"Je suis mariée depuis 1984, raconte dans le Cahier d'animation, le support de cette campagne, une femme qui a requis l'anonymat. Nous avons fait des enfants jusqu'en 1991. Mon mari qui ne travaillait pas m'a laissé toutes les charges de la famille. En plus de cela, il a vidé ma boutique pour construire une maison pour sa concubine. Avant cela, il amenait des femmes dans mon lit, si je protestais, il me battait devant mes enfants. Il me tapait tout le temps. J'étais déprimée. J'ai cherché refuge dans la religion. C'est ainsi que je suis devenue Témoin de Jéhovah". Plus loin, elle affirme que son mari a débarqué un jour dans la maison, avec femme et enfants, et, de harcèlement en harcèlement, a réussi à la jeter dans la rue. C'est là où elle se confie à l'Association de Lutte contre les Violences faites aux Femmes. Celle-ci l'a aidée à traduire son mari en justice. Le mari est condamné et elle est rentrée dans ses droits. Adèle Awoulo, veuve de 30 ans, mère de trois enfants, se plaint de la cupidité de sa belle famille qui, à la mort de son mari, s'est emparée des biens de son époux. Démunie, ses trois enfants et elle ont trouvé refuge, chez sa mère.
Elle a refusé de se remarier et élève ses enfants grâce à la vente des bâtons de manioc. Enseignante, responsable dans un établissement technique féminin de Yaoundé, Antoinette Essala née Dzou Ngamboe, s'indigne contre les rites de veuvage pratiqués dans la communauté de son défunt époux. À la mort de son époux avec qui elle a eu quatre enfants en cinq ans de mariage, sa belle famille l'a accusée de l'avoir tué. Pour se dédouaner vis-à-vis de cette dernière, elle est obligée de boire des potions magiques et surtout de rester nue devant le public. Pierre Alain, jeune cadre, se dit "surpris" par le tapage médiatique autour des violences faites aux femmes d'autant plus qu'il trouve que "les femmes qui sont violentées le méritent bien souvent". "Le mari ne frappe sa femme que lorsqu'elle est fautive". Pour Serge Awono, "c'est notre tradition, certaines femmes ne marchent qu'à la chicote. Elles pensent même que si le mari ne les frappent pas c'est parce qu'il ne l'aime pas. D'où cette propension à la provocation". Marie Laure, coiffeuse, ne partage pas ces opinions. Pour elle, "les hommes abusent de leurs positions sociales, leur argent, pour mettre la pression sur leurs compagnes. Comme c'est eux qui donnent la dot, ils se croient tout permis. Je crois que les femmes ne dénoncent pas leurs bourreaux parce qu'elles savent que les hommes ont très souvent le soutien des leurs congénères.
La solidarité entre hommes prend le dessus sur le besoin de justice de la victime". Marie Noël Guichi, journaliste, n'est pas loin de cet avis ; elle pense "qu'au lieu d'organiser des campagnes qui deviennent à la longue redondantes, et onéreuses, il faudrait plutôt mettre en place des structures de conseil, d'orientation et d'aide aux femmes persécutées à tous les niveaux".
C'est le Cercle International pour la Promotion de la Création (Cipcre), une Ong religieuse, qui a mis sur les carreaux cet épineux problème lors d'un point de presse organisé à son siège à Yaoundé. " Stop aux violences faites aux femmes " est le thème de campagne lancée à l'occasion de la semaine pascale par le Cipcre en collaboration avec les trois principales obédiences religieuses du Cameroun. Le Service National Justice et Paix de l'Eglise Catholique (Snjp/Cenc), le Service Oecuménique pour la Paix (Sep) ainsi que le Conseil Supérieur Islamique du Cameroun (Csic) se sont donnés la main pour sensibiliser l'opinion publique sur les méfaits des violences contre le sexe faible. Le Cipcre étant une institution protestante, le quorum des grandes religions monothéistes est atteint.
Quotidien Mutations
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