Suite aux lots d'encouragements qu'a reçus Yaqoub Ben Garoua sur la véracité et la profondeur de son article publié sur le titre "Cameroun : le changement de viendra pas de Montréal", deux internautes Camerounais résidant au Canada, pour qui cet article semble être loin de la réalité, ont décidé d'apporter leurs précisions sur cette analyse de la situation de la jeunesse Camerounaise à Montréal et plus généralement au Canada. Le débat reste ouvert.
Cameroun : le changement viendra de Montréal et même d’Etoa-Meki.
J’ai beaucoup aimé la vivacité avec laquelle Mr Yaqoub Ben Garoua abordé le cas de la jeunesse camerounaise, en ce qui a trait de son implication dans les réflexions sur l’avenir du pays. Néanmoins, je pense que cet article ne soulève pas les véritables problèmes, mais juste une conséquence de ces derniers. En effet, il faut aller chercher plus loin que cette attitude qu’on reproche à une minorité; la précision en vaut la peine, car l’article peut laisser sous entendre que notre jeunesse est en perdition totale.
Tout d’abord avant de présenter ceque j’estime être la véritable cause du problème, j’aimerais commencer par faire une mise en contexte. Car je ne peux m’arroger le droit de donner mon point de vue, sans toutefois avoir les connaissances nécessaires pour débattre du sujet. Le meilleur moyen est donc de décliner une partie de mon identité, je suis un jeune camerounais de 24 ans qui vit à Montréal depuis 8 ans maintenant. J’y ai fais mes études et je m’y suis établi afin de pouvoir gagner de l’expérience de travail dans mon champ de compétence. Celà fait de moi un potentiel observateur de ce que certains qualifient de la déchéance de la jeunesse camerounaise, mais nous y reviendrons plus tard.
Pour commencer, il est important de mentionner que le problème soulevé par l’article de notre ami Yaquoub, est général à l’Afrique entière. Il parait flagrant en dépendamment de la communauté africaine qu’on côtoie; mais du Jeudi au Dimanche ce sont des camerounais, des sénégalais, des marocains, des kenyans ou encore des rwandais que l’on rencontre dans les clubs et qui font la fête à tue-tête. Mais j’aimerai vraiment attirer l’attention ici sur un fait, ce sont toujours les mêmes personnes qui font la fête avec exagération (Yaqoub l’a d’ailleurs mentionné). Au sein des communautés il se crée des cercles, une forme de jet set africaine contemporaine qui snobe les règles. C’est donc toute l’Afrique qui est affectée par ce mal. Il m’est arrivé plusieurs fois en club (car oui je sors de temps en temps, comme tout jeune dans la vingtaine) de me demander si cette jeunesse, cette jeune fille ou ce jeune garcon qui me salue fraternellement, pourrait être garante du développement de l’Afrique.
Contrairement, à certaines personnes je ne pense pas que les révolutions viennent forcément du milieu estudiantin mais plutôt de la société en général. Et celà inclut tout le monde parents, étudiants, ...etc. Car c’est la société entière qui doit prendre conscience et donner le ton au changement en créant le besoin d’un renouvellement de l’essence. Ce n’est pas une grève d’étudiants qui changera un pays; cela a peut être marché à certains endroits, mais rappellons que dans ces pays là autant les étudiants que les autorités étaient conscientes de leurs droits et de leurs obligations. En Afrique et au Cameroun en particulier, il y a bon nombre d’années que ce contrat social a été rompu (droits et devoirs d’un citoyen). Où sont passé les notions de patriotisme en cours d’éducation civique ou encore l’encadrement familial qui veut qu’un enfant respecte ses aînés. Nos sociétés se sont occidentalisées très rapidement et nos moeurs ont évolués de même. Je ne suis pas contre cela, mais je veux juste montrer ici que ce changement quasi radical dans notre culture n’a pas été encadré de la meilleure manière qu’il soit. L’état actuel de la jeunesse africain est le fruit d’un développement humain baclé, qui nécessite une profonde réflexion. Ce n’est pas la jeunesse africaine qui a échoué ou qui échoue actuellement; c’est toute l’Afrique qui est entrain de passer à côté de la plaque. Il n’est donc pas surprenant aujourd’hui de faire ce constat que Yaqoub présente si bien dans son article.
