Mi-octobre 2007. Près de la Direction de la police judiciaire (Dpj) au quartier Elig-Essono à Yaoundé. Un automobiliste furieux vocifère des insultes à l’encontre de l’homme en train de poser des sabots sur sa voiture. Garé entre plusieurs autres voitures sur le trottoir, l’automobiliste crie à l’injustice et menace le concessionnaire du service de la fourrière municipale. S’en suivra un échange houleux entre les deux hommes, sous le regard de quelques curieux qui n’hésitent pas à prendre la défense de l’infortuné.
Lundi 7 janvier 2008. Un autre automobiliste, qui a requis l’anonymat, se trouve devant le guichet de la fourrière municipale. Muni de son reçu, l’homme, qui foule le sol de Yaoundé pour la première fois, vient de débourser 25.000 Fcfa pour l’enlèvement des sabots sur son véhicule. " J’ai garé ma voiture à côté de celle de la police près d’un arrêt bus. Le temps d’aller manger et de revenir, j’ai trouvé qu’on m’avait mis des sabots ", explique-t-il.
Les sabots ont fait leur apparition dans la ville de Yaoundé il y a près d’un an. Cette mesure a été prise par le délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Yaoundé (Cuy), dans le but de " fluidifier la circulation routière " en mettant fin à l’anarchie dans le stationnement. Depuis lors, des panneaux d’interdiction de stationnement ont été placés à plusieurs endroits de la ville.
Ainsi, tout véhicule garé sur "les trottoirs, les arrêts bus et taxis, en stationnement abusif ou encombrant la circulation " est considéré comme en infraction et peut être frappé d’une amende de 25.000 Fcfa pour les petites voitures, 50.000 Fcfa pour les camionnettes et les mini-bus et 100.000 Fcfa pour les camions, conformément à l’arrêté du 7 janvier 2002 fixant les taux d’amendes pour infractions causées sur le domaine public viaire.
Force est de constater cependant que les voitures " en infraction " ne sont plus les seules concernées par cette mesure. Depuis un certain temps, des voitures garées sur le parking font les frais de cette mesure. Lundi dernier, une voiture de marque Nissan, garée parmi tant d’autres au parking de la Sgbc au lieu dit place du Parc Repiquet, s’est trouvée " sabotée " par la Cuy.
" Selon les circonstances et selon son appréciation, le policier peut juger qu’une voiture encombre la circulation et décider d’y poser des sabots ", explique Arnauld Philippe Ndzana, directeur des services techniques à la Cuy. Ce qui n’était pas le cas de cette voiture. Comment comprendre qu’un véhicule soit paralysé alors qu’il n’est pas en infraction ? Le chargé des opérations à la fourrière municipale se dit " ne pas être habilité répondre à cette question ni à aucune autre " et nous renvoie à la Cuy, nous assurant que nous y trouverons tous les documents y relatifs.
Même son de cloche à la Cuy. " Je suis ignorant en ce qui concerne la pose de sabots, je n’ai aucun document. Allez voir le responsable de la fourrière, c’est lui qui connaît les sites et qui décide de poser un sabot ici et pas par là. Il est mieux placé que quiconque pour vous donner ces informations car honnêtement, je ne suis pas habilité à fournir l’information ", déclare Jean-Marie Etoundi, chef de la communication de la Cuy. Retour à la fourrière, le responsable nous fait comprendre qu’il ne répondra à aucune de nos questions.
Face au problème de pose de sabots sur des voitures qui ne sont pas a priori en infraction, toutes nos questions se heurtent à un mur. Pourquoi tant de mutisme ? Nul ne veut répondre à cette question. Pourtant, cette situation devient fréquente dans la ville au point où certains automobilistes se demandent s’il ne s’agit pas d’une dérive arbitraire.
Source: Quotidiens Mutations
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