La nuit de samedi à dimanche 13 janvier 2008, un détenu de la prison centrale de Douala est mort des suites de coups reçus par d’autres prisonniers. Ahmed Aliou, 20 ans, écroué pour vol et vagabondage, le 22 décembre 2006, a eu le malheur d’emprunter le savon de Issa Hamadou, 20 ans, détenu depuis le 9 novembre 2007 pour vol (lire Le Messager du lundi 14 janvier 2008). Les circonstances du décès de jeune détenu, qui a été remis en cellule malgré son état de santé après la bastonnade, relancent le débat sur le rôle des établissements pénitentiaires au Cameroun. La prison doit-elle être un lieu d’enfermement avec pour but la simple privation de liberté ou alors une institution conçue pour permettre aux personnes condamnées de s’amender afin de retrouver, une fois la peine purgée, une place au sein de la société ?
Ce débat, qui a eu lieu en France au milieu des années 1970, a tenu en haleine spécialistes des prisons, médecins, assistants sociaux, monde éducatif, détenus et leurs familles, homme et femme politiques… Bref, toute la société. Le président de la République française d’alors, Valéry Giscard d’Estaing (VGE), était obligé de sortir de la réserve qui caractérisait les chefs d’Etat de l’hexagone après le Général De Gaule, pour prendre clairement position. “ La prison ne doit être qu’une privation de liberté ”, avait souligné VGE, marquant ainsi son approbation quant à une amélioration significative des conditions de détention et de vie derrière les barreaux de la République.
Quid de la dignité humaine ?
C’est que en ces années là, les prisons françaises sont de véritables mouroirs. Les détenus survivent dans l’indignité humaine la plus totale. L’arrivée des socialistes, en 1981, a donné un sacré coup d’accélérateur dans le sens de l’amélioration des conditions de vie dans cette institution. Une nouvelle organisation de la prison, en France, sépare de manière plus stricte la maison d’arrêt, qui abrite les prévenus en attente de jugement, des centres de détention où l’on héberge des personnes condamnées à des peines inférieures ou égales à 10 ans fermes et les maison centrales pour des peines supérieures à 10 ans années. Par ailleurs, les prisons pour des jeunes gens mineurs existent pour ne pas les mélanger avec des adultes. Tout comme des prisons pour femmes les séparent de celles des hommes.
Si cette organisation permet d’avoir une visibilité sur l’institution carcérale en France, au Cameroun, rien de tout cela. On continue à parquer les détenus mineurs avec les prisonniers “ professionnels ”, les hommes, enfants avec les femmes quoiqu’une cloison imaginaire entend distinguer chacun des quartiers. Surtout, la surpopulation chronique des prisons centrales camerounaises est source des maux les plus violents de l’univers carcéral. Du coup, la moindre altercation, la moindre dispute, provoquent un début de mutinerie et des tentatives d’évasion.
A l’Etat de jouer …
Le fait que l’on soit passé d’un à deux repas par jour ou que le budget des médicaments de premiers soins ait été doublé ne suffit pas à rendre plus vivables, plus humaines, les geôles de la République au Cameroun. D’autant plus qu’une prison comme celle de New-Bell, à Douala, continue d’héberger des détenus alors que sa capacité d’accueil est largement dépassée : construite pour 700 places en 1938, elle a plus de 3.000 pensionnaires aujourd’hui. Alors qu’en France, même en Maisons d’arrêt, on trouve rarement plus de cinq prisonniers par cellule, au Cameroun ils sont plusieurs dizaines. Il se créé ainsi une promiscuité dans laquelle baignent à la fois détenus et personnels pénitentiaires, souvent entretenue par les uns et les autres.
C’est en fait toute la philosophie qui préside à l’institution carcérale qu’il faut repenser. Publiant une étude sur les structures d’enfermement, sur le fonctionnement des individus embrigadés, Erving Goffman insiste sur leurs conséquences néfastes. Notamment parce qu’elles aboutissent à une négation de ce que l’être humain à de plus cher en lui, sa dignité. Du coup, pas surprenant qu’à Yoko, Kribi, Bafoussam, Douala, on entende des coups de feu chaque fois. Certes les prisonniers gardent parfois toujours le même mauvais esprit qui les a amenés en détention – s’évader pour perpétrer d’autres coups – mais le malaise aujourd’hui ressenti se justifie aussi par le déficit d’encadrement visant à améliorer le condamné afin qu’il réintègre la société ordinaire. Les populations, en tout cas, ont besoin d’être rassurés. Certains prisonniers, quant à eux, veulent bien s’amender pour réintégrer leur milieu de vie originel. A l’Etat de leur en offrir l’opportunité !
Source: Le Messager
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