour les championnats du Monde de Barcelone a disparu dans les "dossiers" au Cameroun et j'ai dû payer moi-même mon billet d'avion pour Barcelone et cet argent ne m'a jamais été remboursé. Sans cela, je n'aurai jamais pu être qualifié pour les Jeux olympiques.
Quelles sont, selon vous, vos chances pour une médaille olympique ?
Très, très faibles. Je suis engagé dans la compétition la plus prestigieuse et la plus difficile : le 50 mètres nage libre messieurs. Compte tenu des difficultés de préparation que j'ai vécues, il faudrait un miracle pour que j'accède à un podium. Mais j'espère que mes efforts serviront de leçon pour l'avenir et que de jeunes espoirs porteront plus loin que moi la natation du Cameroun.