Officiellement, Georges Serre, l’ambassadeur de France au Cameroun, a été reçu en audience vendredi dernier par le président Paul Biya pour évoquer le rôle que les deux pays peuvent jouer dans la sécurité et la stabilité en Afrique centrale. Au moment où déjà les nouvelles les plus inquiétantes venaient du Tchad voisin, on pouvait difficilement évoquer un sujet plus actuel. Même si, dans le traitement officiel de cet échange, on ajoutait le rôle de premier plan que devait jouer le port autonome de Douala en temps que principal débouché sur la mer pour quelques pays voisins, achevant de confirmer des impressions répandues ces derniers temps sur l’influence de la France et du groupe Bolloré notamment dans la gestion de cet instrument stratégique.
Le fait est que Georges Serre est allé au palais de l’Unité vingt quatre heures seulement après que Paul Biya, le président de la République, a reçu Mme Janet Garvey, l’ambassadeur des Etats Unis avec qui, il a évoqué, si on s’en tient encore une fois à la version officielle, des sujets en rapport avec la sécurité et le développement du Cameroun. Deux ambassadeurs parmi les plus influents dans l’histoire de la diplomatie et de la coopération camerounaise reçus en l’espace de deux jours par le chef de l’Etat, cela ne peut pas être un événement banal. Surtout au moment où on annonce des visites officielles des présidents de ces pays amis. L’un, l’Américain, en fin de mandat et non qualifié pour se présenter à nouveau devant les électeurs, et l’autre, le Français, pas encore un an à la tête de son pays et qui souhaite déjà, en terre africaine, marquer son territoire dans une manière de " rupture contrôlée " qui est loin de la grande révolution qu’il annonçait pendant la campagne électorale.
Que prépare donc Paul Biya en recevant ainsi George Serre pour la 3e fois en quatre mois alors qu’il s’agit de la deuxième audience de Mme Garvey depuis la présentation de ses lettres de créances le 9 novembre 2007 ? Outre les aspects liés à la préparation des visites annoncées plus haut, les sujets d’intérêt ne manquent certainement pas tant en ce qui concerne singulièrement le Cameroun que celui-ci dans ses rapports avec ces deux pays. On peut évoquer le débat en cours sur la modification de la constitution, un sujet lequel le chef de l’Etat camerounais a clairement pris position, la lutte contre la corruption au moment où des indiscrétions font de plus en plus état de la présence de la chancellerie américaine derrière la publication de listes de personnes qui seraient compromises dans des détournements de fonds publics, la protection des intérêts des milieux d’affaires de ces deux pays.
On imagine que le chef de l’Etat camerounais, dont les proches ont toujours argué de ce qu’il prenait ses décisions en toute souveraineté, a choisi de "consulter " ces représentants de " pays amis " pour des décisions qui seraient beaucoup plus de portée nationale.
Source: Quotidiens Mutations
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