La présidence s’active en ce moment. En secret. Pour une tournée nationale d’un chef de l’Etat.
Selon des sources proches de la présidence de la République, Paul Biya pourrait effectuer une grande tournée nationale d’ici la fin du mois d’août 2004. Il s’agira en fait d’un passage dans les provinces, pour remercier le peuple des quatre coins du Cameroun pour sa “ maturité affichée pendant les velléités malveillantes d’une rumeur qui cachait bien de desseins de déstabilisation contre le Cameroun et son président ”, selon les propos du proche d’Etoudi et de Mvomeka’a. Au cours des préparatifs de cette tournée qui battent leur plein sous le sceau du secret dans les allées du pouvoir – la nouvelle n’étant pas encore entièrement dévoilée – on se plaît pour l’instant à cacher le début de la promenade présidentielle à travers le pays profond, tout comme on a du mal à confondre l’action propre de Biya, pour sa campagne, avec celle du Rdpc quelque peu tenue à l’écart des stratégies actuellement concoctées à Etoudi et dans le village présidentiel. Cette tournée provinciale, dont on ne sait si elle se déroulera d’un trait ou par à- coups, hypothèque un autre timing en chantier, et dont le congrès du Rdpc, très attendu par les militants, reste le point culminant.
Ainsi, Etoudi, dopé par l’euphorie et la liesse populaire qui ont sous-tendu l’arrivée triomphale de Paul Biya à Yaoundé, le 9 juin dernier, aurait-il décidé de dissocier le Rdpc (enclin au désordre) de la nouvelle gestion de proximité désormais prêtée à Biya. Autrement dit, certain d’un soutien direct du peuple, Paul Biya aurait décidé d’organiser lui-même son contact avec les populations du “ Cameroun profond ”, doléance mille fois réitérée par les militants du parti. La paix observée au Cameroun au plus fort de la rumeur sur sa mort et surtout le soutien populaire de son retour au bercail auraient brisé la réticence du prince à s’engager personnellement dans sa propre campagne en vue de la prochaine élection présidentielle.
>>> Intérêt.
Nos sources confirment la décision prise par le chef de l’Etat de se passer des caciques du parti des flammes, intermédiaires souvent fallacieux, pas toujours à l’écoute du Cameroun d’en bas. Il s’agit donc d’un contact à renouer avec la dernière tournée provinciale en 1992, dans la chaleur torride de la première présidentielle pluraliste. Il y a donc 12 ans que Biya a brisé le cordon avec le pays profond, bien que, en 1997, à l’actif de la présidentielle de la même année, Biya avait été à Monatélé, dans la Lékié.
Ce déficit de contact provincial est reconnu par Biya en personne, à l’instar de cet entretien accordé à Charles Ndongo dans le livre “ Paul Biya, un nouvel élan ” (1997). Ce déficit est considéré comme un reproche fait au père du Renouveau. “ J’accepte ce reproche, affirmait-il, qui traduit le souci légitime pour les populations d’être en contact régulier avec le président de la République qu’ils ont élu (…) Cependant il serait bon, je le reconnais, que le chef de l’Etat prenne des contacts plus fréquents avec le ‘’pays réel’’. Qu’on ne croit pas pour autant que je ne suis pas informé des problèmes du Camerounais moyen. Mais rien, c’est vrai, ne remplace le contact direct… ”. Après le contact heureux entre Biya et le peuple le 9 juin dernier, l’homme-lion a donc décidé d’une pierre deux coups de faire de cette tournée provinciale : remercier les Camerounais et anticiper pour sa campagne, avant l’ouverture de la campagne officielle dans le même village qui frise la triche. Selon un opposant, Biya va en province pour contre-carrer la tournée actuelle de la Coalition de l’opposition conduite par John Fru Ndi, Adamou Ndam Njoya, Issa Tchiroma, Antar Gassagay, … De toute évidence cette hypothèse semble très éloignée des objectifs du pouvoir de passer de marcher sur les plates-bandes d’une Coalition (Cnrr) qui a tout de même réussi à réunir des militants par milliers au cour de sa tournée. Laquelle n’aura pas laissé Etoudi indifférent.
Le voyage de Biya en province devra, entre autres, ramener plus de sérénité dans ses bastions, lesquels ont aujourd’hui des revendications palpables. La présidence de la République aurait achevé l’inventaire des doléances sur lesquelles devra tabler un Biya en campagne anticipée, question pour lui d’assurer ses arrières et de se mettre à l’abri de fâcheuses surprises au bout du processus électoral prochain. Par cette tournée, Biya entend rencontrer les chefs traditionnels du pays afin de créer et de miner le terrain aux opposants de la Coalition.
>>> Attentes.
Il va sans dire que cette tournée, sauf changement de dernière minute, dans son effectivité, devra permettre de lutter contre l’insécurité relevée dans nos frontières jugées poreuses et vulnérables. De même, cette tournée nationale offrira l’occasion de jauger l’autre dimension populaire de Biya pour le terrain à la veille de ce second septennat tant convoité par le Renouveau. Il s’agira du troisième tour de province de Biya en 22 ans de magistrature suprême. Le premier tour, placé sous le signe du contact physique, avait eu lieu en 1983, et le deuxième en 1992. A la place d’une tournée sous l’égide du Rdpc, Biya aura donc opté pour un show personnel. La reconnaissance du prince va-t-elle cependant se concrétiser par des “ cadeaux ” à ce peuple lors de cette tournée imminente, On attend de voir, surtout au moment où on semble observer des indices de courroux dans certains “ bastions naturels ”, fatigués de voter par réflexe et instinct pour Paul Biya et le Rdpc, et dont les promesses de développement à eux faites sont souvent vaines. De plus, certains élites et représentants du comité central du Rdpc affichent profil-bas dans leur contrée. La tournée de Paul Biya sous la double casquette de chef de l’Etat et de président national, “ candidat naturel du Rdpc à la prochaine élection présidentielle ” aura pour but de réchauffer des relations sous tension.
source: Bertrand Toko - la nouvelle expression
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