Le business du transfert d’argent, des pays riches d’Europe et d’Amérique vers les nations misérables du Sud, a pris une ampleur telle, au cours de ces dernières années, que l’agenda du récent sommet du G8, à Sea Island, n’a pas pu s’empêcher d’y faire une référence explicite. Dans le lot de réflexions qui sont en effet déployées depuis quelques temps autour de la problématique du développement des pays en développement et des pays pauvres, se situe la manière par laquelle ces transferts pourraient être rendus plus organisés et plus rentables dans l’objectif qu’ils visent : aider véritablement au développement des pays du sud à travers des aides directes aux familles auxquelles cette aide est destinée. Les sommes en jeu, révélées par de une récente étude de la Banque mondiale (Global Finance Development), parlent en effet de quelques 93 milliards de dollars au cours de la seule année 2003 ; montant qui, du reste, ne couvre que les canaux officiels en ne faisant guère mention de tout ce que les mafieux de tous bords transportent dans des mallettes et des sacs aux apparences souvent invraisemblables.
Il est en effet loisible de se rendre compte, à Paris et ailleurs, dans d’autres grandes villes d’Occident, de la vigueur avec laquelle les populations immigrées font référence à la question des transferts d’argent lorsqu’ils parlent de leur leurs origines et de leurs familles "laissées au pays". En un temps raccourci par la vitesse de son développement, le plus important de tous les opérateurs du secteur, Western Union, aujourd’hui présent dans une centaine de pays de par le monde, a ainsi fini par développer une présence commerciale dont le marketing accompagne désormais la plupart des manifestations culturelles et sportives des pays à fort taux d’immigration. Il n’est pas de guichet de cet opérateur qui désemplisse, en réception et surtout en envoi, en signe d’une progression de son chiffre d’affaires que ses dirigeants avouent étonnamment croissante en Afrique noire, au Maghreb et au Moyen-Orient, autant qu’en Amérique latine.
Tellement croissante que de nombreux autres opérateurs concurrents ont fini par s’y lancer, augmentant sans cesse la quantité de ces transferts, et faisant de ce fait dire à la Banque mondiale que leur stabilité, par rapport à d’autres flux financiers, représente pour les pays en développement, la deuxième source de financement extérieur après les investissements directs étrangers. Et, presque deux fois plus que l’aide publique au développement. Les pays riches, qui en ont déjà marre de tous les problèmes de conscience que leur causent les miséreux du Sud, notamment avec cette aide qu’ils ne remboursent presque jamais, trouvent donc là un nouvel avatar sans histoire sur l’espoir d’une résolution durable de la vaste question du développement des pays pauvres. Les Anglo-saxons, qui ne cachent pas vraiment, depuis la décennie 80, leur agacement devant la question des transferts publics vers les Etats de l’hémisphère Sud (transferts qu’ils jugent inefficaces à cause des gouvernements généralement illégitimes, incompétents et corrompus), espèrent donc rallier de nombreuses voix internationales à ce credo qui, en apparence et dans les faits, est d’autant moins fâcheux pour le monde qu’il contribuent à résoudre un problème sur lequel tant de stratégies passées sont venues se saborder.
Les ministres des finances du G7, prenant parti pour le parti-pris de Washington sur cette question, faisaient ainsi savoir, lors de leur réunion de mai dernier, en prélude au sommet de Sea Island, que ces transferts sont "un facteur clé de la croissance et de la réduction de la pauvreté". Près de la moitié des 175 millions de migrants et réfugiés de par le monde, selon un récent rapport du Bureau international du travail (Bit), sont en effet économiquement actifs. Nombre qui, de l’avis du même Bit, va connaître un "accroissement rapide" au cours des dix prochaines années, au regard non seulement de l’évolution démographique de ces populations immigrées – dont les femmes font toujours plus de mioches que la norme des femmes occidentales – mais au regard aussi de la progression de cette immigration dans des pays traditionnellement ouverts aux grands courants, comme les Etats-Unis.
Source: Quotidien Mutations
|