Panique dans les cases voisines de la maison d’arrêt ! Les habitants redoutent un débordement qui pourrait, sait-on jamais, être fatal pour eux. La présence des autorités, dont l’adjoint préfectoral, Placide Kunz Ndobo, ne les rassure pas. On entend des bruits assourdissants. La prison est sous tension. Les pensionnaires se sont révoltés.
Selon les témoignages recueillis sur les lieux, tout serait parti d’une bagarre entre les détenus Samoufou, Bibanga et Bekoun. “M. Samoufou réclamait trois places dans notre cellule : une place sur le plancher, une autre au Vatican et la dernière à l’allée. Nous lui avons dit qu’il ne mérite qu’une seule place comme tout le reste et c’est pendant qu’on discutait qu’il a sorti un couteau pour me blesser à la main. Il m’a ensuite assommé à la nuque et je me suis retrouvé dans le coma”, déclare Bibanga. Dans la foulée, le même Samoufou blesse Bekoum à la côte. Après ces actes, les détenus de la cellule 5 s’indignent. Samoufou est copieusement molesté et poignardé à son tour par d’autres pensionnaires.
Les gardiens de prison sont alertés. Bibanga et Bekoum sont transportés à l’hôpital. Les autres détenus s’opposent à la sortie de Samoufou si l’état des deux autres n’était pas rassurant. “On ne voulait pas laisser sortir ce gars-là parce qu’il a commis un mauvais acte et si les autres meurent, lui aussi devait trépasser”, estime Impérial, un autre détenu de la cellule n°5. Et de poursuivre : “C’est la faute des gardiens de prison parce que quand la bagarre a commencé nous les avons alertés et ils ont fait la sourde oreille”.
L’adjoint préfectoral en culotte
Après la sortie des deux blessés, la colère des détenus fait tâche d’huile. Les prisonniers arrachent les portes de leurs cellules et mettent le feu dans la cour en secouant violemment la porte principale. Le régisseur et les gardiens appellent les autorités de la ville. L’adjoint préfectoral arrive en culotte. La police et la gendarmerie tentent de maintenir la sécurité autour de la prison. Les prisonniers réclament d’urgence le procureur de la République près des tribunaux de Kribi pour conduire une négociation. Quand celui-ci débarque, il est curieusement éconduit par les détenus qui disent ne plus vouloir de médiateur.
Les forces de l’ordre tirent des coups de feu en l’air. Mais les prisonniers sont imperturbables. Ils secouent le portail et lancent des pierres. Les autorités se retirent aux environs de deux heures du matin en laissant la consigne d’abattre le moindre fugitif. Au petit matin de jeudi, les autorités reviennent sur les lieux. Le constat est affligeant : le bureau du régisseur est ravagé par les pierres et badigeonné d’excréments. Les portes des cellules sont enfoncées et brûlées. Les grilles autour des ouvertures d’aération sont détruites. Les détenus permettent le retrait du blessé Samoufou pour un transfert à l’hôpital de district de Kribi où il sera enchaîné.
Les vraies raisons sont ailleurs
Selon le régisseur Thuisseu, cette grogne est la conséquence de l’interdiction des cigarettes et autres drogues dans la cellule et le durcissement des méthodes de contrôle. Faux, rétorquent les pensionnaires. “Ce n’est pas un problème de cigarettes. Ce que nous réclamons c’est le respect de nos droits. Nous ne pouvons pas accepter qu’un détenu, parce qu’il a de l’argent, brime les autres sous le regard “ indulgent ” du régisseur.On nous prive aussi de nos repas quotidiens parfois et si tu as payé les frais de corvée et que tu ne donnes pas de l’argent aux gardiens, on te laisse enfermé pour faire sortir un autre qui n’a même pas payé. Alors on ne peut pas nous interdire de fumer parce que cela nous calme. Le régisseur doit respecter nos droits car nous en avons”, revendique un détenu qui totalise déjà sept ans dans le pénitencier.
Le comité de crise mis sur pied par le préfet a promis de rencontrer les délégués des détenus pour recueillir leurs doléances en vue d’y apporter quelques solutions. “Les détenus revendiquent le respect de leurs droits. Ils parlent aussi d’alimentation. Nous allons les rencontrer pour avoir plus de détails mais nous condamnons leur mode d’expression avec véhémence ”, déclare Placide Kunz Ndobo. La prison de Kribi est construite depuis 1935. Elle héberge 262 détenus dont 97 condamnés, 18 femmes et 5 mineurs.
Source: Le Messager
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