Pour revenir à la diaspora et plus particulièrement sur celle du Cameroun, je vais me permettre d’attribuer une double responsabilité à nos aînés de la diaspora. Ces derniers sont partis du pays depuis si longtemps, se sont intégrés à leur société d’acceuil et n’ont jamais pensé qu’il fallait mettre sur pied des structures à but non lucratif afin d’encadrer les jeunes qui suivraient leur pas. Quand je parle de structures, je ne parle pas des associations culturelles qui vantent si bien notre cher pays, quoi que ces dernières réussissent à orienter adéquatement leurs jeunes membres. Mais je parle d’une véritable association axée sur l’encadrement social des jeunes immigrants; une source d’information et d’orientation pour eux. Car beaucoup de ces jeunes, voyez vous, se perdent en arrivant à Montréal (ou sont même déjà perdus depuis le pays). Ils ont besoin d’une boussole, de repères; eux qui sont si loin de chez eux et qui développent difficilement un sentiment d’appartenance à leur nouvelle société. Ils ont besoin de modèles de réussites, de mentors sur qui calquer le bon exemple. Et c’est à nos aînés de la diaspora que revient cette tâche. Mais j’avoue que c’est parfois difficile à réaliser, car les jeunes n’écoutent pas très souvent les conseils des adultes une fois leur liberté occidentale acquise. Malgré celà, il faut continuer à faire cette effort car dans la masse il y en a beaucoup qui ont besoin de ce précieux encadrement.
Le changement viendra de Montréal néanmoins, car dans tout ce brouhaha il existe une conscience qui n’est pas communautaire, mais qui peut être associée à divers groupes d’intérêts se formant ici et là. Ces groupes de jeunes parfois âgés de 18 à 24 ans, oeuvrent pour le bien de l’Afrique en posant des actions concrètes et visibles. Mais pour pouvoir les apprécier, il ne faut pas aller faire un tour dans une boîte de nuit africaine; il faut plutôt se rendre dans un appartement du quartier côte-des-neiges ou dans un café au centre-ville pour voir comment ces jeunes plannifient et mettent en action des projets qui vont changer la face du continent. Je pourrai citer des centaines d’exemples ici, mais je ne tiens pas à faire de la publicité pour une quelconque association; ce n’est pas le but de mon article. Le changement viendra de Montréal, car la jeunesse camerounaise quoi que minée est en action, elle bouge, discute, envisage, agit, investit. Il est donc du devoir de notre chère mère patrie de rétablir maintenant le contrat social rompu, afin que cette génération puisse montrer de quoi est ce qu’elle est capable et intervienne dans la construction de notre paysage socio-économique.
Le changement viendra de Montréal et très certainement d’ailleurs, Paris, Tokyo, Johanesburg et même Etoa-Meki. Car partout la jeunesse camerounaise est confrontée aux mêmes problèmes, il se crée cette conscience qui grandit et se développe afin de bâtir un avenir meilleur pour le Cameroun et pour l’Afrique en général. En attendant que les choses se passent, je vous laisse sur cette phrase : le changement viendra de Montréal et d’ailleurs. Je retourne à mes projets personnels en cette soirée d’automne chaude; car après avoir travaillé 8 heures aujourd’hui, comme des centaines d’autres camerounais je réfléchis à l’avenir de l’Afrique et je pose des initiatives concrètes en ce sens.
Serge Daouda.
Rectification méthodologique, et plaidoyer pour la défense de la «majorité minoritaire»
Je l’ai lu et relu, je ne peux m’empêcher de réagir à l’article de notre compatriote Yacoub. Même si ce n’était pas l’effet recherché, j’ai été profondément blessé par le contenu, explicite et implicite de cet article. Je ne suis aucunement prétentieux, mais je sais que je parle pour beaucoup ici en disant que l’enquête menée auprès de la future élite camerounaise à Montréal comporte plusieurs erreurs. Erreurs plutôt grossières compte-tenu du fait qu’elle sert de base à la lapidation de la communauté étudiante camerounaise, et par la même des parents des membres de cette communauté. Je ne pourrais malheureusement pas vous présenter, à toi, Yacoub et aux éventuels lecteurs l’intégralité de mon argument. Captiver l’attention requiert un minimum de concision, donc soyons concis !
Premièrement, à partir du moment où l’on fait une enquête à caractère un tant soit peu statistique, le minimum de logique implique d’effectuer la dite enquête sur un échantillon représentatif du groupe, je n’ai pas besoin de relire l’article cent fois pour voir que ce n’est pas le cas. Les exemples que tu présentes comme la majorité ne la représentent pas forcément.
