Sur l'appel d'une frange d'intellectuels invitant le président Paul Biya à solliciter un autre mandat présidentiel, une réflexion ironique : "Ceux qui ont pensé qu'ils posaient là, un acte de bravoure, souffrent en fait du complexe du dilemme du prisonnier. C'est stupide, c'est humiliant, c'est désastreux. Les concernés ont donné à la communauté internationale, une mauvaise image des intellectuels camerounais."
Susciter le débat dans un environnement politique camerounais, marqué par la suspicion, la méfiance, la sclérose et la calomnie : Pile et face, édition troisième, le forum de discussion sur les ondes de la Radio télévision Siantou (Rts), a servi, samedi dernier, au public de la capitale et de ses environs, un autre plateau (un mois après celui ayant réuni Célestin Bedzigui, Evariste Fopoussi, Jean-Jacques Ekindi et Anicet Ekane).
Le rendez-vous du week-end dernier recevait Sanda Oumarou, le flegmatique ancien ministre des Postes et Télécommunications sorti du gouvernement en 1992. Deux heures durant de 15 à 17h, ce fils de la province de l'Adamaoua s'est prêté aux questions de Polycarpe Essomba, accompagné pour la circonstance de Thierry Ngogang du quotidien Mutations.
Première version d'une émission relookée, faisant désormais dans le bi-mensuel, avec une nouvelle formule à un invité, embarqué dans un tour d'horizon sur l'actualité politique nationale.
Vêtu d'une gandoura bleu ciel assortie d'une chéchia, l'ex patron des P&T a fait son entrée à 15 heures pile (ponctualité certainement facilitée par la Rolex argenté qui cerne ostensiblement son poignet gauche), dans le studio d'enregistrement de l'émission pour un direct, enflammé, au cours duquel il ne se privera pas de déclarations fracassantes.
Sur la tournée en cours de Marafa Hamidou Yaya, le ministre d'Etat chargé de l'Administration territoriale et de la Décentralisation, embarqué dans une caravane dite de sensibilisation sur la prochaine élection présidentielle, Sanda Oumarou n'a pas caché son dépit : "De la poudre aux yeux. Je n'ai aucune confiance en la reconversion du pouvoir en place dans la transparence et l'équité. Ce régime ne cédera le pouvoir que sous la contrainte." Sur l'appel d'une frange d'intellectuels invitant le président Paul Biya à solliciter un autre mandat présidentiel, une réflexion ironique : "Ceux qui ont pensé qu'ils posaient là, un acte de bravoure, souffrent en fait du complexe du dilemme du prisonnier. C'est stupide, c'est humiliant, c'est désastreux. Les concernés ont donné à la communauté internationale, une mauvaise image des intellectuels camerounais."
L'autre appel, celui de Françoise Foning, député Rdpc du Wouri et de Grégoire Owona, secrétaire général adjoint du même parti et ministre chargé des Relations avec les assemblées, invitant le président Paul Biya à modifier la constitution en vue de supprimer la limitation des mandats, a permis à l'ex-ministre d'adresser à ses adversaires politiques quelques flèches : "Si Mme Foning ne comprend peut-être pas ce qu'elle fait, M. Owona, lui, le sait et exprime une fois encore là, une manifestation de ce fameux complexe du dilemme du prisonnier." La question du mémorandum du grand Nord, à en juger par la gestuelle et le ton emprunté par Sanda Oumarou pour l'évoquer, intéresse au plus haut point l'homme.
Il a en profité pour corriger des allégations entretenues sur sa désolidarisation vis-à-vis des initiateurs de ce document: "Je suis solidaire des mémorandistes." a-t-il martelé. Polycarpe Essomba et Thierry Ngogang ne réussiront pas, malgré toutes les acrobaties, à arracher au leader de l'Action pour le redressement national (Arn), parti politique basé à Ngaoundéré, une déclaration de candidature à la prochaine éléction présidentielle. L'invité du samedi, a entretenu jusqu'au bout, le mystère sur son choix. La dynamique de l'opposition ne doit pas être polluée par des problèmes de personnes, s'expliquera t-il.
Une précision cependant : "Je ne me sens pas un destin national, mais je suis prêt à l'assumer." indiquera t-il par la suite. C'est dans ses petits souliers que l'enseignant associé d'analyse financière, à l'Université catholique d'Afrique centrale, répondra à une interpellation d'un auditeur (autre nouveauté du programme avec 30mn d'interactivité) sur la représentativité dont peut se prévaloir l'Arn : "On a eu à Ngoundéré lors des dernières élections municipales 5 à 10% de suffrage."
Une bien maigre moisson, que cet homme politique qui dit avoir beaucoup d'admiration pour John Fru Ndi, a vite fait de mettre sur le compte des fraudes électorales. Pile et face a aussi été l'occasion pour ce financier, diplômé de la célèbre Université américaine de Columbia, d'évoquer un certain nombre de souvenirs de son passage au gouvernement (1988-1992). Il se souvient par exemple, avec une certaine de fierté, du refus catégorique qu'il a opposé à un ordre de sa hiérarchie lui enjoignant de payer, sans couverture, les fonctionnaires avec les ressources du Centre des chèques postaux (Ccp), aujourd'hui en crise de liquidité.
source: Quotidienmutations, Claude Tadjon
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