Leurs pas, un peu plus allertes que d'habitude, au cours du défilé du 20 mai dernier, avaient certainement un lien avec la reconnaissance que venait de leur manifester la France, l'ancienne métropole. En effet, la revalorisation, longtemps réclamée, des pensions civiles et militaires de retraite; et des pensions militaires d'invalidité et victimes de guerre, dues aux anciens soldats africains "qui ont vaillamment servi le drapeau français sur tous les champs de batailles du 20ème siècle", a été rendue effective par les autorités françaises.
Dans cette optique, les anciens combattants camerounais ayant prêté main forte à la France au cours des deux guerres mondiales, de celles d'Indochine et d'Afrique du Nord, perçoivent, depuis le 10 mai dernier, à la paierie de France située au lieu dit "Montée âne rouge" à Yaoundé et auprès des services financiers des consulats de Douala et de Garoua, le rappel d'un an de pensions majoré de 20% du montant habituel. Ceci, indépendamment de ce qui leur est généralement versé mensuellement, tous les trois ou six mois, selon les types d'allocations accordées par l'ancienne métropole, depuis les années 60. Au total, ce sont 359 000 euros, près de 250 millions de francs Cfa, qu'empocheront, selon Vincent Dalmais, premier conseiller de l'ambassade de France, les quelque 450 Camerounais qui ont, tant soit peu, combattu sous les couleurs françaises.
En attendant le calcul des taux de revalorisation, qui sera arrêté chaque année en fonction du coût de la vie dans les différents pays concernés. En outre, la récente mesure de la France autorise, sur demande des intéressés, "la révision des droits pour les pensions militaires d'invalidité, pour aggravation des infirmités indemnisées ou pour prise en compte des infirmités nouvelles en relation avec celles déjà indemnisées". Dans le même sillage, "il est possible, pour ceux qui le souhaitent, de renoncer à leur retraite ou pension en optant pour le versement d'un capital. Ils conservent néanmoins, dans ce cas, le bénéfice des droits aux soins médicaux gratuits et à l'appareillage". Cependant, en dépit des difficultés financières auxquelles font face nombre de Camerounais, ce n'est pas encore la grande ruée des anciens combattants vers les guichets de la payerie de France. Aux dires des responsables de la représentation diplomatique française à Yaoundé, seulement 20% des ces "héros méconnus" (l'expression est de Hamlaoui Mekachera, Secrétaire d'Etat français aux anciens combattants) sont déjà passés à la caisse. Cette faible affluence est certainement le fait de la non circulation de l'information. "Nous avons fait le choix de ne pas beaucoup communiquer pour ne pas créer des engorgements au niveau de la trésorerie. Il peut effectivement se trouver que certains anciens combattants ne soient pas au courant de cette mesure de revalorisation des pensions. Mais, ils pourront rentrer en possession de leur argent au cours des échéances habituelles des payements", rassure-t-on à l'ambassade.
Critère
Pour mémoire, 13 catégories de pensions sont versées aux anciens combattants camerounais par la France. Il s'agit, grosso modo, de la retraite du combattant, de la pension militaire personnelle, de celles de réversion et d'invalidité. Dans ce dernier cas, on distingue l'invalidité subie pendant une guerre de celle subie en dehors. Les veuves d'anciens combattants de la deuxième guerre mondiale (1939-1945) bénéficient d'une pension spéciale. De même, la France manifeste sa reconnaissance aux anciens soldats ayant reçu une médaille militaire pendant le service sous le drapeau français. Selon les statistiques de son ambassade à Yaoundé, la France verse, dans le détail, 509 pensions aux anciens combattants originaires du Cameroun. Un ancien soldat pouvant bénéficier de plusieurs types de pensions à la fois.
Vraisemblablement, le Cameroun compterait bien plus d'anciens combattants qui ont combattu aux côtés de la France, que l'on en a recensé. Bardé de médailles diverses, l'adjudant-chef Siang, ancien d'Indochine et d'Afrique du Nord, dit n'avoir jamais pu bénéficier de la reconnaissance du gouvernement français, contrairement au caporal David Mbida, son compagnon au cours des campagnes d'Indochine, d'Algérie et du Maroc, qui reçoit de la France une pension de 92 775 francs Cfa par trimestre, depuis 12 ans.
"Il s'agit de personnes qui n'ont pas fait connaître leurs états de service auprès des autorités françaises. Plusieurs séances de rattrapage ont d'ailleurs été programmées pour qu'elles puissent le faire. Maintenant, je crains qu'il ne soit trop tard pour elles", regrette un responsable de l'ambassade de France. En plus des Camerounais, des centaines, voire des milliers (c'est le cas des burkinabés qui sont 6 000 au total) d'autres anciens combattants africains bénéficient de cette revalorisation des pensions. Il s'agit de près du million de Sénégalais, Algériens, Marocains, Tunisiens, et autres Djiboutiens, pour ceux qui sont encore vivants, ou de leurs ayants-droit, en cas de décès du principal concerné; qui ont versé de leur sang pendant des différentes guerres qui ont impliqué la France au cours du 20ème siècle. Plus de 100 000 d'entre eux vont ainsi mourir au champ d'honneur.
Par Brice R. Mbodiam, Quotidien Mutations
|