Deuxièmement, les résultats obtenus lors de ce type d’enquête doivent être remis dans leur contexte : je ne sais pas à qui tu t’es adressé, mais «get rich or die trying» n’est en aucun cas le slogan, ni le leitmotiv, ni la citation préférée de quelque étudiant camerounais que je connaisse-et j’en connais-. Je te concède cependant bien volontiers qu’on puisse la retrouver comme message privé sur msn ou tout autre logiciel de messagerie instantanée, et j’espères que tout le monde s’entend pour dire que ce n’est pas la meilleure variable à prendre en considération pour déterminer si oui ou non on est un étudiant appliqué et un patriote consciencieux. Nous sommes tous fiers des auteurs africains, pas juste camerounais et gardons la place qui leur revient de droit dans nos consciences.
Je suis étudiant étranger à l’université de Montréal et entame ma cinquième année. Je dispose déjà de mon diplôme de premier cycle et entame le second. Oui, mes parents paient 5700$, et oui, je fais la fête de temps en temps comme tout le monde. Je suis d’accord avec le fait que si tu vas en boîte de nuit du jeudi (en fait lundi) au dimanche, tu en trouveras des camerounais, et oui ils dépensent ; cela dit, si tu avais poussé ton enquête plus loin, tu aurais constaté qu’environ 70% de ces derniers travaillent, et que c’est le fruit de ce travail qu’ils dilapident, et non l’argent du pays (je répète que mon exemple ne concerne que le 70%). D’ailleurs chacun fait ce qu’il veut de son argent de poche que je sache. En fait la future élite dont notre patrie a tant besoin, ce n’est pas en boîte, ou dans les assos étudiantes de PREMIERE ANNÉE qu’il faut chercher.
Ceux d’entre nous qui ont une vision d’avenir en commun pour notre pays sont mieux identifiables sur le terrain. Je me souviens d’une conférence organisée par des étudiants africains sur le racisme (assez passionnée en passant), de même que j’en connais qui font des projets très concrets et très ambitieux, des projets de longue haleine dont vous entendrez peut-être parler(commercialisation mode, journalisme, diplomatie…j’en passe). J’en connais tellement, de près ou de loin qui gagnent bien leur vie, diplôme en main ! Certains d’entre eux passent, en effet une bonne partie de leur temps libre en boîte, mais ils assurent quand même. C’est pas parceque tel ou telle a la chance d’avoir eu des parents riches(honnêtes ou pas), ou tout simplement de pouvoir étudier ici qu’il ou elle doit vivre dans l’austérité la plus totale et se concentrer sur la réussite, pour pouvoir enfin être pardonné de son abominable crime. D’ailleurs il y a une chose très importante à saisir ici, la culture estudiantine Canadienne est très différente de celle en France. Tout est mis en place pour que l’étudiant réussisse, tout en ayant une plus grande latitude dans ses loisirs, et dans ses activités hors-campus. L’apprentissage, certes difficile devient agréable plutôt qu’un simple mal nécessaire.
Je suis d’accord que le néocolonialisme vit aussi grâce aux injections de capitaux que nous faisons, mais il faut voir qu’à partir du moment où tu t’inscris et t’engage à payer 5000$ tu es déjà pris dans l’engrenage ; de plus chacun fait ce qu’il veut de son argent, du fruit de son travail, tant qu’il reste concentré. A ce sujet, je trouve que tu exagères grandement en disant que nous ouvrons rarement nos livres, je suis surpris de lire ce genre de choses, nous connaissons tous l’arrogance qui nous caractérise en tant que peuple.
Je termine en disant ceci : le changement viendra aussi de Montréal, le potentiel est réel et il ne faut pas se sentir blessé, frustré ou déçu de voir certains, et même beaucoup faire de la figuration (que ce soit avec l’argent du pays, des parents ou le leur). Le propre d’un génie, d’un membre de l’élite est qu’il est exceptionnel, et fort heureusement le propre d’une société en mouvement, en mutation est qu’elle ne repose pas uniquement sur les épaules de celui-ci, mais sur l’effort collectif, la volonté de tous de bouger. Enfin, j’aimerais tout de même saluer, en toute sincérité ton franc parler et ton analyse, car tu t’es renseigné et a présenté les choses telles que tu les a vues et de façon claire, de façon engagée. Grace à toi un débat est lancé, et débattre est très important entre jeunes, et entre individus en général pour avancer.
Steve A..
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