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Ecroulement accidentel du pont du mungo
(06/07/2004)
Le pont qui relie la Province du Littoral à celle du Sud ouest s'est écroulé à la suite de l'explosion d'un camion citerne. Il est chargé d'histoire , notamment la reunification des deux Cameroun...
Par Redaction
Le drame proprement dit....


Il n’y avait plus aucun indice sur sa couleur, sa marque, sa série, encore moins sur sa forme initiale. Les restes de ce qui était la veille encore un camion-citerne semaient stupeur et désolation, dans la matinée de vendredi dernier, sur la rive droite de la rivière Mungo, dans l’arrondissement de Tiko, province du Sud-Ouest. Couchée sur son flanc gauche, la carcasse de cet ex-gros porteur à dix roues était simplement méconnaissable. De ce qui était la veille sa citerne, il ne restait qu’un amas de cendre et de métaux fondus. Des fumées s’y échappaient encore, peu après 10h, vendredi matin, preuve de la présence du feu. A l’intérieur de ce qui était la cabine, deux corps totalement consumés par les flammes étaient à peine identifiables : deux crânes noircis et dénudés, quelques os blanchis par la chaleur et une caricature d’intestins… Il était alors impossible de reconnaître les deux occupants malheureux de cet éléphant de la route que les curieux présentaient pourtant comme le chauffeur et " une dame portée à Bonaberi ", pour ce voyage finalement sans retour.

Ce spectacle macabre, gratuitement présenté le 02 juillet 2004, paraissait pourtant insignifiant à côté de l’effondrement du " Pont de la Réunification ", effondrement qui a été consécutif à l’accident du camion-citerne. Visiblement victime des mêmes flammes que le véhicule, l’ouvrage s’est affaissé. La grosse charpente métallique du pont, qui faisait à la fois sa solidité, sa beauté et sa spécificité, a peu résisté à la chaleur générée par le feu, au point de plonger – partiellement – dans les eaux qu’elle surplombait. L’axe routier Tiko – Douala, précieux trait d’union entre les anciens Cameroun oriental et occidental et symbole de la réunification de ces deux parties du pays, a été coupé peu après 23h, dans la nuit de jeudi à vendredi, selon des sources policières. D’où le désarroi des nombreuses populations, désireuses d’aller d’un côté à l’autre du Mungo, et désormais obligées d’emprunter les pirogues et autres embarcations de fortune, malgré l’opposition des forces de l’ordre.
Le scénario de cette catastrophe à multiples facettes paraît d’une simplicité déconcertante. Selon des témoignages recueillis auprès de nombreuses sources, le camion citerne immatriculé Nw 0662 C est parti de Douala peu après 22h, la nuit du drame.

A Bonabéri, le chauffeur de la voiture, un certain Achidi Brain Chi, aurait pris à bord une dame qui se rendait dans le Sud-Ouest. Avec ses trois occupants – il faut compter l’aide chauffeur (motor-boy) – le camion-citerne se serait normalement dirigé vers Tiko lorsqu’il a été stoppé de façon brutale à la sortie du pont sur le Mungo. Que s’est-il passé à cet instant ? Personne n’est encore en mesure de le dire. Mais, à l’observation de l’épave, l’on soupçonne que le conducteur a perdu le contrôle de son véhicule en plein pont. Le véhicule qui aurait vraisemblablement tenté une sortie sur le côté, aurait été bloqué par les barres de fer de la charpente métallique. Déséquilibré dans ce choc, le camion se serait alors renversé à la sortie du pont. Un incendie se serait déclenché, catalysé par les 15 milles litres de carburant que transportait le camion. Ainsi nourri et dispersé par la dispersion du combustible, le feu n’aurait eu aucune peine à venir à bout du pont, du camion et de deux de ses occupants. Même la végétation environnante, dont une bananeraie, n’a pas été épargnée par les flammes.
Certains détails de cette narration ont été obtenus par la police auprès du motor-boy, unique survivant du drame, qui s’en est sorti avec des brûlures au niveau du dos et de ses quatre membres.

Au cours d’un interrogatoire sommaire conduit par la police, le miraculé aurait affirmé ne rien connaître des circonstances précises de l’accident. Après avoir donné l’identité du chauffeur, il aurait néanmoins précisé qu’il a réussi à s’extirper du camion quelques secondes après le choc, alors que le feu avait déjà pris. Selon des sources policières, il aurait en outre ajouté qu’une explosion assourdissante a suivi l’accident de quelques cinq minutes environ. La police a alors suspecté que l’explosion était consécutive à la forte chaleur créée par le feu. Mais, vendredi dernier, ces supputations étaient prises pour de simples hypothèses d’école, pour la police, en attendant les conclusions de l’enquête qui a été confiée au commandant de la légion de gendarmerie du Sud-Ouest.

Sécessionnistes

Le pont de la réunification (sur le Mungo) est chargé d’histoire. Il matérialise la jonction par route entre les anciennes capitales du Cameroun anglophone (Buéa) et du Cameroun francophone (Yaoundé). On sait que ce pont a souvent été présenté comme une cible possible – et de premier plan - des séparatistes anglophones, qui revendiquent depuis quelques années la création d’un Etat anglophone autonome ayant pour limites les territoires des actuelles provinces du Sud-Ouest et du Nord-Ouest. D’ailleurs, sur l’ensemble des plaques signalétiques qui jonchent la route Tiko-Limbé, les séparatistes du Scnc ont pris le soin de barrer la version française des messages. A l’entrée du pont, côté Tiko, on peut par exemple lire " bridge " alors que " pont " a été noirci à l’encre. Tout ce contexte a nourri une autre hypothèse de l’origine de l’effondrement du pont, qui serait attribuée aux séparatistes. Pour les tenants de cette possibilité jusque-là murmurée, le camion aurait été " piégé à l’explosif ". Même si elle n’est pas totalement balayée du revers de la main, cette hypothèse n’est pour l’instant pas appuyée par des indices crédibles.

A côté des ceux qui allèguent de l’origine criminelle de la catastrophe, se trouvent des tenants d’une version " magique " de l’affaire. Pour ces derniers (parmi lesquels se recrutent le vétéran (notable) André Ngangué), les ‘‘dieux Sawa’’ de l’eau seraient en colère contre les gouvernement. Pourquoi ? Les Sawa ne seraient plus bien écoutés par le chef de l’Etat. Leur influence aurait considérablement baissé auprès des instances dirigeantes du pays. Ces derniers auraient alors décidé de le faire savoir. Vraie ou fausse, cette version s’appuie sur une rumeur, non vérifiée par votre journal, qui disait que le chef de la carrière de sable située à proximité du pont avait été victime le même jour à Douala d’un accident de circulation. Qu’un serpent de plus de deux mètres avait été tué peu après l’effondrement du pont. Et que dans leurs premières recherches, les policiers étaient tombés sur le couvercle d’un cercueil… Pour les esprits cartésiens, cette explication est à écarter au plus vite.

Quelle que soit l’origine du drame, le problème finalement, pour l’ensemble des usagers de ce pont (populations, entreprises et pouvoirs publics), se résume désormais en une lancinante question : comment rétablir au plus vite la circulation entre Douala et Tiko ? A cette question se greffe une autre : à qui était destiné le carburant transporté de Douala pour Limbé, quand on sait que c’est en sens inverse que se fait la distribution des produits pétroliers. Avec l’absence des contrôles véritables observée sur les axes routiers du Cameroun pourtant parsemés de barrières de police, peu importe la réponse à cette dernière interrogation. Surtout que c’est un symbole fort de l’Etat qui se trouve… noyé.






...L'alternative par le contournement.


En attendant, deux voies de contournement assurent une communication difficile entre le Sud ouest et le Littoral.

Une mission dite " de crise " du comité interministériel mis sur pied par le Premier ministre, après l’effondrement du pont sur le Mungo au niveau de la nationale n°3, qui relie la province du Littoral à celle du Sud-Ouest, est descendue sur les lieux du drame. C’était le samedi 4 juillet 2004, quelque 24 heures après le sinistre. Sa mission : voir sur le terrain quelles sont les solutions envisageables à l’immédiat pour pallier à la rupture de la circulation sur cet axe qui jusque-là, accueillait un trafic routier d’environ 3000 véhicules par jour. Pour ce faire, l’équipe, que dirige le ministre des Travaux publics (Mintp), Dieudonné Ambassa Zang, a effectué une reconnaissance des deux voies de contournement retenues pour accéder désormais à la province du Sud-Ouest. Il a noué des contacts avec le Chantier naval et industriel du Cameroun (Cnic), une entreprise étatique, pour débattre du problème de la traversée du fleuve Mungo avec l’effondrement du pont. Cette descente sur le terrain était par ailleurs l’occasion d’engager une réflexion rapide pour la construction " dans les tous prochains jours ", d’un nouveau pont à l’endroit même où les flammes ont eu raison l’ouvrage d’art construit en 1969.

La première voie de contournement, pour les usagers en provenance de l’Ouest ou du Littoral, va de l’axe Douala Bafoussam, au niveau de Mbanga, pour arriver à Muyuka, Mile 17 puis à Ekona dans la province du Sud-Ouest, en passant par le village Penda Mboko du département du Mungo. Au niveau de ce village, les usagers de la route franchissent le fleuve Mungo à travers un bac étroit et vétuste appartenant à la Cameroon Development Coorporation Cdc. Un vrai parcours du combattant sur les pistes cahotantes des plantations d’hévéa de la Cdc, qui commencent déjà à mal supporter l’intense trafic auquel elles sont soumises depuis que cette catastrophe est survenue. Au bord du fleuve où s’opère la traversée, au lieu dit " conner water ", de centaines de personnes étaient agglutinées sur la rive, lors du passage du ministre des Travaux publics, ainsi que plusieurs dizaines de véhicules de tous types, arrivés depuis plus de vingt quatre heures pour nombre d’entre elles. Le bac de la Cdc qui d’ordinaire assure cette tâche, et qui s’est mise au service public, ne peut contenir qu’au plus, quatre véhicules de petit gabarit, ainsi que quelques passagers. Il faut une vingtaine de minutes pour le chargement et un peu plus de cinq pour la traversée. Ce qui ne résorbe que très lentement la demande de plus en plus importante.

La seconde voie identifiée quant à elle, qui est davantage plus longue que la première, demande d’abord à aller un peu plus loin sur l’axe routier Douala-Nkonsamba. Elle passe par Loum, Tombel et débouche à Kumba, pour redescendre à Muyuka, Ekona, Miles 17 et arrive enfin à Mutengéné. Outre les ponceaux qui sont construits sur cet itinéraire et qui ne peuvent pas supporter l’intensité du trafic actuel, il y a aussi un pont métallique semblable à celui qui vient de s’effondrer. Selon M. Ambassa Zang, jusqu’ici, les véhicules lourds qui traversent cet ouvrage ne respectent pas le tonnage limite autorisé. Ce qui n’est pas sans risques pour sa résistance, si l’on imagine le trafic qui va s’y déporter. De plus, entre Loum et Kumba, l’état de la route est des plus déplorable et requiert environ 13 milliards de F Cfa pour les travaux de bitumage. " Evidemment, nous ne sommes pas en possession de cette somme, et nous allons plutôt opter pour l’aménagement de cette voie afin de permettre une assez bonne circulation ", a expliqué le ministre des Transports.

A côté de ces voies de contournement, une solution est envisagée pour faire traverser les véhicules légers non loin du pont affaissé. Il s’agit de la pose d’une barge sur le fleuve pour assurer la continuité de la circulation sur ce lien routier. Le Chantier naval et industriel qui se propose de poser cette passerelle provisoire, donne un délai d’un mois pour le rendre opérationnel. " La barge est là, et il faut juste le OK des autorités pour que nous puissions commencer dès lundi prochain, les travaux pour son implantation ", explique M. Pondy, un des responsables du Cnic. La barge qui peut supporter un poids allant jusqu’à 10 mille tonnes, et dont l’ensemble du dispositif peut avoir une durée de vie de plus de trois ans, a l’avantage de ne pas limiter le gabarit des véhicules qui y traversent.

Elle soulage aussi les usagers des longs détours qu’ils sont obligés de faire depuis vendredi 2 juillet 20004, jour de l’effondrement du pont, puisqu’elle est posée à une dizaine de mètres seulement de l’axe. Mais les quatre semaines nécessaires pour son implantation laissent autant de jours pour aménager les accès entre la route et le point d’implantation du viaduc. Si l’offre technique pour la mise en œuvre de cette solution est déjà faite en bonne et due forme, le volet financier quant à lui, est attendu jusqu’à demain mardi par les autorités gouvernementales. Cependant, Dieudonné Ambassa Zang estime qu’il faut environ un milliard de F Cfa pour poser la barge, et près de trois millions de F Cfa pour la construction d’un nouveau pont, pour remplacer le " noyé ". De l’avis des experts, si les financements étaient disponibles, il faudrait attendre pas moins de 18 mois pour boucler les études et la construction du pont. Au vu de ce qui précède, n’est certainement pas demain, la veille de la souffrance des usagers de l’ex-pont de la réunification.

Pascal E. Dang- Quotidiens Mutations





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